200 000 mètres cubes d’eau boueuse, des blocs de granit parfois gros comme des frigos emportés par les vagues sur des centaines de mètres, un village mythique presque entièrement rayé de la carte et – preuve de l’efficacité des secours en montagne – aucune victime.
Cinq jours après que des inondations torrentielles ont ravagé le hameau de La Bérarde, les habitants et amoureux de la vallée du Vénéon, haut lieu de l’alpinisme français, n’en reviennent toujours pas.
A deux heures du matin, vendredi 21 juin, le niveau du torrent des Étançons monte dangereusement. En début de saison, une centaine d’estivants, touristes, saisonniers ou résidents secondaires séjournent à La Bérarde ou aux Étages, quelques kilomètres en aval – les deux hameaux, non habités à l’année, font partie du commune. de Saint-Christophe-en-Oisans.
Le reste après cette annonce
En pleine nuit, les gendarmes frappent à leur porte et les rassemblent dans une des auberges de La Bérarde, où ils passent une partie de la nuit en sécurité. Au petit matin, ils ont été évacués par hélicoptère vers la gare des Deux Alpes. Une opération de haute voltige, qui a culminé avec l’extraction extremis d’un couple belge, coincé par les eaux dans leur chalet – les images du CRS Damien Fillon fracassant le toit à coups de marteau sont depuis devenues virales.
Quelques heures plus tard, la chapelle est vidé par les eaux. Seule une partie de la nef donne sur le nouveau lit du torrent.
A peine remis du drame, les habitants de St-Christophe-en-Oisans se demandent : pourquoi ce hameau millénaire, refuge des bergers longtemps habité à l’année avant de devenir le point de départ des plus célèbres courses d’alpinisme des Écrins. , a-t-il disparu ?
Actuellement, météorologues et chercheurs suggèrent la concordance de quatre événements météorologiques, sans doute accentués par le changement climatique : d’énormes quantités de neige en haute altitude ; une fonte rapide du manteau neigeux accentuée par le foehn ; des pluies intenses (il est tombé plus d’eau en 48 heures qu’en juin normal) ; et surtout la vidange d’un lac glaciaire, au pied du glacier de Bonne Pierre.
Lundi, deux jours après le sinistre, nous avons rejoint la vallée du Vénéon à pied et en stop, afin de témoigner des dégâts causés par les eaux, à La Bérarde et aux Étages.
A La Bérarde, le torrent des Étançons coupe désormais le village en deux. De nombreuses maisons sont complètement détruites ou recouvertes de sable et de pierres ; d’autres sont encombrés jusqu’au premier étage ou exposent leurs intérieurs dévastés.
Une épave de voiture, un réservoir d’essence, un lampadaire encore debout émergent des décombres. Les troncs de trembles, de bouleaux et de mélèzes sont écorcés sur 50 centimètres ou un mètre, témoignage du niveau atteint par les eaux.
Il est difficile, au vu de ces décombres, d’imaginer un avenir à La Bérarde. Si tout le monde veut croire à la reconstruction du hameau, beaucoup doutent en privé que la préfecture l’autorise.
Depuis samedi 22 juin, un arrêté préfectoral limite fortement la circulation vers Saint-Christophe-en-Oisans. Par ailleurs, mercredi matin, suite à un épisode pluvieux, la route a été à nouveau submergée. Encore une mauvaise nouvelle pour les habitants de La Bérarde, qui ont dû y retourner jeudi 27 juin, dans l’espoir de récupérer quelques objets personnels. Selon nos informations, l’opération a été reportée sans le par la préfecture de l’Isère.
A Saint-Christophe-en-Oisans, les socioprofessionnels espèrent encore sauver leur saison estivale. Chez les hébergeurs, le téléphone sonne en permanence : les clients inquiets hésitent à annuler leur séjour, alors qu’il était prévu pour la mi-juillet ; les amoureux locaux souhaitent apporter leur soutien.
Malgré l’optimisme affiché, chacun sent que la survie de la vallée est en jeu : avec La Bérarde, elle a perdu son atout majeur. Et rien ne dit que les travaux, déjà bien engagés, apporteront une solution viable à long terme. Entre juillet et octobre 2023, les inondations et les pluies ont endommagé des kilomètres de sentiers dans le quartier, emportant une trentaine de passerelles. Et à l’automne, la route d’accès à La Bérarde s’effondrait déjà – comme une répétition des événements de cette année.