Lyon, ville martyre de la « fast-écologie »

Lyon, ville martyre de la « fast-écologie »
Lyon, ville martyre de la « fast-écologie »

C’est la promesse politique des élus de la Ville et de la Métropole aux Lyonnais et au Grand Lyonnais depuis 2020. Si l’inquiétude est louable et partagée par de nombreux habitants, en revanche la méthode actuellement déployée localement suscite de fortes inquiétudes. A l’instar de la « fast fashion » – cette pratique inventée par l’industrie de la mode de produits de mauvaise qualité fabriqués à la hâte pour inonder nos centres-villes, tout en favorisant la disparition progressive des commerces indépendants, Lyon est en train de devenir la norme de la « fast-écologie ».

Ici, au nom de l’urgence climatique, les collectivités territoriales expérimentent une transformation ultra-rapide, chaotique et bon marché du centre-ville de Lyon. Au nom du dogme d’une ville « sans voiture » supposément inévitable et d’un partage supposé plus équitable de l’espace public, Lyon et son agglomération vivent, comme une fatalité, cette transformation forcée, pour devenir le laboratoire français de l’écologie rapide. Cette nouvelle version du « green-washing » entend ériger un modèle rapide de la ville verte idéalisée. Derrière le vocabulaire et les travaux en cours sous nos fenêtres se joue une stratégie bien huilée, non sans conséquences sur notre qualité de vie.

Décrypter en trois séquences le déploiement de ce nouveau modèle urbain conçu « malgré nous », mais pour « notre bien » : 1/ décréter la Vélorution, 2/ étouffer le centre-ville et 3/ donner l’illusion de la concertation.

Sur le papier, l’idée initiale semblait aussi séduisante qu’ambitieuse. En réponse à son « dernier mandat solennel pour le climat », et à l’heure de l’urgence climatique et du réchauffement des villes, le Maire de Lyon nous a promis la mise en place express d’une ville apaisée, 100 % cyclable et 100 % piétonne, végétalisée. , perméable, voire « adaptée aux enfants », co-construite avec les citoyens.

Les premiers résultats connus par les Lyonnais se résument principalement à une chasse aux voitures : autoroutes cyclables et pistes cyclables XXL qui impactent jusqu’à 50 % des voies de circulation automobile, absence de projet d’extension du métro et solutions massives de stationnement souterrain, augmentation conflits entre usagers de mobilités différentes, et dangerosité accrue sur de nombreux aménagements, notamment sur les itinéraires partagés entre bus, vélos et scooters, comme sur les quais Maréchal Joffre ou Fulchiron, ou dans toutes les zones où se croisent différentes mobilités.

Le projet d’une ville chaotique et « bunkerisée » plus que paisible se dessine ainsi peu à peu, avec la fermeture emblématique de la rue Grenette, et des quartiers fragmentés comme des îlots urbains. Tout cela donne l’étrange impression d’une ville réservée de plus en plus à une population de jeunes, actifs, sportifs ou en bonne condition physique, principalement entre 20 et 50 ans, et non plus à l’ensemble des habitants.

Après la montée en puissance des marques de fast fashion, qui n’ont ni attachement ni intérêt pour leur localisation, on assiste aujourd’hui au déploiement de la politique de « fast-ecology », qui vise à avancer rapidement en mode « far west », avec 3 modes d’intervention. censé nous convaincre que c’est la seule manière possible de résoudre le réchauffement urbain et climatique.

Acte I – Décret Velourution

Telle une nouvelle obsession collective, le premier élément de l’argumentaire de la ville de « fast-écologie » est simple : faire comprendre à tout prix qu’une révolution de la mobilité est en marche, celle du vélo. Pour nous convaincre, le discours utilisé et les éléments de langage s’appuient sur une version romantique du fameux « sens de l’Histoire » et du mode de vie chinois. Le Monsieur Vélo de la Métropole, Fabien Bagnon, Vice-président à la mobilité, va encore plus loin en termes de promesse puisqu’il présente le Réseau Vélo Express (REV) en ces termes : « Le REV arrive ! C’est particulièrement sexy, voire carrément érotique. » (sur le réseau social X – février 2021).

Au-delà d’en faire un phénomène de mode, et de démoder tous ceux qui n’utilisent pas ce mode de transport, les élus de la Ville et de la Métropole justifient la précipitation dans le développement des autoroutes cyclables par des chiffres tout aussi impressionnants que le chaos généré. par les travaux en cours ou la dangerosité des axes créés. Avec 70 compteurs vélos répartis dans la ville, qui comptent jusqu’à 12 fois le même usager pour un même trajet, on nous annonce sans trembler le record de 42 millions de passages à vélo sur l’année 2023, sans se réveiller chez soi. personne au moindre questionnement méthodologique ou arithmétique.

A titre de comparaison, 40 millions de véhicules transitent chaque année au cœur de la ville, à Perrache et sous le tunnel de Fourvière.[1], qui était considérée comme une autoroute nationale jusqu’à son récent « déclassement sémantique » en M6/M7. Alors que nous nous concentrons sur l’explosion de la pratique du vélo, toute relative en valeur absolue, nous n’abordons pas la pollution générée par ce trafic automobile, alors qu’une solution concrète existe avec le projet Métamorphose qui permettrait de sortir le trafic de le centre-ville de Lyon, sans supprimer les automobilistes ni décréter qu’ils doivent désormais utiliser le vélo. C’est le « double standard » de la politique actuelle des écologistes lyonnais, une ambition écologique à petite échelle qui regarde le problème par le petit bout de l’objectif.

Acte II – Asphyxier le centre-ville

Rendre la ville impraticable aux automobilistes et les rendre las de leurs véhicules est l’objectif très clairement poursuivi. Quand on constate les nombreux embouteillages générés par les multiples aménagements temporaires ou permanents, on peut même entrevoir une certaine forme de sadisme de la part des designers. Tout est fait pour piéger les automobilistes, condamnés à voir les feux tourner sans pouvoir bouger de plus de 3 mètres, alors que la voie réservée aux bus nouvellement créée reste désespérément vide.

C’est dans ce même esprit d’aller vite et de rendre les choses irréversibles qu’a été imaginé le projet de fermeture d’une immense partie de la presqu’île aux véhicules. Dans le projet actuel, il n’y a aucune vision globale de la ville, aucune vision de la mobilité à l’échelle de la 2ème agglomération de France, aucun accompagnement sérieux, ni aucune étude d’impact sur les habitants, les commerces, les entreprises, les artisans, les personnels soignants qui doivent pourtant y accéder. On ne conçoit pas la ville pour les habitants, mais pour expérimenter une conception dogmatique et utopique de la ville apaisée, qui ne correspond qu’à la représentation que les théoriciens s’en font.

Il s’agit d’une relecture des politiques d’urbanisme. Une sorte de mythe de la campagne à la ville. On décrète la piétonnisation de toute la ville, au nom de l’urgence climatique, et on ferme simplement les accès au centre-ville en expliquant que les gens vont s’adapter. Ce serait non seulement le prix à payer, mais aussi la seule solution possible.

Tout le monde rêve d’une ville apaisée, c’est-à-dire plus sécurisée, plus attentive à la bonne cohabitation des différents usages, moins accidentogène, et plus verte. La piétonnisation des centres-villes représente un levier possible, mais elle doit être développée et adaptée avant tout à certaines configurations. Celles des villes moyennes, dont les centres peuvent être piétonniers, car entourés d’un accès facile en voiture et d’un parking adapté.

Dans tous les cas, tous les utilisateurs doivent être pris en compte et les changements doivent se faire progressivement avec un réel accompagnement du changement.

Acte III – Donner l’illusion de la concertation

Troisième ingrédient : compléter ce qui reste de crédibilité aux pouvoirs publics en donnant à la population l’illusion que son avis est sollicité. C’est sans doute le plus grand paradoxe de ce grand plan « d’écologie rapide ». Nous n’avons jamais eu autant de consultations en cours à Lyon, avec des résultats de participation aussi faibles. Jamais nous n’avons eu autant de manifestations, de pétitions et de collectifs dénonçant les mesures mises en place, et aussi peu d’écoute active de la part des élus. A tel point qu’on se demande franchement comment ils s’organisent et qui est invité à répondre, à l’exception des associations pro-mairie ou pro-métropole.

Sur le projet de piétonnisation de la presqu’île par exemple, habitant en bas du 5e arrondissement, je n’ai jamais reçu le moindre tract, aucune information locale, ni invitation à une quelconque réunion publique. J’ai découvert qu’un nouvel aménagement allait être déployé quai Fulchiron… le jour même du début des travaux. En réalité, cette concertation autour du projet « Presqu’île à vivre » ressemble à une grande illusion. Personne n’a été vraiment consulté.

Même la bataille des chiffres en témoigne : à peine 2 924 répondants au questionnaire en ligne de la mairie centrale, contre 4 587 réponses recueillies en démarche indépendante auprès du maire du 2e, dans son seul arrondissement. Malgré des départs importants du centre-ville au cours des trois dernières années, qui témoignent à eux seuls d’un réel malaise, qu’en pensent les quelque 500 000 Lyonnais résidant à l’intérieur des murs ? Qu’en pensent les Grands Lyonnais, principaux contribuables-financeurs des aménagements actuels, qui aiment venir faire leurs courses, se promener, travailler, consommer, flâner sur la Presqu’île ?

A l’image de ce qui se passe avec tous les projets d’autoroutes cyclables à travers la Métropole, ce n’est pas une concertation qui est à l’œuvre, mais une crise d’autoritarisme. On impose la vision de ceux qui « savent » à tous les autres, et on le fait de manière précipitée, avec des pseudo-consultations, et on prend des rendez-vous qu’on n’honore pas, comme à Bron, Caluire, Oullins-Pierre Bénite ou Tassin la Demi-Lune.

Résultat = Climat 0 / Lyon 0

Absence d’études d’impact, démantèlement des projets Lyon Way en tronçons pour éviter les démarches légales de consultation de la population, évitement des questions fâcheuses, absence de prise en compte des retours des habitants ou des usagers… Tout cela n’est pas satisfaisant. Pire, c’est un facteur d’aggravation de la crise démocratique à l’œuvre dans notre pays et un discrédit supplémentaire et inutile de la parole publique.

Comme à Paris, comme à Grenoble, nous allons vider le centre-ville des classes moyennes et des familles, pour permettre à des livreurs à vélo uberisés et ultra-précaires de livrer les appartements des plus fortunés. Tant qu’ils le font de manière « décarbonée », le reste ne semble intéresser personne. Avec la signature « le dernier mandat pour le climat », on comprend que le Maire de Lyon veut aller à toute vitesse pour tenter de se faire réélire. Faut-il pour autant le faire sur le dos des habitants et de cette quête, pourtant collective, d’une meilleure « qualité de vie » ?

Aujourd’hui, la seule certitude est que si aucune résistance n’est opposée, la Presqu’île de Lyon ressemblera bientôt à une autre forme de vitrine. Celui d’un laboratoire du vélo à tout prix, peu pratique pour les voitures, comme pour les habitants ou les professionnels, et transformé en un grand parc d’attraction touristique aujourd’hui sans âme. La fast-écologie, aussi néfaste que la fast-fashion, n’aura apporté ni progrès pour la planète ni pour la qualité de vie des Lyonnais.

Alexandra Carraz-Ceselli,

Spécialiste en politiques publiques et médias,

Fondatrice de L’Equipe des Lyonnaises pour encourager les femmes à prendre toute leur place dans le débat public, et du Lab’ d’idées publiques

 
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