En début de semaine, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a relâché cinq jeunes effraies des clochers, une petite chouette menacée d’extinction, sur les communes de Rosières et de Monteil. Focus sur cette belle histoire qui a débuté dans un grenier du Cher, où ont été retrouvés des frères et sœurs tombés du nid…
Lors des présentations officielles à la presse, tous les smartphones et caméras étaient braqués sur elle : une chouette effraie des clochers de deux mois et d’à peine 300 grammes que Franck Chastagnol, chef de projet à la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), tenait dans la paume. de ses mains mardi, avant de lui rendre sa liberté.Si le masque facial en forme de cœur de la chouette effraie « touche beaucoup de monde », il sert aussi et surtout de « parabole », indique Franck Chastagnol, chargé de mission à la Ligue pour la protection des oiseaux. “Il amplifie les sons, ce qui permet à cette chouette de localiser parfaitement les souris dans l’herbe.”
Émouvant sinon spectaculaire
cette sortie au Château de Durianne, sur la commune de Monteil, fut d’abord un happy end, la fin d’une belle histoire. Des choses que l’association de protection des oiseaux ne se lasse pas de faire connaître. Quelques mois après le sauvetage d’un milan royal en Haute-Loire, la chouette effraie des clochers était cette fois la star.Elle et ses camarades – ils étaient quatre – « ont été retrouvés petits, dans un grenier, dans le Cher », raconte Franck Chastagnol. Tombés du nid, ils ont été rapatriés par des bénévoles au centre de secours LPO, situé près de Clermont-Ferrand. Un autre jeune rapace, de la même espèce, les y rejoignit pour être soigné et couvé. Là, dans les volières de la clinique de Clermont, les cinq individus ont « fait leurs preuves ». Après un mois de captivité, ils ont été déclarés « aptes » à voler de manière autonome…
L’un des deux lâchers a été réalisé dans une grange du Château de Durianne, à Monteil.
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« Une belle récompense »“Nous en avons relâché trois hier (lundi soir, NDLR) à Rosières, chez Claude Verots, dans une ferme qui accueille la biodiversité.” Le lendemain, mardi, la grange de Françoise du Garay à Monteil hébergeait à son tour une partie de la fratrie : deux jeunes chouettes. « Une belle récompense » pour la châtelaine, qui œuvre depuis 20 ans à créer, sur ses terres, un refuge sûr pour les espèces de faune et de flore menacées. « Nous avons choisi la ferme de Durianne pour relâcher ces oiseaux avant les intempéries, car un nichoir y était déjà installé, explique le chef de projet de la LPO, et parce qu’il s’agit d’une exploitation en agriculture biologique. . Il n’est pas exposé aux pesticides comme les autres secteurs de la Haute-Loire. La position géographique du château de Durianne a également pesé dans la balance. Celle-ci est située dans le Val de Loire, un milieu « assez ouvert », entre gorges et prairies, qui « correspond assez bien à la zone de prédilection » de l’effraie des clochers. “C’est une espèce qui a du mal à vivre au-dessus de 800 mètres d’altitude à cause du froid et du gel qui limite ses proies”, explique Franck Chastagnol.
La chouette aime les clochers, d’où son nom. Mais la fermeture de ceux-ci pousse la chouette à trouver d’autres foyers. Pour aider, la LPO « place gratuitement des nichoirs dans les exploitations agricoles ou chez les particuliers qui possèdent une grange ».
Ce n’est pas la première fois que des spécimens repartent du château de Durianne. «Nous en avions déjà sorti il y a cinq ou six ans, mais il en faudra davantage», déclare le porte-parole de la LPO. Car la chouette effraie des clochers est devenue rare dans le paysage altiligrien. «Même dans les années 1980, c’était l’espèce la plus répandue», raconte Michel Vernaudon, passionné de photographie animalière. Nous l’avons vu dans chaque village. Aujourd’hui, le petit rapace nocturne « très discret » est en déclin. “L’espèce, ajoute Franck Chastagnol, est menacée, et elle l’est encore plus en Haute-Loire.” La faute en revient à la fermeture des clochers, à la restauration des bâtiments anciens, à l’isolation des combles, à l’abattage des arbres creux dans les jardins qui appauvrissent progressivement les possibilités d’hébergement, mais aussi au trafic routier, « l’un des principaux facteurs dans la mortalité », et la persistance de certaines croyances populaires… « Même au XXe siècle, cette chouette était clouée sur les portes des granges pour conjurer le mauvais sort.
En Haute-Loire, les arbitres de football seront équipés de caméras lors des matchs dits « sensibles »Elle est protégée depuis 1976, mais les superstitions persistent dans les campagnes.» Et si son masque facial en forme de cœur touche les amateurs de belles photos du monde sauvage, sa présence dans les greniers est inquiétante et parfois agaçante. « Quand la chouette effraie se reproduit, elle souffle. Il dit : « chut », mime Franck Chastagnol, ce qui peut lui poser des problèmes la nuit, voire lui faire peur, d’où son nom »… et les appels lancés aux bénévoles de la LPO pour récupérer les couvains (dans le meilleur des cas).
L’effraie des clochers, d’une envergure de « 1,90 mètre » à l’âge adulte, possède des « plumes en forme de peigne » sur le devant de ses ailes, qui lui assurent « un vol silencieux pour surprendre ses proies au sol ».Chassés, rejetés, mal aimés par les uns et adorés par les autres, ces oiseaux ne sont désormais plus qu’une poignée dans le département. « On estime qu’il y a moins de 20 ou 30 couples en Haute-Loire. Et nous ne savons pas où ils se trouvent. L’espèce est difficile à comprendre car elle ne chante pas contrairement à la chouette hulotte ou au grand-duc. Nous avons très peu de couvées, ajoute Franck Chastagnol. La dernière reproduction à laquelle nous avons assisté était à Lavoûte-sur-Loire, il y a quatre ou cinq ans. Il y en avait un autre dans le Brivadois, mais c’est très rare » ; Raison pour laquelle le lâcher, en début de semaine, de cinq chouettes effraies dans le ciel de Haute-Loire était un petit événement, loin d’être anodin aux yeux des naturalistes. Cela leur apporte de l’espoir. « Il faut soutenir la population à travers des sorties comme celles-ci. Elle souffre de tant de maux… » Que va-t-il arriver à ces jeunes rapaces qui ont retrouvé leur liberté ? Franck Chastagnol ne peut pas le dire.
La chouette effraie « se nourrit presque exclusivement de souris et de mulots », rapporte Franck Chastagnol. Il arrive, « en hiver, quand il n’y a pas de souris, que la chouette se jette sur les oiseaux, mais ce n’est pas courant ». Selon les estimations du chef de projet, un couple de chouettes dévore en moyenne « 2 à 3 000 rongeurs par an ». Cet oiseau est surtout présent en Haute-Loire « dans le val de Loire, le bassin du Puy, la plaine de Langeac et le secteur de Brioude ». […]La Ligue pour la protection des oiseaux ne les a pas bagués, ni même nommés comme elle le fait pour les espèces soumises à un programme de réintroduction, comme le vautour. « Ces chouettes, ajoute le professionnel, font partie des 3 000 oiseaux que la clinique de Clermont relâche chaque année. Nous ne les baptisons pas
nous ne nous y attachons pas. Les bénévoles de l’association s’occupent d’eux et leur proposent un hébergement 4 étoiles. Reste alors à espérer que leur premier vol dans le ciel de Haute-Loire les incitera à séjourner définitivement au château ou là où bon leur semble.
L’effraie des clochers étant une espèce nocturne, les chouettes étaient placées dans un nichoir, attendant la tombée de la nuit pour effectuer leur premier envol dans le ciel de Haute-Loire.Ophélie Crémillieux
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