Au milieu de cette vaste prairie du quartier zurichois de Höngg, les nichoirs à oiseaux semblent avoir été fixés sur des poteaux au hasard. Les fleurs et les graminées de toutes les couleurs atteignent la hauteur du ventre. Mais ici, rien n’a été laissé au hasard. Cette oasis de verdure offrant une vue spectaculaire sur la ville et le lac est en fait une copie de la place Bellevue de Zurich. Une sœur jumelle, si l’on veut, mais en version verte, qui porte le nom de Vuebelle.
Le concept de la Vuebelle est simple : c’est une copie identique de Bellevue, à l’échelle 1:1. Tous les éléments retrouvés à Bellevue ont été reproduits, mais pas de la même manière. À Vuebelle, le béton, la pierre et l’asphalte ont été remplacés par des plantes, des arbres fruitiers et des refuges pour animaux. La reproduction Bellevue doit être ce que l’original n’est pas : une ode à la biodiversité.
Le Belcafé
Les nichoirs sont situés exactement là où les feux de signalisation de Bellevue indiquent le chemin. “Seule l’orientation de ces maisons ne correspond pas à celle des signaux lumineux”, explique Markus Schaub, initiateur de la Vuebelle. Nous avons dû faire des compromis pour éviter que la pluie ne tombe sur les oiseaux.
Notre interlocuteur se tient debout sur la passerelle en bois qui reproduit le pavillon caractéristique de Bellevue, où le parfum de la pizza et du café flotte dans l’air à toute heure de la journée. Mais ici, à Vuebelle, l’odeur est celle des fleurs, des herbes et de la terre humide.
La fontaine Bellevue
En descendant de la passerelle, Markus Schaub emprunte un chemin de traverse et le suit jusqu’à une clairière parsemée de petits monticules de terre : « C’est ici que se trouve la fontaine Bellevue. Ces collines sont des îlots de sable destinés aux abeilles sauvages. Ils représentent donc une invitation à ces insectes à s’y installer.
Puis Markus Schaub montre du doigt au loin. « Là-bas, on voit bien la limite du périmètre », explique-t-il. Il est en effet facile de déterminer où s’arrête la Vuebelle. Sur la zone cultivée derrière, on ne voit que des graminées, rien de comparable avec la diversité multicolore de Vuebelle, dont les graines locales proviennent d’une prairie biodiversifiée située à 15 kilomètres de là. «Toutes les nuances de vert ne sont pas identiques», explique Markus Schaub, empruntant une autre voie.
Trafic
Un couple de personnes âgées s’arrête à proximité et regarde les fleurs. « C’est beau, hein », entend-on.
C’est certes beau, mais la diversité a aussi une raison existentielle, selon Markus Schaub : « Beaucoup de gens ne comprennent pas ce que nous entendons par biodiversité. Pourtant, c’est vital. Pas seulement pour les animaux, mais aussi pour nous. Le problème, selon lui, c’est que cette notion n’est pas encore intégrée dans l’économie. « Il faut valoriser la nature », ajoute-t-il.
La Vuebelle doit, d’une part, permettre la découverte de la biodiversité et, d’autre part, servir de site de recherche. L’ETH prévoit par exemple d’étudier l’évolution de la capacité d’absorption d’eau sur ce site. Les surfaces riches en biodiversité peuvent en effet absorber plus d’eau de pluie que les sols traditionnellement utilisés. Une propriété très utile et qui prend de plus en plus d’importance en raison des conditions météorologiques extrêmes liées au changement climatique.
La Haute école spécialisée de Wädenswil mène une autre étude : comparer le niveau de stress de 100 personnes à Bellevue et Vuebelle.
Le barbecue star
Les histoires sont importantes, Markus Schaub, qui nous montre l’emplacement du célèbre grill étoilé Michelin à Bellevue, en est conscient. Si la Vuebelle n’était qu’une place de la biodiversité située à Höngg, l’intérêt serait probablement très limité. Mais l’idée d’une place jumelle crée un lien qui ouvre les champs thématiques les plus divers : dans quelle mesure les places urbaines doivent-elles laisser place à la biodiversité ? Pourquoi les voitures prennent-elles autant de place dans les villes ? Quel rôle joue la nature du sol ? Quelle est la différence de chaleur enregistrée à Bellevue et Vuebelle un jour d’été ?
L’influence de Vuebelle devrait s’étendre au-delà de Zurich Höngg. Markus Schaub ne connaît pas d’autre projet qui aurait reproduit un lieu connu du point de vue de la biodiversité – Vuebelle serait donc une première mondiale. Mais probablement pas le dernier : « J’aimerais un jour reproduire un vilain rond-point ou un tronçon d’autoroute », conclut Markus Schaub.
Le projet Vuebelle est né grâce à sa victoire au concours ZKB « für Züri ». Grün Stadt Zürich met ensuite le site à disposition pendant huit ans. De nombreux particuliers, organisations et institutions collaborent au développement de ce lieu. Les personnes intéressées peuvent participer au projet en sponsorisant des mètres carrés.
