l’essentiel
Alors que le procès pour viol de Mazan fait la une de l’actualité, Michel Huyette, magistrat honoraire installé au tribunal de Cahors depuis octobre, milite pour un changement de la définition du viol qui, pour l’instant, se concentre sur les brutalités commises. Or, ceux-ci sont souvent absents des nombreux dossiers que les juges se retrouvent à traiter.
Vous avez été président de la cour d’assises de la Haute-Garonne pendant 15 ans. Fort de cette expérience, vous dressez un constat en désaccord avec la définition du viol dans le code pénal. Pour quoi ?
Premièrement, je ne compte plus le nombre d’accusés qui disent : « Je ne l’ai pas violée parce que je ne l’ai pas frappée. » Malheureusement, l’idée de viol est associée à la brutalité. Deuxièmement, et cela concerne presque tous les cas de viol, il y a très peu de brutalités. J’ai entendu d’innombrables femmes dans ma carrière dire toutes la même chose : c’est, au moment de l’attentat, la peur et la peur de violences très graves qui les paralyse, ce qui fait qu’elles ne réagissent pas. ne vous opposez pas. Ceci explique pourquoi les rapports médicaux mentionnent généralement une journée d’ITT au maximum. J’ai l’impression, sans exagérer, d’avoir toujours eu la même aventure, avec des variantes bien sûr.
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Vous évoquez ici l’état d’étonnement des victimes. Pourquoi la justice a-t-elle mis du temps à en tenir compte ?
Dès le XVe siècle, lorsque le viol commença à entrer dans les tribunaux, l’idée actuelle était : « Il n’est pas possible à une femme de ne pas se défendre farouchement ». Donc si elle ne se bat pas, c’est parce qu’elle le voulait. C’est une idée qui vient de loin.
Aujourd’hui encore, la définition même du viol montre bien que l’étonnement est secondaire. Il existe quatre mots pour définir les conditions du viol, et leur ordre est intéressant : « Le fait de contraindre une personne, par violence, menace ou surprise, à se livrer à des activités sexuelles avec un tiers » (article 222-22-2 du code pénal). code). La violence vient en premier. La première caractérisation du viol est la violence. Ce n’est pas anodin. La « surprise » était essentiellement la personne malade mentale ou le petit enfant qui n’est pas capable de comprendre ce qui se passe.
Les trois premiers mots sont associés à la brutalité. Il y a un écart entre la définition du viol, qui nous entraîne vers une réalité que je n’ai pas observée, une réalité presque systématiquement dénuée de violence. Cette définition rappelle aussi l’idée que si la personne se laisse faire, c’est parce qu’elle y consent.
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Changer la définition serait donc changer les mentalités ?
Oui. Nous savons qu’il y a beaucoup de femmes qui, dans ce genre de cas, ne portent pas plainte parce qu’elles ont laissé faire. Ils pensent : « C’est ma faute, je ne me suis pas défendu. » Il y a eu des licenciements car, dans les rapports, la victime disait qu’elle avait laissé faire et qu’il n’y avait aucune trace de violence. Je pense que nous y sommes toujours. Or, une femme qui a peur est une femme qui n’est pas consentante.
Si nous changeons la définition du viol et ne nous concentrons plus sur la brutalité mais sur le consentement, cela ne changera rien pour les tribunaux. Sauf que le débat va légèrement basculer. On ne parlera plus seulement des violences, mais plutôt de l’attitude de la victime au moment de la relation sexuelle. Nous n’avons pas besoin de nous concentrer sur les violences commises. Voyons plutôt ce qui montre qu’elle a consenti ou non.
C’est la question que pose le procès pour viol de Mazan.
Il y a une femme qui dort. Par définition, elle ne peut pas donner son consentement. Si l’on s’appuie sur le consentement, c’est : l’homme qui a une relation avec une femme qui dort et qui ne peut pas lui dire qu’elle consent ? S’est-il assuré de son consentement ? Évidemment non. Quant à celles qui disent que son mari les a assurées de son consentement, il n’y a pas de consentement par procuration.