Le jour vient à peine de se lever et les meuglements résonnent déjà dans les allées de la grande salle semi-ouverte. Depuis 6h30, des dizaines de veaux, vaches et taureaux ont pris place dans leurs boxes métalliques. Déchargés par camions depuis une vingtaine de départements du Sud-Ouest, les animaux destinés à la boucherie ou les veaux qui seront envoyés à l’engraissement sont prêts, parqués, pour le rituel hebdomadaire.
Dans l’un des trois plus grands marchés aux bestiaux de France, à 8 heures tous les mardis, les « dealers » entrent en scène. “Je préfère dire marchand, marchand de chevaux, c’est péjoratif”Je voudrais souligner Jean-Paul Boyer, négociant en bétail depuis plus de quarante ans. Pendant plus d’une heure, acheteurs, transporteurs, éleveurs et commissionnaires arpentent les allées. Dans leur tenue traditionnelle, une longue blouse noire et une canne ou un bâton à la main, une centaine d’opérateurs entament des transactions, souvent secrètes.
Ici, on parle encore en anciens francs et on applaudit pour finaliser un accord depuis 1977. Aux commandes, David Minerva, 53 ans, le maire (sans étiquette) de Laissac-Séverac-l’Eglise, car ce marché appartient à cette commune aveyronnaise, en gestion directe. Du haut d’une cabane surplombant le marché, il orchestre, micro et talkie-walkie à la main, le ballet des achats. « Ce matin, nous aurons environ 900 animaux et, comme d’habitude, des camions partiront ensuite vers l’Italie, l’Espagne, peut-être le Maghreb.observe l’élu ce mardi 19 novembre. La profession est inquiète, mais les affaires vont bien. »
Mesures de traçabilité
Une sérénité que ne partagent pas les acteurs du département au moment des négociations finales sur le traité entre l’Union européenne et les pays du Mercosur (Argentine, Paraguay, Brésil, Uruguay, Bolivie). « Le Mercosur serait un cataclysmeestime Jean-Paul Boyer, qui fut président des éleveurs de l’ex-région Midi-Pyrénées. Mais la catastrophe est annoncée depuis les années 1990 : importations massives, multiplication des normes, argent de la PAC [politique agricole commune] qui ne rentre pas dans les poches des éleveurs… notre profession souffre depuis trente ans. »
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Depuis le scandale du veau aux hormones – dont une partie était vendue ici – et la crise de la vache folle dans les années 1980 et 1990, des mesures drastiques de traçabilité du bétail ont été mises en place. Ce matin, à l’entrée des animaux, nous vérifions systématiquement leur passeport sanitaire. Une carte, verte ou rose, sur laquelle sont mentionnés l’âge, le statut vaccinal, la race et l’origine géographique. Une obligation en France. “On sait très bien que la viande venant d’Argentine ou du Brésil ne répond pas à ces normes, que les animaux sont chargés d’antibiotiques”souligne Jean-Luc Lacombe, éleveur aveyronnais, également à la tête d’une petite société de négoce.
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