jeIl risque la réclusion à perpétuité pour tentative de meurtre sur conjoint. En ce lundi 18 novembre, deuxième jour d’audience devant la cour d’assises de Charente-Maritime, Jorgo Tare, ressortissant albanais aujourd’hui âgé de 55 ans, apparaît comme au premier jour, immobile et les yeux rivés sur le parquet du tribunal de Saintes. .
Le témoignage de son ex-femme, Marjeta, dont il est officiellement divorcé depuis août 2024, ne fait guère réagir celui qui porte encore l’alliance. Il ne réagit pas non plus aux propos de son plus jeune fils, 19 ans, qui cherche néanmoins le regard de son père sur la fin de son récit.
Il est sorti. J’ai crié comme si je ne savais pas que je pouvais crier
Appelée à témoigner en tant que victime et partie civile, Laurence, bénévole dans une association d’aide aux demandeurs d’asile, livre un témoignage digne et éclairant en ces journées du 18 et 19 mai 2022, à La Rochelle, boulevard Sautel. Membre d’un collectif soutenant cette famille albanaise, à qui le droit d’asile a été refusé, elle accompagne le couple et les enfants dans les démarches administratives, dès le début de l’année 2021. « Nous avons noué un lien très fort. »
“Il va nous tuer”
Mi-2021, le père a été condamné par le tribunal correctionnel de La Rochelle à quatre mois de prison pour violences conjugales et menaces de mort. A sa sortie de prison, Jorgo Tare a été renvoyé à la frontière et interdit de séjour sur le territoire français pendant deux ans. Une sanction administrative qui touche le collectif et la famille. Le 18 mai 2022, en fin de matinée, Laurence reçoit deux appels successifs du cadet, alors âgé de 16 ans.
Le père est revenu, il frappe sa mère, il essaie de l’étrangler. « Il va nous tuer », dit-il. L’homme violent s’enfuit avant l’arrivée de la police. Par précaution, après un passage aux urgences, la mère et le plus jeune fils passent la nuit chez Laurence ; le plus jeune avec un autre volontaire. L’aîné va au pensionnat.
Trois perquisitions policières
Le lendemain, retour sur le boulevard Sautel. Laurence est allée faire quelques courses à proximité. Mais une fenêtre est ouverte. «On avait fermé la maison», raconte Laurence, qui appelle la police. « Marjeta était convaincue qu’il était là. » Le voisin du deuxième étage jardine. A la barre, elle raconte que la police « a visité la maison et mon appartement le 2e sol. Ils ne l’ont pas trouvé chez elle ni chez moi. »
Laurence suit de loin les deux premières inspections. Elle est avec les policiers pour la troisième perquisition. «Ils ont bien fait glisser les cintres. L’armoire molletonnée était en position ouverte. Il y avait une pile de vêtements en désordre. Elle ne ressemblait pas à la maîtresse de famille. » La police s’en va.
Un cri qui « glace le sang »
Laurence donne un coup de pied dans l’armoire pour démontrer à Marjeta, toujours effrayée, que Jorge Tare ne peut pas être là. « Il est sorti. J’ai crié comme si je ne savais pas que je pouvais crier. » Sans doute le cri qui a « glacé le sang » du voisin du deuxième étage. L’homme brandit un couteau « pointe vers le haut », le volontaire parvient à saisir à deux mains le poignet de l’agresseur.
Il était nerveux, déterminé. Il voulait donner suite à son idée
« Nous avons eu du mal. » Marjeta tente de fuir ; son fils cherche le porte-clés pour ouvrir la porte. Jorge Tare rattrape sa femme dans le salon et la poignarde à deux reprises au ventre. « Comment allons-nous sortir d’ici vivants ? », se souvient Laurence avoir réfléchi à ce moment-là. Elle et le fils du couple tentent d’intervenir. Le volontaire fait glisser des coussins pour protéger Marjeta ; l’adolescent désarme son père en posant la main sur la lame. Le volontaire frappe la tête de Jorge Tare pour « l’appeler ». Elle s’est grièvement blessée à la main. Marjeta parvient à sortir. Elle est poursuivie par son mari, armé cette fois d’une paire de ciseaux. Il sera arrêté peu de temps après alors que Marjeta se réfugiait chez le fleuriste voisin.
Interventions multiples
Tous les témoins présents racontent la détermination des accusés et la terreur des victimes. Un automobiliste, qui n’avait pas tout de suite compris l’appel à l’aide du voisin puisque la police venait de partir, a vu Marjeta, « paniquée », « repliée sur elle-même ». Pour moi, la dame était en danger. » Alors, il se met sur le chemin du mari violent. «Il m’a regardé. Je me suis arrêté. Il s’est arrêté. Il était nerveux, déterminé. Il voulait donner suite à son idée. Tout le monde tremblait. Le petit était terrifié. » Autant d’interventions qui, du bénévole à cet automobiliste en passant par le fils, ont sans doute évité le pire.
Les débats reprennent ce mardi 19 novembre avec les plaidoiries. Verdict attendu dans la soirée.
Délire paranoïaque
« Il considère que c’est elle qui est coupable et qu’elle devrait aller en prison. » Entendu en début d’après-midi de ce lundi 18 novembre, le Dr Bonnan, expert psychiatre, se montre catégorique sur le « problème paranoïaque délirant » de l’accusé, problème « entièrement porté sur sa vie conjugale ». « Jalousie », « possessivité », « délire persécutif », « méfiance », « psychorigidité », « absence de compassion », « fausseté de jugement »… Le rapport du Dr Bonnan rejoint celui d’un autre psychologue professionnel, plus tôt dans la matinée.
Il dresse le portrait d’un homme qui « ne se remet pas en question », qui « banalise » et « minimise » les faits, allant jusqu’à les nier. Lors de l’entretien avec l’expert, Jorgo Tare a même déclaré : « Si j’avais été violent, je l’aurais tuée dans son sommeil. » L’accusé était convaincu d’avoir été trompé. « Il se victimise pour se donner une bonne image. »
L’audition de l’accusé, en toute fin de journée, a fait écho aux constatations de l’expert psychiatre. Pour lui, tout le monde ment, son fils et son ex-femme en premier. Les coups de couteau dans le ventre ? «Je l’ai poignardée sans le vouloir, sans y prêter attention. »