« Le côté altruiste de l’être humain est totalement réprimé par le système capitaliste » – .

« Le côté altruiste de l’être humain est totalement réprimé par le système capitaliste » – .
« Le côté altruiste de l’être humain est totalement réprimé par le système capitaliste » – .

La Croix : Vous défendez le modèle du « social business » depuis plus de vingt ans, de quoi s’agit-il exactement ?

Mohammed Yunus : C’est l’idée qu’une entreprise, plutôt que de chercher à maximiser ses profits, répondra aux problèmes sociaux tels que la pauvreté ou le manque d’accès à l’éducation ou à la santé, en garantissant les meilleures conditions de travail à ses salariés et en respectant l’environnement. Pour ce faire, elle ne verse aucun dividende et réinvestit ses bénéfices dans son activité. Il lui faut évidemment gagner de l’argent pour rembourser les investisseurs et assurer sa viabilité. Tout doit être fait avec joie.

C’est ce que fait Grameen Danone Foods à Bogra, au Bangladesh, depuis 2006. Ce partenariat entre la banque que j’ai fondée, Grameen, et le groupe Danone a permis de créer une usine produisant des yaourts enrichis en micronutriments à des prix abordables. Ni Grameen ni Danone n’ont tiré de profit de cette opération, mais celle-ci a contribué à améliorer la nutrition des enfants et à stimuler l’économie locale. Réunis au sein d’une coopérative, les petits producteurs ont la garantie de vendre leur lait toute l’année à un prix fixe.

Dans ton livre Vers une économie trois zéro, vous prétendez que le capitalisme a échoué et que le « social business » éliminera la pauvreté, le chômage et les émissions de carbone. N’est-ce pas un peu utopique ?

MON : Je ne vois pas comment le capitalisme pourrait résoudre le réchauffement climatique, le chômage ou les inégalités, puisqu’il a créé tous ces problèmes. Le capitalisme a poussé les êtres humains à rechercher le maximum de profits comme s’ils étaient uniquement guidés par leur intérêt particulier. Depuis quarante ans, je constate que l’être humain n’est pas seulement égoïste. Ils sont également altruistes. Ils travaillent pour gagner de l’argent mais aussi pour améliorer la société, l’environnement, aider les autres…

Le côté altruiste est aujourd’hui totalement réprimé par le système capitaliste. C’est pourquoi le « social business » complète le capitalisme. Si gagner de l’argent contribue au bonheur, résoudre des problèmes sociaux ou environnementaux avec son argent vous rendra encore plus heureux, c’est une expérience extraordinaire. Si vous ne me croyez pas, essayez !

Aux côtés du « social business », voyez-vous la finance solidaire comme un levier ?

MON : Oui, cela va de pair. En soutenant des associations et des entreprises non cotées qui visent des objectifs d’intérêt collectif, et à forte utilité sociale et environnementale, la finance solidaire a également un rôle à jouer. Là encore, l’idée n’est pas d’accumuler de l’argent mais d’apporter des solutions aux problèmes de la société par l’épargne.

L’usine Grameen Danone Foods produit depuis 2006 des yaourts enrichis en micronutriments à des prix abordables à Bogra, au Bangladesh. / SANDRO DI CARLO DARSA / Danone Communities

Comment rendre les gens plus sensibles à ces modèles ?

MON : C’est grâce à l’éducation qu’on y arrivera. Aujourd’hui, le système éducatif n’enseigne qu’une seule idée : la maximisation du profit. Les écoles devraient intégrer la dimension sociale de l’entreprise afin que les étudiants bénéficient des deux enseignements. Ainsi, une fois diplômés, les jeunes auraient le choix de ce qu’ils veulent faire : gagner de plus en plus d’argent ou tenter de résoudre des problèmes sociaux avec leur entreprise.

Vous faites la promotion de ce modèle depuis plus de vingt ans. Êtes-vous toujours optimiste quant à son succès ?

MON : Oui parce que les gens s’y intéressent de plus en plus. La preuve, même les Jeux Olympiques le font ! En 2016, Anne Hidalgo m’a invité à développer cette initiative pour faire des Jeux de Paris les premiers inclusifs et solidaires. Cinq cents entreprises de l’économie sociale et solidaire sont mobilisées pour l’événement, que ce soit pour la construction d’infrastructures ou l’organisation. Aussi, une fois les athlètes quittés, le village olympique deviendra un quartier à part entière qui pourra accueillir 6 000 personnes dont des étudiants.

Par ailleurs, un premier incubateur dédié aux sportifs de haut niveau en reconversion professionnelle et porteurs d’un projet d’entreprise social ou environnemental a été créé à Paris. Faire des JO un événement social et solidaire est une idée qui fait son chemin : j’ai signé un partenariat avec les organisateurs des Jeux olympiques d’hiver de Milan qui se tiendront en 2026.

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Muhammad Yunus, « le banquier des pauvres »

Muhammad Yunus a créé la première organisation de microcrédit, la Grameen Bank, en 1976. Il est surnommé « le banquier des pauvres », son initiative qui a sorti des millions de personnes de la pauvreté, notamment des femmes, lui a valu le prix Nobel de la paix en 2006. idée : en prêtant, sans intérêts et sur la seule base de la confiance, de quoi acheter une machine à coudre ou un vélo, nous permettons à des individus pauvres de créer leur propre entreprise.

A 83 ans, l’économiste bangladais qui promeut Affaires sociales, a été condamné début janvier 2024 à six mois de prison pour violation du droit du travail. Quiconque clame son innocence se dit victime de “un harcèlement permanent” du Premier ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina.

 
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