L’équipe TR Racing, elle-même épaulée par la société de cybersécurité Advens, engage deux bateaux dont les objectifs dépassent la simple performance sportive.
Une équipe de course alignant deux bateaux du même nom au départ du Vendée Globe, c’est tout simplement exceptionnel. Cela est d’autant plus vrai que cette équipe, TR Racing, court sans sponsor apparent. Ou plus précisément, un seul mot apparaît sur les voiles : « Vulnerable », écrit en anglais pour que le sens soit le plus explicite possible. Ce projet est déployé grâce à une société, Advens, spécialiste reconnu de la cybersécurité, au service des grands groupes et des entreprises de taille intermédiaire. Entreprise française fondée en 2000 par Alexandre Fayeulle, qui réalise aujourd’hui 70 millions de chiffre d’affaires et emploie 500 personnes en Europe.
Vulnérable : le mot n’a pas été choisi par hasard. Dans le cas du Vendée Globe, il s’agit d’exploiter ce formidable levier qu’est la course au large pour mettre en lumière un véritable enjeu de société. « Depuis longtemps, dans le développement d’Advens, une philosophie a prévalucommente Alexandre Fayeulle. Il prévoit que 50 % de la performance économique et financière puisse être réinvestie au service d’une démarche sociétale, utile à la planète et aux hommes. »
Acceptez vos limites
Pourquoi précisément cette vulnérabilité ? Parce qu’il s’intègre bien dans le groove susmentionné. Alexandre Fayeulle regrette que la recherche de résultats à tout prix guide la majorité des entreprises. Il explique qu’il ne faut surtout pas écarter les gens qui ont des défauts apparents, car eux aussi ont des capacités à exploiter. Et en même temps, il insiste sur la nécessité de reconnaître et d’accepter nos limites et celles de la planète. Bref, Vulnerable est là pour plaire au plus grand nombre. Pourtant, quand on sait que 350 000 personnes seront présentes pour assister au départ du Vendée Globe ou que les médias suivront de près la compétition pendant trois mois, on mesure le potentiel pour faire passer le(s) message(s).
Alexandre Fayeulle ne s’est pas lancé très jeune dans le nautisme – il est fils d’agriculteurs, originaire du Pas-de-Calais – mais il a pris le temps d’apprendre. Tout commence en 2016 lorsqu’il rencontre le skipper Thomas Ruyant. A cette époque, aux côtés de 180 mécènes investisseurs, il contribue à l’aventure du bateau Le souffle du Nord, qui participe à la Vendée avec des voiles à l’effigie du Projet Imagine. « On se rend vite compte à quel point la voile est une discipline sportive des plus humaines, dans le sens où les risques de naufrage, d’intempéries et de collision nous font prendre conscience avec acuité de notre fragilité. »
Personnel de détention
La complicité avec Thomas Ruyant a commencé, elle va se consolider : pour le Vendée Globe 2020, Advens, plus la holding personnelle de son fondateur, financent spécialement la construction d’un bateau pour le marin également né dans les Hauts-de-France. Cette fois, les voiles s’appellent LinkedOut – soutenu par l’association Entourage -, le réseau professionnel pour ceux qui, justement, n’ont pas de réseau professionnel. Simple initiative philanthropique ? Loin de là. Depuis le début de ce partenariat, quelque 500 personnes ont été accompagnées pour les aider efficacement à trouver un emploi. Entre temps, Thomas Ruyant a non seulement terminé sixième de ce Vendée Globe, il a également remporté la Transat Jacques Vabre en 2021 et la Route du Rhum en 2022 sur le bateau LinkedOut.
Le bateau en question n’a pas disparu : il fait aujourd’hui partie des deux Vulnérables. L’autre ayant été construit pour l’édition 2024 du Vendée Globe, avec l’affûtage technologique requis dans cette discipline. Tout cela a un coût, à hauteur de 7 millions d’euros par an, étant entendu que l’équipe TR Racing, basée à Lorient (Morbihan), emploie une trentaine de personnes. Dans des locaux surélevés pour accueillir toute l’équipe et le matériel.
Intégrer les équipes
« Bien sûr, on peut parler d’un investissement important mais les répercussions sont très importantescommente Alexandre Fayeulle. C’est un projet qui implique littéralement les équipes au sein de l’entreprise, qui a un impact significatif à l’heure où les environnements de travail sont en pleine transformation, avec la quête de sens et de nouveaux business models. » L’intéressé souligne au passage que le chiffre d’affaires ne dépasse pas 8% chez Advens, contre plus de 20% chez ses concurrents. En clair, l’engagement dans la voile, même s’il n’est pas directement monétisable, génère de nombreux éléments positifs. Toujours avec cette ambition de changer – un peu – le cours des choses dans des domaines essentiels. « Assez vite après avoir lancé mon entreprise, j’ai réalisé que j’avais ce véritable tempérament entrepreneurialdit Alexandre Fayeulle. J’ai aussi pu me rendre compte que l’argent était loin d’être un moteur pour moi. »
Question : les salariés d’Advens sont-ils émus par cet engagement si prononcé en dehors de la sphère purement business ? Le dirigeant n’a aucun mal à répondre que quelque 75 salariés sont actionnaires de l’entreprise, représentant 20 % du capital.
Respect de toutes les parties prenantes
Autre question : quel regard l’écosystème de la voile porte-t-il sur le système un peu particulier revendiqué par TR Racing, même si l’appellation au profit de telle ou telle association s’est développée ces dernières années ? « L’expérience parle pour nousrépond Alexandre Fayeulle. Dans la mesure où les initiatives inaugurales ont bien fonctionné, je crois pouvoir dire que nous avons le respect de toutes les parties prenantes. »
Le week-end du 10 novembre, jour du départ du Vendée Globe, pas moins de 900 supporters seront présents aux Sables-d’Olonne. Des supporters dont 150 salariés d’Advens – dont certains étaient présents sur le stand Vulnérable pour l’héberger – et d’autres profils très variés, tous enclins à soutenir le projet. Lequel devrait être disponible tout au long des prochains mois avec plusieurs rendez-vous prévus, à commencer par une grande soirée de lancement le 18 novembre à Paris.