Centre jeunesse de Lévis | Adolescents isolés et privés de nourriture

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Centre jeunesse de Lévis | Adolescents isolés et privés de nourriture

Un rapport du Protecteur du citoyen soulève des « pratiques douteuses » dans un centre jeunesse de Lévis


Publié à 1h43

Mis à jour à 5h00

Confinement dans leur chambre jusqu’à 15 heures par jour, périodes d’isolement « sans motif », silence lors des déplacements, manque voire privation de nourriture dans certains cas : un rapport du Protecteur du citoyen révèle des « pratiques douteuses » régissant la vie quotidienne des adolescents hébergés. dans un centre jeunesse de Lévis.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Protecteur du citoyen a dévoilé jeudi un rapport d’enquête sur l’unité Le Boisé du Centre de protection et de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation de Lévis en Chaudière-Appalaches.
  • Le rapport révèle des pratiques douteuses ou s’écartant du mandat de réadaptation du Centre, notamment le nombre élevé d’heures – jusqu’à 15 par jour – que les adolescents passent confinés dans leur chambre.
  • Le CISSS de Chaudière-Appalaches s’engage à suivre toutes les recommandations du Protecteur du citoyen.

Le Protecteur du citoyen est intervenu à la suite d’un signalement de « pratiques préoccupantes » concernant l’unité Le Boisé du Centre de protection et de réadaptation pour jeunes en difficulté d’adaptation – communément appelé la Maison des jeunes – de Lévis.

Il s’agit d’une unité sécurisée qui accueille des adolescents âgés de 12 à 17 ans. Les jeunes hébergés font l’objet de poursuites judiciaires au titre du Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou une mesure de surveillance intensive.

Le Boisé n’offre pas toujours des soins et des services favorisant la réadaptation, conclut le Protecteur du citoyen, M.e Marc-André Dowd. Dans son rapport de 19 pages, Me Dowd ressent le besoin de rappeler au CISSS que le centre jeunesse n’est pas un « milieu carcéral », mais plutôt un établissement de santé.

La durée du confinement en chambre est très longue (environ 4 heures quotidiennement et jusqu’à 8 heures le samedi) et il est difficile de saisir l’intérêt clinique de cette pratique dans un parcours de rééducation.

Extrait du rapport du Protecteur du citoyen

Dans son rapport, Me Dowd insiste sur le fait qu’il est « préoccupé par la rigidité du cadre appliqué ». Les adolescents sont confinés dans leur chambre jusqu’à 15 heures par jour, a-t-il constaté.

Ailleurs au Québec, dans les centres ayant la même clientèle criminelle nécessitant une forte intensité d’encadrement, les jeunes passent moins de temps dans leur chambre, révèle M.e Dowd.

Moisissure et manque de nourriture

Le Protecteur rappelle également au CISSS que les adolescents doivent… « manger à leur faim ». Il a en effet constaté une « insuffisance de nourriture » pour les jeunes hébergés dans cette unité. Il a également découvert que dans certains cas, des mesures punitives impliquant de l’alimentation avaient lieu dans l’établissement, parlant même de « privation » – des mesures qui « n’ont pas leur place dans un centre de rééducation », rappelle-t-il.

Même chose pour l’accès aux bouteilles d’eau « sans bouchon » qui est considéré comme un privilège dans la cellule de sécurité. “J’ai beaucoup de mal à considérer l’hydratation comme un privilège”, ajoute M.e Dowd en entretien avec - Jeudi, lorsque son rapport a été rendu public.

De la moisissure a également été trouvée dans les douches. « Dans le bloc sanitaire, l’éclairage est faible et la ventilation est absente », précise le rapport. Le CISSS a reconnu ce problème et s’est engagé à effectuer des rénovations à l’automne prochain.

Ce n’est pas tout, les adolescents hébergés ne sortaient quasiment jamais dans la cour extérieure, en plus de devoir se déplacer en silence. Lors de l’enquête du Protecteur du citoyen, l’établissement a corrigé la situation et ajouté deux sorties obligatoires de 15 minutes par jour.

“Quand on sait que les majeurs en prison ont droit à une heure de sortie par jour en extérieur”, souligne M.e Dowd, cette correction semble indispensable, mais minime. Il estime que le centre « banalise » l’importance de prendre l’air pour sa clientèle adolescente.

En entretien avec -le CISSS souhaite « nuancer » certaines conclusions du rapport, tout en assurant prendre la situation « au sérieux ».

Un confinement jusqu’à 15 heures par jour, « c’est un maximum », et non la moyenne quotidienne, et cela inclut la nuit, précise la directrice de la protection de la jeunesse de la région Chaudière-Appalaches, Caroline Brown.

«Moi aussi, je passe la nuit dans ma chambre», illustre le gérant.

De son côté, le Protecteur du citoyen persiste et signe : les chambres des jeunes sont fermées à clé, ce qui les empêche de sortir la nuit. Il s’agit donc bien d’un « isolement » au sens de la loi, n’en déplaise à la protection de la jeunesse locale, précise-t-il.

Concernant le fait que les jeunes n’ont pas à manger à leur faim, “ce n’est pas vrai qu’on les prive de nourriture”, réagit M.moi Brown du CISSS. Il s’agit d’un problème « d’approvisionnement » puisque la nourriture est préparée « à l’extérieur » – dans un hôpital – puis livrée au centre. Il arrivait que les jeunes manquaient de nourriture, reconnaît le gérant. Mais le personnel lui a alors laissé les portions qui lui étaient destinées, « justement pour qu’ils puissent manger à leur faim », et il « s’est fait apporter de la restauration rapide ».

Les intervenants ont pris leurs repas de restauration rapide devant les jeunes. Le Protecteur du citoyen estime que cela démontre une « apparence de manque de sensibilité » à l’égard des jeunes hébergés. Cette pratique va cesser, assure Mmoi Brown du CISSS de Chaudière-Appalaches.

Des mesures de contrôle… hors de contrôle

Dans son rapport, le Protecteur du citoyen examine en détail les mesures de contrôle exercées contre les jeunes dans les hébergements, soulignant que le personnel ne respecte pas toujours les normes provinciales établies.

Le temps passé par les jeunes dans leur chambre démontre clairement qu’il s’agit d’une pratique d’isolement qui n’est pas reconnue par le personnel du centre de réadaptation, malgré la formation qui leur a été offerte au printemps 2022 sur la nouvelle procédure.

Extrait du rapport du Protecteur du citoyen

« Rappelons en effet que les jeunes ne peuvent pas sortir librement de leur chambre sans sonner au préalable sur la console pendant la journée. […] Si un jeune n’y parvient pas, il est rapidement réorienté et le personnel lui rappelle les consignes. Il s’agit donc d’un véritable isolement au sens de la loi 10 », précise le Protecteur du citoyen.

De plus, les formulaires à remplir pour consigner les informations sur le recours aux mesures de contrôle ne sont pas toujours remplis, a découvert le Protecteur du citoyen. Cela peut paraître « bureaucratique », mais cet outil est « indispensable pour garantir le respect des droits des jeunes », insiste M.e Dowd en interview.

- a révélé le mois dernier que l’isolement et la contention des jeunes hébergés dans les centres de réadaptation et les foyers de groupe sont en hausse dans la plupart des régions du Québec même s’ils sont censés demeurer des mesures exceptionnelles.

Lire notre dossier

Au total, le Protecteur du citoyen a fait 11 recommandations aux CISSS – tous acceptés par ces derniers – qui visent principalement à assurer le respect des droits des jeunes hébergés et à recentrer les interventions sur leur réadaptation.

 
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