par John Irish et Gus Trompiz
(Reuters) – La France a déclaré jeudi n’être informée d’aucune décision officielle de l’Algérie sur les échanges commerciaux entre les deux pays même si, selon des sources diplomatiques, Alger pourrait s’apprêter à les restreindre.
Les relations entre la France et l’Algérie se sont encore dégradées ces dernières semaines avec la reconnaissance par Paris de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, qui a suscité la colère d’Alger, soutien des indépendantistes du Front Polisario.
“De telles mesures n’ont pas été officiellement portées à notre connaissance, mais nous suivons évidemment avec une grande vigilance la situation de nos entreprises en Algérie”, a déclaré Christophe Lemoine, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, lors d’un point de presse hebdomadaire, à l’occasion du l’objet d’éventuelles mesures de rétorsion commerciales algériennes.
Les services du Premier ministre algérien, Nadir Larbaoui, ont démenti dans un communiqué le contenu d’un message diffusé sur le réseau X par Xavier Driencourt, ancien ambassadeur de France à Alger, montrant une capture d’écran d’un document semblant annoncer la cessation du traitement par banques en Algérie des importations et des exportations avec la France.
Reuters n’a pas pu authentifier ce document et Xavier Driencourt n’a pas immédiatement répondu aux demandes de Reuters.
“Suite aux fausses allégations colportées par l’ancien ambassadeur de France à Alger (…) concernant de prétendues mesures restrictives commerciales, la cellule de communication auprès du Premier ministre souhaite apporter un démenti catégorique de cette information erronée et totalement infondée”, déclarent les services de Nadir Larbaoui.
LA FRANCE IGNORÉE POUR LES OFFRES DE CÉRÉALES ?
Selon trois diplomates, l’Algérie a entrepris ces derniers mois un effort concerté pour durcir l’environnement économique des entreprises françaises en Algérie, notamment celles des exportateurs de blé.
Ces diplomates ont également cité des signes ces derniers jours selon lesquels Alger pourrait envisager de cibler spécifiquement les importations et les exportations françaises, même s’il n’y a aucune confirmation officielle à ce stade.
Les autorités algériennes n’ont pas répondu aux demandes de commentaires de Reuters.
Le Figaro rapporte mercredi que l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (Abef), l’organisme algérien de régulation du secteur, avait convoqué les banques le 4 novembre pour les informer de l’arrêt du traitement des opérations d’importation et d’exportation. exporter avec la France.
Deux diplomates ont déclaré à Reuters qu’ils étaient au courant de la réunion, mais ont prévenu qu’Abef n’avait pas l’autorité pour prendre une telle mesure unilatéralement.
Contactées par Reuters, plusieurs entreprises françaises présentes en Algérie ont déclaré ne pas avoir reçu de nouvelles directives et les autorités françaises affirment qu’à ce stade aucune entreprise ne les a contactées en raison de problèmes spécifiques.
Les négociants du marché céréalier rapportent que l’Algérie a ignoré la France dans ses appels d’offres pour le blé le mois dernier en raison des tensions diplomatiques entre les deux pays. L’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) assure avoir traité équitablement tous les fournisseurs et appliqué des critères techniques pour couvrir ses besoins d’importation. [GRA/TEND]
Un précédent différend diplomatique, il y a trois ans, avait conduit la France à être tenue à l’écart pendant plusieurs mois des appels d’offres algériens pour le blé.
Les échanges commerciaux entre les deux pays ont augmenté de plus de 5% en 2023, avec notamment une hausse d’environ 15% des exportations d’hydrocarbures de l’Algérie vers la France tandis que les importations algériennes en provenance de France ont diminué de 0,5%, selon les données du ministère français des Finances.
(Avec Sybille de la Hamaide, Mathieu Rosemain, America Hernandez à Paris, Michael Hogan à Hambourg et Lamine Chikhi à Alger, version française Bertrand Boucey, édité par Jean-Stéphane Brosse)