une nouvelle technique d’élevage testée en Charente-Maritime

AAlors que la récolte des moules s’apprête à commencer, les mytiliculteurs de Charentais-Maritime lancent simultanément une expérimentation pleine de promesses. Depuis un mois, dans la Baie Yves, d’étranges structures flottantes apparaissent sous le nez des connaisseurs. A la place du traditionnel cordage individuel sur lequel s’épanouissent les moules, des lignes continues sont installées. Jusqu’à présent, rien ne semble révolutionnaire et pourtant. « Dans le Pertuis Breton, depuis 1990, on utilise des moules en corde, en plus de ceux sur bouchots », explique Benoit Durivaud, patron de Moules Frères et participant au projet expérimental. Aujourd’hui, rien n’a changé, c’est fastidieux, ça demande beaucoup de manipulations, on y passe plus de temps par rapport à d’autres pays. Tous les mètres, nous soulevons une ligne pouvant peser jusqu’à 80 kilos. Il faut le brosser pour récupérer les moules. »


Depuis 1990, la culture en chaîne s’effectue sur des cordes individuelles, reliées entre elles. Une méthode d’élevage dure pour les ouvriers.

Pascal Couillaud Archives / Sud Ouest

Benoit Durivaud a pu évoquer son travail avec un ami mytiliculteur irlandais de Baltimore, près de Cork, ville jumelée avec Marsilly où il a son siège social. La technique de ses homologues anglophones est connue mais peu voire pas du tout pratiquée en France. « Je pense qu’il n’y a qu’un seul producteur breton qui l’utilise. » Cependant, la méthode est prometteuse, d’abord contre la pénibilité du travail. Cette corde continue permet une récolte mécanisée des moules en soulevant une seule extrémité.

Atteindre 30% de rentabilité

La technique présente également un avantage en termes de qualité et de rendement. « On va pouvoir calibrer dès le départ pour espérer avoir une taille de moules homogène. » Jusqu’à présent, les naissains s’attachent et poussent sur les cordages tressés immergés à plusieurs kilomètres des côtes charentaises. Moules d’élevage et moules sauvages se mélangent, obligeant les mytiliculteurs à « éclaircir le peloton », décrit Benoit Durivaud. Nous le faisons manuellement. A la fin il y a toujours des grosses moules, des moyennes et des petites. » Dans cette loi du plus fort, une proportion importante de moules sont perdues, mangées par les animaux marins ou tombant des lignes. « En moyenne, seuls 14 % des individus élevés sont vendus. »


Benoit Durivaud est l’un des testeurs de cette nouvelle technique d’élevage.

Romuald Augé / SO

Lors de cette expérimentation menée par le Comité Régional de Conchyliculture de Charente-Maritime et le centre technique Capena, le naissain sera ajusté dès le départ et optimisé pour éviter les pertes. Comme dans l’ostréiculture, la densité peut être maîtrisée pour qu’à terme la production atteigne une rentabilité de 30 %. «Nous espérons capter davantage de naissains et éviter la compétition entre animaux», ajoute Dominique Mille, chef de projet chez Capena.

Qualité supérieure

Cinq lignes de 100 mètres de long ont été attribuées dans la Baie Yves à cinq mytiliculteurs locaux regroupés au sein de la société civile Mytilitest. « L’objectif étant d’apporter de la qualité par rapport à la concurrence, et de lutter contre le réchauffement climatique », explique Dominique Mille. Les moules ainsi élevées auront une chair plus grosse et seront de meilleure qualité. L’idée n’est pas de remplacer une technique par une autre. Il y aura toujours un élevage de bouchot. Mais il faut s’adapter aux périodes de sécheresse qui font souffrir les moules. En mer, leur qualité reste correcte. Cette filière complémentaire pourrait même avancer les vendanges au mois d’avril. »


Le principe de la filière d’élevage continu.

Repro préfecture de Charente-Maritime

Si l’Irlande, l’Angleterre ou l’Espagne utilisent déjà cette méthode innovante, pourquoi n’arrive-t-elle en France qu’aujourd’hui ? « Nous sommes un pays attaché à la tradition », sourit Benoit Durivaud. Une tradition parfois handicapante. Sur les 12 000 tonnes de moules consommées chaque année en France, la moitié provient des importations. L’expérimentation durera trois ans. La première récolte aura lieu l’année prochaine.

Elevage de moules sur bouchots ou lignes

L’élevage de moules français est le seul à utiliser la technique d’élevage du bouchot, méthode apparue en 1235. Le cahier des charges de l’appellation « moules de bouchot » est strict : les moules doivent passer au moins six mois sur des tuteurs enfoncés dans le sol du estran. On les lève donc deux fois par jour, ce qui les rend « musclés » et leur donne un goût bien particulier. Ils ouvrent et ferment en fonction des marées. Les moules sur filière sont, quant à eux, immergés en permanence. Ils sont suspendus à des cordes en fibre de coco, ils poussent plus vite et sont plus charnus.

 
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