Six sommets, trois glaciers, non loin des ours polaires et malgré les engelures. C’est l’exploit qu’a réalisé Lucas Van Den Hende en dix jours lors de son expédition au Svalbard, la terre habitée la plus septentrionale du monde. Récit de l’aventurier originaire de Wambrechies, près de Lille, qui n’en est pas à son coup d’essai.
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Il avait déjà défrayé la chronique en 2023 via son ascension sans oxygène de 6 119 mètres dans l’Himalaya. Lucas Van Den Hende récidive avec un nouvel exploit. Pendant dix jours, du 28 avril au 8 mai 2024, l’aventurier a grimpé dans un périmètre d’une vingtaine de kilomètres autour de son refuge à Longyearbyen, sur l’île du Svalbard, six « petits » sommets de 1 500 mètres, trois glaciers, un plateau et une grotte. Tout cela, non loin des ours polaires et des renards des neiges. Entretien.
Après votre aventure dans l’Himalaya en 2023 et l’ascension de 6119 mètres, vous nous avez surpris avec cette expédition…
Ce sont des sommets moins techniques qui culminent à 1500 mètres. Nous ne sommes pas dans des conditions d’altitude avec un manque d’oxygène, mais par contre les techniques sont assez proches puisqu’il y a beaucoup de neige et qu’il fait assez froid, -5°, mais les températures ressenties peuvent être bien moindres.
Je cherchais une autre aventure qui sort de l’ordinaire, comme un entraînement, avec des conditions proches de la haute altitude. La différence cette fois, c’est que j’étais complètement seul. Et puis j’ai trouvé ça assez sympa d’aller voir les montagnes les plus septentrionales du monde. Il faut imaginer le contexte : 3 000 ours polaires, 2 000 habitants, pour la plupart des scientifiques.
Vous parlez de formation. Pour quoi?
Mon objectif ultime serait d’atteindre 8 000 sans oxygène. Après, il y a beaucoup de sommets avant d’y arriver. Je pense que cette année ou l’année prochaine, je tenterai le pic Lénine au Kirghizistan, 7 134 mètres, pour entrer dans la ligue des très, très hauts sommets.
Comment était votre quotidien au Svalbard ?
J’ai quitté le refuge assez tôt pour marcher et grimper. C’était spécial parce que je pouvais le faire toute la journée puisque le soleil ne se couchait pas à cette époque de l’année. Du coup, je rentrais parfois d’une expédition à 22 heures et la luminosité était comme midi. J’ai été malade un jour avec de la fièvre, un mal de gorge, je crois, qui a empiré. Je me suis baigné tôt le matin près du refuge et cela a fait baisser ma température corporelle.
Sinon, je mangeais surtout des aliments lyophilisés. Après être retourné au refuge et avoir recommencé. J’avais prévu de faire trois sommets, mais après en avoir fait deux en trois jours, j’ai fini par être plus gourmand que prévu. Globalement, c’était physique, j’ai dû perdre 7 ou 8 kilos en 10 jours.
Comment vous êtes-vous protégé des ours polaires ?
Avec une arme à feu. J’ai pris des cours de tir en Belgique, j’ai eu du mal à obtenir des permis pour amener mon fusil au Svalbard, mais heureusement je n’ai pas eu besoin de m’en servir. J’ai aussi croisé des traces d’ours et des carcasses de rennes. Mais pas une croix d’ours. A un moment, j’aurais aimé le faire, mais une fois sur place, j’ai vite abandonné cette idée… On parle encore d’un animal chasseur d’hommes.
D’autres risques ?
J’avais une balise Recco en cas d’avalanche. C’était un réel danger. Le réchauffement climatique en provoque de plus en plus. Le Svalbard se réchauffe 7 fois plus vite que la normale. Et au niveau des conditions, c’était assez terrible. A mon arrivée, il faisait -5° au lieu de -25°, je sentais autour de -20°, mais les conditions étaient très incertaines. Dans les grottes de glace, on se rend également compte que les couches diminuent d’année en année. Les lignes formées à chaque saison sont de plus en plus rapprochées.
La vie vous semble ennuyeuse à votre retour ?
Oui, un peu ! Il y a toujours un moment où on revient là où on est toujours là et où on met encore plus de temps à se rendre compte. Avec l’Himalaya, j’étais plus euphorique à mon retour, car c’était un rêve d’enfant. Là-bas, en Arctique, j’ai mis plus de temps à passer à autre chose, c’était plus personnel.
Pendant longtemps, je ne savais pas trop quoi en dire. C’était compliqué, j’étais toujours là. Alors certes, ce n’est pas un 8 000, mais l’aventure était tout aussi folle. J’avais peut-être encore plus peur dans l’Arctique, avec ce climat de solitude très particulier.
Psychologiquement, que vous apporte l’alpinisme et pourquoi grimpez-vous ?
Ai-je vraiment la réponse ? C’est un peu comme tomber amoureux, ça ne s’explique pas et c’est bien aussi. Je suis fasciné par la montagne depuis que je suis enfant. Je pense qu’il y a aussi quelque chose de très excitant à avoir peur, à stresser à l’avance. Nous pensons qu’il y a une montée d’adrénaline.
Nous essayons de contrôler nos émotions pour rester concentrés et nous apprenons des choses sur nous-mêmes. Il y a aussi un attrait pour le dépassement de soi et de la montagne. Se retrouver sur une terre où il n’y a pas de vie à part les ours polaires et les renards des neiges, se perdre tout seul sur cette autre planète… Ce fut une aventure incroyable.