La vanille de la Réunion survivra-t-elle à trop de soleil ? – .

La récolte va être catastrophique ! » Bertrand Côme, producteur et transformateur de vanille à Sainte-Suzanne, au nord-est de la Réunion, visite sa propriété où se mêlent vanilliers grimpant le long d’arbres exotiques et cultures ombragées.

Bertrand Côme, qui est également ingénieur agronome, réalise un graphique pour expliquer la gravité de la situation : l’évolution des températures sur l’île. « Depuis les années 2000, les choses grimpent. En 2019 nous étions à +1,2°C par rapport à la norme. En 2024, on s’attend à +2°C. »


La vanille est une vigne qui pousse en s’enroulant autour des arbres dans les sous-bois humides. Il ne supporte pas le soleil direct.

Richard BOUHET/AFP

La vanille est une orchidée fragile qui nécessite des conditions climatiques bien particulières.

Orchidée fragile et encore mystérieuse, la vanille n’a pas besoin d’engrais pour pousser, mais elle nécessite des conditions climatiques bien particulières. En hiver, la fraîcheur et la relative sécheresse déclenchent sa floraison. « Sa résilience au changement climatique est nulle […]. Maintenant, il pleut davantage et il fait plus chaud. Donc, la vanille ne fleurit pas », déplore Bertrand Côme, selon qui la solution passe par une culture en altitude – la vanille pousse en dessous de 700 mètres – et l’abandon du sud-est de l’île, prisé des producteurs mais devenu trop pluvieux.

Variétés tolérantes au climat

Étudier les effets du climat sur la vanille est l’une des missions du CIRAD (Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement) de La Réunion, qui abrite la plus grande collection au monde à Saint-Pierre, dans le sud. Vanilliers.


Récoltées huit ou neuf, les gousses de vanille développeront un arôme complet après plusieurs mois de maturation.

Richard BOUHET/AFP

Carine Charron, chercheuse en génomique, guide le visiteur à travers une multitude de plantes. La vanille Planifolia produite sur l’île représente plus de 95% de la production mondiale. Cependant, d’autres variétés sont plus tolérantes au changement climatique. « En s’appuyant sur cette diversité […]nous allons proposer des variétés plus intéressantes pour les agriculteurs, plus résistantes aux maladies et aux périodes de sécheresse », explique le généticien.

Une collection unique

Le Cirad possède la seule collection française de plants de vanille à La Réunion. Il contient l’essentiel de la diversité disponible sur le territoire national (zones de culture ou d’endémisme des territoires français d’outre-mer et jardins botaniques) et regroupe des centaines de vignes de vanille d’Amérique centrale et latine, d’Afrique et d’Asie. Il n’y a pas d’équivalent au niveau international.

Après vingt ans de recherche, le Cirad a validé en décembre 2022 une nouvelle variété appelée Handa, résistante à un champignon qui s’attaque aux vignes de vanille. L’objectif n’est pas de remplacer Planifolia mais de diversifier les variétés cultivées : ainsi, explique Carine Charron, « on a moins de risques de tout perdre d’un coup lorsqu’arrive un pathogène ou une période de sécheresse ». La vanille de la Réunion a obtenu le label Indication Géographique Protégée en 2021.


Les plants de vanille de Louis Leichnig poussent sur les troncs des palmiers.

Richard BOUHET/AFP

Après étuvage, les gousses sont exposées au soleil quelques heures par jour afin de perdre leur eau et de les ramollir.


Après étuvage, les gousses sont exposées au soleil quelques heures par jour afin de perdre leur eau et de les ramollir.

RICHARD BOUHET/AFP

Fertilisation manuelle

Le prix de la vanille, deuxième épice la plus chère après le safran, se justifie par ses conditions de production. Il faut attendre trois ou quatre ans avant d’obtenir les premières fleurs. Il faut ensuite les féconder à la main, seul moyen fiable d’obtenir des gousses, selon un procédé découvert vers 1840 par un jeune esclave, Edmond Albius. La récolte a lieu sept à neuf mois plus tard, lorsque les gousses sont encore vertes et inodores. Plusieurs longues étapes – échaudage, étuvage et séchage avant affinage – sont encore nécessaires pour obtenir les gousses noires à l’arôme caractéristique.

Autant d’étapes difficiles pour cette culture dominée par Madagascar et l’Indonésie – où les coûts de main d’œuvre sont moindres – qui assurent plus de 80 % de la production mondiale (environ 3 000 tonnes à elles deux). La Réunion ne produit qu’une vingtaine de tonnes de vanille verte par an.

En fin de maturation, les cabosses sont triées et calibrées par taille. Ils sont désormais prêts à être consommés.


En fin de maturation, les cabosses sont triées et calibrées par taille. Ils sont désormais prêts à être consommés.

Richard BOUHET/AFP

Arômes de la Réunion

«Mais c’est là que nous innovons», affirme Louis Leichnig. Ses vanilliers poussent sur des troncs de palmiers, dans une forêt des hauteurs de Saint-Philippe (sud-est). Il se spécialise dans la vanille givrée, utilisant un procédé naturel de cristallisation qu’il est l’un des rares à maîtriser et qui produit un arôme plus fort. Amoureux de cette plante « robuste et fragile à la fois », dont il faut prendre soin pour qu’elle produise et dure dans le temps, il estime, comme Bertrand Côme, que la seule manière de se démarquer pour La Réunion est par la qualité.

 
For Latest Updates Follow us on Google News
 

PREV Le ministre Blair salue les « nouvelles opportunités de dialogue » avec la Chine
NEXT l’Avenir Basket Chalosse a pris son temps mais a remporté sa première couronne à Plumaçon