La mine d’or New Liberty au Libéria.
En 2023, le négociant en or genevois MKS Pamp avait défrayé la chronique à cause d’une de ses mines au Libéria. À l’époque, il était accusé de polluer l’environnement. Cette fois, les accusations sont plus graves.
Maximilien Jacobi / ch media
Plus tôt cette année, des troubles sanglants ont éclaté dans la plus grande mine d’or du Libéria, New Liberty. Les travailleurs ont protesté contre leur employeur : ils se plaignaient des mauvais contrats de travail, de la pollution de l’environnement et du manque de sécurité dans les galeries. À plusieurs reprises, des mineurs ont perdu la vie sous terre. Le 28 février, la police a tiré des gaz lacrymogènes sur les manifestants. La situation a dégénéré, des coups de feu ont été tirés. Quatre personnes sont mortes et 19 ont été blessées.
Tout l’or extrait de la mine est acheté par la société suisse MKS Pamp. L’entreprise a son siège à Genève et traite le métal précieux dans sa raffinerie au Tessin. En 2023 déjà, la mine New Liberty faisait la une des journaux en Suisse : pendant des années, elle continuait à empoisonner la rivière Marvoe voisine avec du cyanure et de l’arsenic. À l’époque, MKS Pamp s’était défendu comme suit :
« Nous prenons très au sérieux ces accusations et notre responsabilité envers l’environnement »
Manque d’équipement et de sorties de secours
Les mineurs ne peuvent pas dire qu’ils perçoivent cet engagement. Quatre mois plus tard, lorsque des personnes sont mortes lors des émeutes de février, le parlement libérien a envoyé une commission sur place. Nous avons eu accès à ce rapport officiel. Il y a un total de 38 demandes de mineurs envers la Bea Mountain Mining Company, leur employeur. On parle toujours des risques environnementaux et sanitaires liés aux produits chimiques. Les points clés sont :
Exigence 7 : Équipement de protection adéquat pour prévenir les accidents mortels
La société minière a déclaré qu’elle avait fourni des équipements de protection à tous les travailleurs. Le comité tire une autre conclusion : lors de sa visite à la mine, de nombreux mineurs travaillaient sans casque ni bottes de sécurité. Le comité a également entendu parler d’une séance photo de plusieurs travailleurs. Les mineurs auraient été contraints de porter des équipements de protection pour les photos. Ceux-ci devaient être utilisés par l’exploitant de la mine comme preuve de sécurité au travail.
Exigence 22 : La société minière doit entreposer de façon sécuritaire les matières résiduelles de la mine car celles-ci ont été traitées avec des produits chimiques
Le comité exige que les entrepôts de matières résiduelles soient contrôlés par le ministère de l’Environnement.
Des fuites de sulfate de cuivre de la mine d’or New Liberty. Le sulfate de cuivre est un produit toxique : nocif en cas d’ingestion ; irritant pour les yeux et la peau ; très toxique pour les organismes aquatiques (notamment marins) ; il est également suspecté de favoriser l’apparition de la maladie de Parkinson.Autorité environnementale libérienne EPA
Exigence 23 : Systèmes de ventilation souterrains, sorties de secours et équipes de secours en bon état de fonctionnement
Le comité note que les décès et les risques environnementaux auraient pu être évités si la société minière avait écouté les revendications de ses employés.
Le hub de l’or suisse
Tout l’or extrait de la mine problématique est destiné à MKS Pamp. Interrogé par CH Media (éditeur de Watson)la société écrit que les manifestations du début de l’année ont été déclenchées par les habitants des villages autour de la mine. L’importateur d’or suisse ne dit rien des revendications des mineurs. C’est avec « une grande tristesse » que nous avons appris ces décès, déclare MKS Pamp. Mais comme ces personnes ont perdu la vie suite à l’intervention de la police libérienne, l’entreprise dit que ce n’est pas la responsabilité des exploitants miniers. Et donc pas non plus de la responsabilité de MKS Pamp.
Le négociant en or met en avant ses efforts autour de la mine New Liberty : il s’engage pour la protection du fleuve et pour une meilleure relation entre la compagnie minière et la population. L’entreprise ne répond pas à la question de savoir si elle a déjà abandonné une mine d’or pour des raisons éthiques.
Immersion dans le plus grand bunker d’or privé de Suisse
Vidéo: Watson
Le poids de la « bonne volonté »
Christoph Wild, président de l’Association suisse de l’industrie des métaux précieux, dirige l’un des groupes d’intérêt les plus influents au monde dans le domaine du traitement de l’or : un tiers de l’or mondial est raffiné en Suisse.
En tant que membre de cette association, MKS Pamp est tenu de s’approvisionner en or auprès de sources écologiquement et socialement viables. Toutefois, les mines qui ne répondent pas à ces normes ne doivent pas être immédiatement abandonnées, selon Christoph Wild. En effet, si un négociant en or suisse abandonne une mine, il se contentera de chercher des clients dans d’autres pays, qui souvent ne se soucient pas des normes.
« Abandonner une mine n’est pas forcément la meilleure stratégie »
Christophe Sauvage
Des produits chimiques hautement toxiques peuvent être vus ici se déversant dans une rivière au Libéria.Autorité environnementale du Libéria (EPA)
Mais si l’entreprise ne fait pas preuve de «bonne volonté», elle risque d’être exclue de l’Association suisse de l’industrie des métaux précieux, confirme Christoph Wild. L’année dernière, elle s’est séparée de Valcambi, une importante raffinerie tessinoise. Sa faute ? Elle continue de s’approvisionner en métaux précieux sur le marché de Dubaï, même si l’association prévient que de l’or provenant de mines illégales d’Afrique y est également vendu.
La bonne volonté ne suffit pas aux yeux de la commission d’enquête du Parlement libérien. A la fin de son rapport, il exige de l’exploitant de la mine des ambulances pour les travailleurs, des investissements dans l’hôpital voisin et des médicaments pour les habitants.
Traduit et adapté de l’allemand par Léa Krejci
