en Bourgogne, Fabrice Desjours cultive le modèle des forêts comestibles

Voyageur. Jardinier. Chercheur. Fabrice Desjours, invité ce dimanche 5 mai au festival Les Grands Récits à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, nous emmène dans sa forêt comestible, véritable garde-manger à ciel ouvert, devenue une solution aux enjeux climatiques.

D’une prairie à un centre de recherche. D’une impulsion personnelle, à un engagement collectif. En Saône-et-Loire, Fabrice Desjours cultive des centaines d’espèces végétales et d’idées, qui contribuent au développement des « jardins-forêts » partout en France.

Le thème choisi pour la première édition des Grands Récits est la forêt. Qu’est-ce que cela signifie pour toi?

Pour nous, la forêt est vraiment un modèle. C’est un système basé sur le partenariat et le mutualisme. Je pense que cela nous permet aussi de nous remettre en question en tant qu’humains et sur une société que nous construisons. Ces partenariats nous semblent véritablement inspirants. Lorsque nous construisons des jardins-forêts, nous sommes des mimétiques. Ils ne sont ni arrosés, ni fertilisés, ils poussent tout seuls. Nous avons affaire à de nouvelles propositions profondément optimistes. Je pense que la forêt est un modèle, une Source d’inspiration pour beaucoup de gens.

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Pouvez-vous décrire cette forêt comestible que vous avez créée ?

Le point de départ était un pré il y a quatorze ans. Désormais, nous sommes dans une forêt qui se mange, avec des ambiances complètement différentes, des lieux qui resteront ouverts, ensoleillés, avec des mares alimentaires. Des lieux conçus pour pouvoir passer du temps dehors et consommer les produits. Des endroits avec de grands arbres à croissance dense, avec beaucoup de vignes. Certaines zones ressemblent un peu à des savanes fruitières, d’autres sont de petites jungles alimentaires, au climat tempéré. Nous avons testé plus de 1 000 espèces alimentaires. Ce sont des plantes qui pour la grande majorité sont vivaces, ligneuses, et qui vivront longtemps. Plantes de lumière, d’ombre, terrestres, aquatiques… Et c’est là la grande différence avec l’agriculture, qui repose plutôt sur l’utilisation de plantes annuelles. Les plantes sont mélangées, partageant efficacement l’espace, sans labourage, sans fertilisation, sans arrosage et produisant toutes sortes de ressources.Photo fournie par l’association Forêt gourmande.

Lesquels par exemple ?

Fruits, graines, feuillages, sirops de sève, tubercules, produits de la ruche… On les appelle « forestiers ». Il y a tous les fruits classiques que l’on connaît et on a vraiment ce grand renfort d’espèces inconnues, nouvelles ou trouvées. Il peut s’agir par exemple de noix de torreya, d’asimines qui sont des sortes de mangues, de fruits de chalef d’automne, de baies fuchsia… Dans la ressource oléagineuse, on connaît les noix, les noisettes, mais il y a bien d’autres choses. Nous produisons par exemple des noix de pécan. Nous avons des choses complètement nouvelles comme l’acajou chinois. 95% des dégustateurs l’adorent, c’est un arbre dont le feuillage a un goût entre l’oignon et la cacahuète. Ils peuvent être consommés sous forme de pousses dans des salades ou dans un wok. Nous travaillons cela en interne en cuisine, ou avec les chefs, pour proposer différentes manières de les consommer.

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Notre consommation est finalement réduite à une infime partie des possibilités ?

Actuellement, nous consommons entre quarante et soixante espèces végétales différentes, dont certaines sont importées. Dans la zone test, nous disposons de plus de 1 000 espèces, et plusieurs milliers à l’échelle de tous nos projets, en climat tempéré. C’est énorme. La cuisine à laquelle nous sommes habitués depuis des milliers d’années est la cuisine de la déforestation et nous essayons de proposer une culture de la reforestation. En vous nourrissant de ces forêts, vous non seulement vous nourrirez, mais bénéficierez également de tous les services environnementaux associés : stockage de carbone, retour de la biodiversité, protection du climat, etc.

« Essayer de réparer les choses qui ont été endommagées »Photo fournie par l’association Forêt gourmande.

Quelles recherches mène votre association Forêt gourmande ?

C’est un projet assez structuré en termes de développement/recherche. Il se passe beaucoup de choses. Il y a vraiment la question de l’adaptation du territoire, avec des plantes adaptées au scénario climatique où que l’on soit, partout où sont plantées ces forêts à manger. Nous menons également des travaux de recherche avec EDF et Inrae sur les nouvelles ressources alimentaires, sur leur capacité à stocker massivement du carbone par exemple. Recherches sur l’assainissement des sols, etc. Nous sommes très sollicités, c’est passionnant, mais nous ne pouvons pas répondre à tout. L’idée est vraiment de continuer à expérimenter, de montrer que ça marche, de développer des projets dans la région. Jardins forestiers agricoles collectifs, participatifs, viviers scientifiques et environnementaux. Et de le faire toujours de manière un peu artisanale et familiale. Cet ADN est là depuis le début et je ne pense pas que nous le changerons.

Avant cette grande aventure, vous étiez infirmière…

Quand j’y pense, j’ai l’impression d’une grande ancienneté mais ce n’est pas si loin, j’étais encore là il y a six ans. J’ai l’impression d’avoir profondément renoué avec mes besoins. L’envie d’essayer de trouver une solution qui ait du sens, qui puisse rassembler tout le monde. Il ne s’agit pas seulement de reboiser de manière nourrissante, il s’agit de repenser les choses, de tout faire ensemble. Il y a des liens avec le fait d’être infirmière, de prendre soin et d’essayer de guérir les choses qui ont été endommagées.

Rendez-vous. Fabrice Desjours participera à la première édition du festival Les Grands Récits, à l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, à l’occasion de la projection du documentaire La forêt gourmande, de Valérie Manns. Le producteur du film, Christophe Nick, sera également présent. Un débat est organisé à la fin de la projection. Pratique. La projection a lieu dimanche à 10h30. Accès libre. Le festival. Il a lieu du vendredi au dimanche. Une vingtaine de rendez-vous sont prévus à l’abbaye.

Commentaires recueillis par Caroline Girard

 
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