La « drogue zombie » circule déjà dans les rues de Montréal

La « drogue zombie » circule déjà dans les rues de Montréal
La « drogue zombie » circule déjà dans les rues de Montréal

La ville de Philadelphie est aux prises depuis plusieurs années avec une nouvelle substance aux effets dévastateurs : la xylazine. Surnommée la « drogue zombie », elle plonge les personnes qui en consomment dans un état d’inconscience prolongée, en plus de créer une forte dépendance et des dommages physiques irréversibles. Le devoir s’y est rendu pour documenter l’impact social de cette drogue qui commence à faire son chemin dans le pays. Dernier de cinq textes.

« Préparez-vous, car il est impossible de s’arrêter », prévient le Dr Monika VanSant, qui travaille dans le domaine de la toxicomanie et du traitement des plaies à Philadelphie, où la xylazine fait des ravages. «Assurez-vous d’avoir les ressources en place», ajoute son collègue Nakomo Finnel. Et si ça ne frappe pas comme ici, au moins vous serez prêt à tout le reste. »

Xylazine, un puissant tranquillisant pour chevaux communément appelé tranquillisant “, ou “drogue zombie”, est présente dans 90 % des échantillons de drogues testés par les autorités de santé publique de Philadelphie, provoquant une montée en flèche des surdoses et obligeant les agents de terrain à soigner des blessures qui entraînent souvent la mort. amputation.

À Montréal, on est encore loin d’une telle prévalence. Mais la xylazine est bel et bien présente. «Oui, la xylazine circule à Montréal, on se le dira», confirme le DD Carole Morissette, médecin-conseil en prévention des ITSS et réduction des méfaits liés aux drogues à la Direction régionale de santé publique (DRSP) de la métropole. « Mais en réalité, la prévalence de sa présence est stable, voire en diminution. »

En mars 2023, la DRSP de Montréal a lancé un « appel à la vigilance » à ses partenaires du réseau de la santé pour les informer d’une « exposition importante à la xylazine chez les personnes consommatrices de drogues à Montréal » qui augmente les risques de surdose.

Avec son équipe, la médecin a analysé des échantillons d’urine prélevés à l’automne 2022 auprès de 300 usagers de drogues. C’était la première fois que la xylazine apparaissait sur leur radar. Parmi les échantillons testés, 5 % en contenaient, de manière concomitante avec du fentanyl ou un dérivé. “Mais quand on a regardé les personnes chez qui on avait détecté du fentanyl, il y avait 29% de ces échantillons qui contenaient aussi de la xylazine”, précise le D.D Morissette.

Elle a répété l’exercice à l’automne 2023. Cette fois, 4 % des échantillons d’urine contenaient de la xylazine, et 19 % des échantillons provenant d’utilisateurs de fentanyl. « Nous avons une petite réduction. On ne peut pas dire que c’est statistiquement significatif, mais de toute façon, il n’y a pas d’augmentation, on pourrait alors parler d’une légère diminution», dit-elle. Le DD Morissette convient cependant que l’étude comporte des limites dont il faut tenir compte – c’est pourquoi il est important, rappelle-t-elle, de disposer d’autres sources de données.

Dans tous les cas, aucun des participants n’a déclaré avoir consommé de la xylazine, ce qui indique une consommation à son insu. « Personne ne dit qu’il envisage de consommer de la xylazine. Nous n’avons pas vu cela. »

Très présent en Ontario

Au Canada, la xylazine a été détectée pour la première fois en 2001 par le Service d’analyse des drogues de Santé Canada. «Mais elle n’a commencé à émerger qu’en 2019», écrit le ministère fédéral dans un document de synthèse sur l’émergence de la xylazine au Canada publié en 2023.

Depuis, sa prévalence a augmenté de façon exponentielle. En 2018, les services d’analyses ont relevé cinq échantillons contenant de la xylazine. Ce nombre est passé à 205 l’année suivante. En 2022, on parlait de 1 350 occurrences. La majorité des échantillons contenant de la xylazine provenaient de l’Ontario (63 %), suivi de la Colombie-Britannique (21 %) et de l’Alberta (13 %). Un peu plus de 2 % provenaient du Québec.

«On ne peut pas comparer la situation de l’Ontario avec celle de Montréal», assure le DD Morissette. Et [la situation au] Le Canada n’est certainement pas comparable à ce qui se passe à Philadelphie. »

Aucun rapport pour le moment

La DRSP de Montréal prend néanmoins la situation très au sérieux et suit constamment l’évolution de la situation. Dans son appel à la vigilance, elle a demandé la collaboration des cliniciens et des organismes du réseau de la santé en les invitant à garder l’œil ouvert et à « signaler le plus tôt possible tout cas soupçonné de surdose » s’apparentant à une association de fentanyl et de xylazine. “Nous n’avons pas eu, jusqu’à présent, de rapports montrant une augmentation de ce type d’image”, explique le DD Morissette.

Les équipes travaillant sur le terrain sont également attentives à l’apparition de plaies nécrotiques typiques de la xylazine, que l’on peut observer à Philadelphie. Encore une fois, aucun rapport n’a été publié à cet effet. « Nous n’en avons pas actuellement. [de plaies causées par la xylazine], et j’ajouterais : nous n’en voulons pas. »

« L’ensemble de notre réseau est bien informé des inquiétudes concernant les nouvelles substances. Alors si nous avions observé une augmentation de la xylazine, nous aurions certainement porté une attention particulière à communiquer cette information. »

Des mélanges de plus en plus toxiques

Ce qui l’inquiète surtout, répète-t-elle, ce n’est pas tant la présence de xylazine, mais de toutes les « nouvelles substances » dans les « mélanges complexes » qui ont envahi le marché illégal des drogues. , « extrêmement dynamique » depuis l’arrivée du fentanyl à l’été 2020. « Ce n’est pas seulement la xylazine qui nous inquiète, c’est vraiment cet ensemble de médicaments, des mélanges complexes », précise le médecin.

« C’est vraiment un défi, car nous voyons arriver non seulement le fentanyl, mais aussi plusieurs analogues du fentanyl de plus en plus puissants. On voit aussi arriver les nitazènes, qui nous inquiètent autant, sinon plus, car ces mélanges complexes comportent d’énormes risques de mort et de surdosage. »

Elle se souvient d’une rencontre avec ses homologues de Toronto et de Vancouver tenue il n’y a pas si longtemps, juste avant la pandémie. « On pourrait dire qu’à cette époque, Montréal était tranquille comparativement à d’autres villes. Et tout le monde nous disait : « Préparez-vous, car quand le fentanyl arrive, la donne change complètement. Nous constatons une augmentation des surdoses et des décès.» Et c’est effectivement ce à quoi nous avons été témoins. »

Heureusement, dit-elle, la Santé publique s’y était préparée — notamment par la distribution de naloxone —, ce qui a permis d’éviter que le nombre de décès augmente au même rythme que le nombre d’overdoses non mortelles. « Là où le défi est de s’assurer que nous déployons les bonnes interventions au bon moment afin que la réponse ait l’intensité nécessaire pour assurer la protection de la population. C’est vraiment un défi. Mais le niveau d’intensité actuel semble au moins éviter des décès. Au moins. »

Ce reportage a été financé grâce au Fonds pour le journalisme Transat-International.Le devoir.

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