Les procureurs extraordinaires du MPC seraient illégaux

Les procureurs extraordinaires du MPC seraient illégaux
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Depuis des années, le Ministère public fédéral confie la gestion des procédures pénales à des avocats externes. La Cour fédérale doit maintenant décider si cette pratique était légale.

Kurt Pelda / ch médias

C’est un pilier de l’État de droit et de la démocratie : le principe de légalité doit protéger l’individu contre l’arbitraire de l’État. Selon ce principe, les individus peuvent faire tout ce qui n’est pas expressément interdit par la loi. D’autre part, les fonctionnaires ont officiellement besoin d’une autorisation, c’est-à-dire une base juridique pour agir. La Constitution fédérale stipule clairement :

« La loi est le fondement et la limite de l’action de l’État »

Le Ministère public fédéral (MPC), l’autorité suprême en matière de poursuites pénales du pays, est soupçonné d’avoir ignoré ce pilier de l’État de droit pendant des années. La Cour fédérale devra trancher sur cette question. En effet, les avocats des prévenus et le MPC lui-même ont déposé un recours contre un jugement accablant du Tribunal pénal fédéral de Bellinzone.

Énorme gifle pour le MPC

La question fondamentale sera de savoir si le MPC peut confier la conduite de certaines procédures pénales à des personnes externes en tant que procureurs extraordinaires.

En 2015, le MPC a en effet nommé Daniel Vögeli, avocat soleurois, pour diriger en tant que stagiaire les procédures pénales pendantes depuis 2010. L’objectif : porter devant le Tribunal fédéral de Bellinzone une importante affaire de fraude portant sur un montant pénal de plus de 300 millions de francs. Le mandat a été donné dans le but de « réduire à court terme une trop grande charge de travail », a justifié le MPC.

Mais était-ce vraiment légal ? L’arrêt de 25 pages de la Cour d’appel de Bellinzone a fait l’effet d’une cinglante gifle pour les procureurs fédéraux de Berne :

« Il n’y avait (…) aucune base légale formelle pour la nomination de Daniel Vögeli comme procureur extraordinaire (…). Cette catégorie de procureurs extraordinaires de la Confédération n’était et n’est actuellement prévue par aucune loi au sens formel.»

La loi permet en effet à l’autorité de contrôle du MPC de nommer des procureurs extraordinaires, mais uniquement dans le cadre de procédures dans lesquelles les procureurs du MPC seraient impliqués.

Aucune légitimité

Le MPC a certainement adapté son règlement intérieur au cours de la procédure pénale, légitimant a posteriori la position de Vögeli. Mais la Cour d’appel critique cette façon de faire : le règlement ne remplace pas « une base juridique valable ». Autrement dit, le législateur n’a pas accordé au MPC la marge de manœuvre nécessaire de « créer une autre catégorie, celle de procureur fédéral extraordinaire ».

Au contraire, le paragraphe en question rend même la situation illégitime dès le début. les actes de procédure accomplis par Vögeli depuis sa nomination en 2015 auraient donc été l’œuvre d’une personne indisposée à intervenir, tant matériellement que fonctionnellement.

Le coup est dur à encaisser. Selon Bellinzona, le ministère public fédéral opère depuis des années en dehors du cadre légal. Contacté, le MPC explique qu’il était nécessaire d’adapter ou de clarifier la réglementation au fil du temps en raison d’une organisation et d’un environnement changeants.

Comme l’a en outre indiqué le ministère public, depuis 2019, il a mis en œuvre un total de cinq procureurs fédéraux extraordinaires. Seule l’affaire menée par Vögeli a jusqu’à présent abouti à une décision de justice, qui n’est toutefois pas encore entrée en vigueur. Toutes les autres procédures pénales menées par des procureurs extraordinaires ont été suspendues, abandonnées ou n’ont pas été prises en compte.

Une question d’importance politique

Alors pourquoi les mandats confiés par le MPC à des avocats externes pour les procédures pénales devraient-ils poser problème ? Le législateur a souhaité un ministère public indépendant de l’exécutif, c’est-à-dire une autorité qui ne soit soumise à aucune pression politique. C’est pourquoi les procureurs de la Confédération sont élus pour quatre ans. Ils sont donc relativement libres pendant la durée de leur mandat.

Toutefois, cela ne s’applique pas à un avocat engagé en externe. En effet, s’il souhaite être recontacté par le MPC – et s’il dépend peut-être même financièrement de tels mandats, comme c’est le cas des avocats retraités ou indépendants –, il pourrait céder à la pression politique ou à la raison d’État – dans l’espoir d’être « récompensé » plus tard par une autre procédure pénale.

Celles qui ont été abandonnées par certains avocats extérieurs ou qui n’ont même pas été démarrées pourraient devenir particulièrement suspectes. Dans ces cas-là, le public n’est généralement pas informé de l’existence de ces procédures. Il faudra donc je me demande si le MPC a confié les dossiers délicats à des avocats externes afin qu’ils ne soient jamais jugés par un tribunal. Cela aurait pu, par exemple, se produire lorsque de hauts fonctionnaires fédéraux ou des hommes politiques figuraient parmi les accusés.

Le Tribunal fédéral devra maintenant décider si le MPC peut nommer des procureurs extraordinaires. Si le plus haut tribunal de Suisse, celui de Bellinzone, reconnaît qu’il n’existe aucune base légale pour cela, il devra également décider du sort des procédures pénales déjà traitées par des tiers. Une question d’importance politique.

(Traduit de l’allemand par Valentine Zenker)

 
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