l’éternelle quête de la « baraka »

l’éternelle quête de la « baraka »
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Les contacts du nouveau chef de l’Etat avec la famille Omarienne, via la prière du vendredi d’hier, ainsi que sa première visite officielle dans les grandes villes religieuses de Touba et Tivaouane ne sont pas nouveaux au Sénégal. Plus qu’une simple visite pieuse « ziar », c’est une quête de bénédiction qui s’inscrit dans un rituel politique au Sénégal, une coutume respectée depuis l’aube de l’indépendance du pays. Les présidents de la République qui se sont succédé à la tête du pays ont, chacun à leur manière, donné un caractère quasi républicain à cette démarche. Les relations avec les confréries religieuses musulmanes et le clergé catholique étaient toutes marquées par le sceau de la bonne entente et de l’interdépendance entre les sphères politique et religieuse. Avec en toile de fond la recherche de cette onction et de cette « baraka » dans la conduite des affaires de l’État.

Allégeance, bénédiction ou simple désir de bénéficier de la baraka ? La visite pieuse ou Ziar du tout nouveau Président de la République Bassirou Diomaye Faye aux différents foyers religieux, largement retransmise dans l’espace public et religieux, a été diversement appréciée. Loin d’être une nouveauté, elle s’inscrit dans une tradition bien ancrée. Le successeur du président Macky Sall, Bassirou Diomaye Faye, semble rester dans le sillage des présidents de la République qui se sont succédé à la tête du pays et qui ont tracé une touche dans leurs relations avec les différentes familles religieuses. Une relation qui va encore plus loin puisqu’elle prend sa Source dans la période coloniale et les combats politiques impliquant de grandes personnalités sénégalaises.

Il n’était pas rare qu’un leader soit adoubé par les grands dirigeants des confréries de l’époque. Tout homme politique de l’époque espérait obtenir la bénédiction religieuse et cette grâce des fidèles ou simplement des électeurs. En remontant l’histoire du Sénégal, on peut constater que cette interdépendance des sphères politique et religieuse au tout début du siècle dernier explique à bien des égards le type de rapport, le pouvoir et l’influence de la religion dans la sphère politique et administrative. .

L’historien Mamadou Diouf dans une interview réalisée en 2014 décrit le système politique sénégalais et le rôle des chefs religieux dans ce système : « Les chefs religieux ont toujours joué un rôle dans la vie politique sénégalaise. C’est ainsi que fonctionne notre système politique. Les marabouts font partie intégrante de notre système politique depuis la période coloniale. Et notre système politique a toujours été une combinaison de logiques d’intérêts souvent contradictoires. ».

Entre les deux guerres mondiales, les religieux de l’époque occupent une place centrale dans la vie politique. On peut le noter sous Blaise Diagne, Galandou Diouf, personnalités politiques de cette époque qui ont pu bénéficier d’appuis importants et de l’appui des califes et guides comme Cheikh Mouhamadou Moustapha Mbacké, Cheikh Anta Mbacké, Seydina Issa Laye ou encore Seydou Nourou Tall à capturer les masses d’une population qui sont pour la plupart convaincues par la fraternité. Cette collaboration se manifestera après l’indépendance du pays en 1960. Léopold Sédar Senghor, premier président du Sénégal, s’inscrit dans cette continuité en conférant aux chefs religieux le statut d’intermédiaires entre la société politique et les citoyens. On se souvient du rôle déjà joué en 1968 par les dirigeants des confréries dans l’apaisement des tensions politiques, qui reflète avec éloquence les relations avec les familles religieuses au Sénégal qui ont marqué le magistère des différents présidents, de Senghor à Abdou Diouf, en passant par Abdoulaye Wade. et Macky Sall..

Le soutien et l’amitié, des atouts pour le premier président

Bien qu’appartenant à la communauté catholique du Sénégal, le président-poète, Léopold Sédar Senghor, a su établir en 1967, de profondes relations d’amitié doublées d’un soutien indéfectible avec le Khalife général des Mourides, El Hadji Serigne Falilou Mbacké, également le deuxième calife du fondateur du mouridisme. Comme il avait assuré dès les grandes élections législatives de 1951 le soutien de Khalifa Ababacar Sy, calife général des Tidjanes, contre son adversaire Lamine Guèye. Le Père Joseph Roger De Benoist raconte dans un de ses livres que “une amitié sans faille”né entre eux, en 1945, « s’est matérialisée, d’une part, par un soutien continu et sans réserve, de l’autre par une politique d’aide et d’assistance de la part du Président Senghor adressée au Khalife Général des Mourides et à l’ensemble de la communauté mouride. Le gouvernement avait encore besoin d’intermédiaires. Les marabouts conservent leur position comme à l’époque du colonialisme et servent la plupart du temps de relais à l’action de l’Etat.

Abdou Diouf, sous le sceau de la neutralité

Les relations entre l’ancien président de la République, Abdou Diouf, et le calife général des Mourides, Serigne Abdoul Ahat Mbacké, en seront encore une illustration. Le deuxième président du Sénégal maintiendra cependant une certaine équidistance avec cette confrérie. Dans une interview accordée à RFI, l’ancien président Abdou Diouf a démontré le soutien de ce guide religieux qu’il considère comme un ” père “. Abdou Diouf, en 1988, fut le premier président à avoir bénéficié d’une instruction de vote religieux, un retentissant « ndigël » de la part du calife général des Mourides.

Abdoulaye Wade, président talibé

Me Abdoulaye Wade, troisième président du Sénégal, s’est particulièrement illustré dans ses relations avec les confréries religieuses du Sénégal. Contrairement à ses prédécesseurs qui affichaient une certaine neutralité à l’égard des confréries religieuses, le troisième chef de l’Etat du Sénégal n’avait pas lui n’a pas perdu de temps pour donner une autre tournure à cette tradition. Sa relation avec le cinquième calife général des Mourides, Serigne Saliou Mbacké, en est un parfait exemple. Lors de ses premières visites dans la cité religieuse de Touba, toute la République s’y rendait. Lors de son Khalifat, Serigne Saliou Mbacké a pourtant affiché sa neutralité dans le jeu politique. C’est sous son Khalifat que furent lancés les grands travaux de modernisation de la cité religieuse.

Macky Sall relance l’entente parfaite

Le Président de la République sortant, Macky Sall, ne dérogera pas à cette tradition, malgré un signal fort qu’il a lancé durant l’entre-deux tours de l’élection présidentielle de 2012 consistant à restreindre la place des religieux et à les traiter comme n’importe quel citoyen. , autrefois président de la République. « Les religieux n’auront aucun statut particulier », avait-il suggéré. Cette partie de phrase a résonné dans l’espace public et a même suscité la colère de nombreux religieux. Le président Macky Sall sera cependant contraint de clarifier à nouveau sa pensée. Ses années de gouvernance seront marquées par des relations bien plus que bien huilées. A travers de nombreuses visites, le Président Sall démontrera à suffisance sa parfaite entente, pour ne pas dire collusion, avec les Khalifes généraux de tous les grands centres religieux de Touba, Tivaouane, Cambérène, Kaolack, Ndiassane, Medina Gounass, etc. Cet accord se concrétisera par l’ambitieux programme de rénovation des villes religieuses mis en œuvre durant son magistère.

Omar DIAW

 
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