ENTRE CONSCIENCE CITOYENNE ET RÉINVENTION SOCIALE – .

ENTRE CONSCIENCE CITOYENNE ET RÉINVENTION SOCIALE – .
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La conquête du pouvoir, quel qu’il soit, où qu’il se déroule, est portée par le dynamisme de la jeunesse, surtout lorsqu’elle est formée idéologiquement. Au Sénégal, la plupart des acquis démocratiques et socio-économiques ont été obtenus au prix de sacrifices, d’engagement, de détermination et de luttes acharnées. La scène politique sénégalaise a littéralement changé de configuration depuis près de dix ans, avec l’avènement d’un nouveau discours politique imprégné des idéaux souverainistes qui sous-tendent les aspirations des populations actuelles. Les masses populaires, s’exprimant un peu partout en Afrique, comprennent aujourd’hui les contours ou les possibilités de reconstruire un système de gouvernance socio-politique juste et égalitaire pour « sortir des grandes ténèbres » selon l’idée partagée par Achille Mbembe dans un ouvrage éponyme. .

Cet espoir, qui anime les populations africaines en général et particulièrement celles du Sénégal, semble susciter une certaine sensibilité et parfois des mouvements de révolte visibles dans les discours des citoyens, notamment chez les jeunes, accusés à tort de « génération zélée ». Lorsque l’on analyse les réactions révolutionnaires de cette nouvelle génération de jeunes Africains, plusieurs éléments peuvent aider à comprendre leur position dans le contexte actuel d’évolution de nos sociétés. En effet, l’Afrique a subi, pendant des siècles, une série de dominations multiformes, qui ont servi à réduire à néant la dignité de l’homme noir, à objectiver le noir, à l’humilier, à l’exploiter jusqu’à la dernière goutte de sueur. , pour le réduire en esclavage, le vider de sa substance culturelle et le tuer moralement et physiquement dans son propre environnement.

Cette histoire douloureuse, que l’on veut oublier par la magie du pardon et de la réconciliation, a laissé des cicatrices dans la conscience des Africains, qui accusent par ailleurs les envahisseurs occidentaux de crimes contre l’humanité et d’avoir été, en partie, les auteurs de leurs retard de développement. Suite au désastre provoqué par la succession des périodes d’occupation et de domination occidentales, la forme de création de nos États post-indépendants n’a pas assuré une gouvernance socio-politique efficace face aux défis de l’époque. et les urgences de développement. Le mimétisme politique, exercé par les élites africaines à la tête de leurs pays depuis les indépendances, a conduit à un échec consommé qui a plongé les populations dans une chute brutale vers les pentes du sous-développement. Les facteurs de blocage émanent d’un contraste socio-économique parfois soumis au diktat des puissances étrangères et des institutions financières internationales (Banque mondiale, FMI) et d’une opacité du modèle de gestion des affaires publiques. Cependant, de fortes ambitions soutiennent les actions de changement et font surgir « le Soleil de l’indépendance » (A. Kourouma, 1968) dans un contexte où les défis structurels s’orientent vers la construction d’États démocratiques forts, la réhabilitation d’un système sociopolitique en adéquation avec nos réalités intrinsèques et l’adoption d’un système de gouvernance prenant en compte, d’une part, de nouveaux paradigmes économiques basés sur l’industrialisation, combinés à une meilleure exploitation des ressources, et d’autre part, proposer sur le plan géostratégique, un modèle de diplomatie décomplexée.

Les décennies qui ont suivi le « retrait » du pouvoir colonial des affaires ont été marquées par un désenchantement total caractérisé par des conflits internes (crises politiques, guerres tribales, rébellions, etc.), un système de mauvaise gestion, des pouvoirs dictatoriaux, la censure des médias, des économies dépendantes, une pauvreté endémique. , sans compter un écart technologique inquiétant. Ces défauts ont ponctué la trajectoire de la majorité des États africains post-indépendants avant de se plonger dans un écosystème de mondialisation où les intérêts économiques fertilisent les types de relations entre pays et entités politico-économiques. Dans ce jeu d’acteurs à l’échelle mondiale, l’Afrique semble subir le poids de décisions souvent arbitraires, bien qu’elle soit désignée par les puissances mondialistes comme « l’avenir du monde », mais un avenir, semble-t-il, sans les Africains. Comment un continent de plus de 30 millions de km², avec une population de plus d’un milliard d’habitants, majoritairement jeune, aux ressources minières, forestières et hydrauliques abondantes, peut-il se soumettre à un système d’aide au développement ? depuis l’indépendance, alors qu’elle est le grenier du monde ? Axelle Kabou, dans les années 1990, posait l’hypothèse suivante : et si l’Afrique refusait le développement ? Elle affirme dans ses propos que « les Africains restent largement convaincus que leur destin doit être pris en charge par des étrangers », que « les prétentions civilisatrices de l’Occident ne s’arrêtent pas à l’indépendance ». Cette idée, défendue par l’auteur de Comment l’Afrique en est arrivée là ?, publié en 2014, fait allusion à un aveu d’impuissance et d’un complexe d’infériorité face à l’hégémonie occidentale et à son invasion culturelle, subtilement mis en œuvre à travers divers domaines de communication, de stratégie d’action. et le discours. C’est le processus d’influence à grande échelle adopté par l’Occident et qui a servi à attiser une posture de méfiance et de révolte parmi la jeunesse africaine. Qu’en est-il de l’écosystème socio-politique sénégalais et de ses évolutions ?

Des mouvements ou phénomènes sociaux marquent l’irruption massive des associations de jeunesse dans l’espace public sénégalais. Ces phénomènes, différents dans leur nature ainsi que dans leur mode d’action et leur finalité, s’inscrivent néanmoins dans un horizon commun : ils s’inscrivent dans une dynamique d’affirmation générationnelle et d’émergence d’une conscience citoyenne. Cette volonté, de la part des jeunes, de prendre en main par eux-mêmes leur destin, est le moteur de ces expériences diverses qui ont tout le sens de l’initiative, leur capacité créatrice et leur aptitude à constituer un rempart et une force de prise de conscience, résistance et combat. Ces mouvements se démarquent sans doute comme révélateurs d’une nouvelle perception citoyenne et militante, et comme des catalyseurs dont la rapidité de leurs actions a eu un impact salvateur majeur lors des bouleversements politiques qui ont émoussé les trois alternances démocratiques qu’a connu le Sénégal.

Cette forme de percée civique, souvent ponctuelle, voire cyclique, a été portée par différentes générations qui se sont révélées dans des séquences historiques selon les contextes de l’époque. Ce sont des mouvements militants dont la vitalité trouve sa Source dans un état d’esprit de patriotisme, de rupture et de rapprochement des organisations politiques. Cette émergence citoyenne et militante marque l’émergence d’une jeunesse souffrante, révulsée par l’image de dégradation de l’écosystème socio-politique et économique, parasitée par le fléau de la mauvaise gouvernance. En 2012 déjà, le mouvement Y’en a marre se révélait comme l’un des fers de lance de l’insurrection démocratique qui a conduit à la deuxième alternance de l’histoire politique du Sénégal. Selon le penseur Vigneron, ce sont ces « mouvements de contestation urbaine en Afrique de l’Ouest qui se sont développés sur la base de l’aggravation de la pauvreté infra-urbaine et de la rupture des solidarités traditionnelles ». Mais ce qui distingue avant tout l’action du groupe Y’en a marre, et qui en a fait le centre de gravité des forces vives à un moment charnière, c’est que la mobilisation est portée par un groupe de rappeurs qui, à travers leur musique, le talent, communiquent une énergie de résistance ayant conquis les masses populaires par ce que le philosophe Nietzsche appelle « la contagion des affects ». Le génie militant de Y’en a marre ne se résume pas seulement à convaincre à travers un discours contestataire, mais les acteurs ont aussi séduit avec une rhétorique qui illustre parfaitement un Nouveau type de Sénégalais (Nts) pour mettre en avant la responsabilité civique des Sénégalais, souvent versés dans le confort et leur laxisme légendaire..

Lors de l’achèvement de la deuxième alternance, réussie sous l’égide d’une initiative globale portée par la jeunesse en quête d’influence démocratique au Sénégal, les rêves de voir un nouveau modèle de gestion étatique se sont effondrés avec un régime qui s’est annoncé dans la rupture mais a pris fin. dans la continuité des mêmes us et coutumes d’un système de gouvernance étroit. Les compétitions politiques ont été transposées dans un environnement bouillonnant où le scénario observé émanait d’une volonté affirmée de réduire l’opposition à sa plus simple expression, de compartimenter une partie de la société civile et de briser les vannes qui garantissent l’équilibre démocratique. Cette réalité sociopolitique tangible a été le germe d’une nouvelle appropriation des questions politiques par une jeunesse consciente, mieux informée grâce aux formidables outils numériques.

Alors que la nature a horreur du vide et face à la répétition des défauts liés à la gouvernance du régime du président Sall, le champ politique a vu naître le parti politique Pastef (2014) dont le leadership est incarné par un nouveau modèle d’acteurs politiques, brandissant un un discours souverainiste, voire révolutionnaire, qui embrasse la fibre patriotique d’une large masse de jeunesse, probablement imprégnée d’idéaux progressistes et panafricains. C’est ce prototype d’un nouveau type de citoyen qui s’identifie au projet politico-social et à « l’idéal partéfien », que le très sulfureux journaliste Cheikh Yerim Seck appelle dans son célèbre livre polémique, « homo pastefensis » ; un terme caricatural perçu comme un jugement de valeur. D’autres jeunes dirigeants et militants politiques ont gagné la sympathie des jeunes car ils portent eux aussi un discours en phase avec leurs sentiments, dont la réponse semble généralisée dans les pays voisins en proie à l’impérialisme français et même occidental. S’agit-il du début d’une rupture définitive ou d’une réinvention sociale et politique ?

Troisième alternance démocratique intervenue au Sénégal en mars 2024 et ayant porté le tandem révolutionnaire Sonko-Diomaye à la fonction suprême, la volonté affichée de la nouvelle équipe dirigeante de procéder à une « rupture systémique » par rapport au mode de gouvernance de l’État affaires, mais aussi dans nos relations avec nos voisins et les grandes puissances étrangères, l’influence que peut avoir le nouveau régime sur le reste de l’Afrique nous en dira plus, dans les années à venir, sur l’avenir des pays africains en général, Les pays africains francophones en particulier

Ngor DIENG
Psychologue conseil
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El Hadji Farba Diop
Géographe
[email protected]

 
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