La dernière réforme des retraites sortira-t-elle indemne de l’ère Barnier ? – Libération

La dernière réforme des retraites sortira-t-elle indemne de l’ère Barnier ? – Libération
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Alors que le Premier ministre se dit ouvert à des « discussions » avec les syndicats, la CFDT a posé comme condition préalable la réforme pour être « suspendue ». Dans le même temps, les offensives pourraient se multiplier dans une Assemblée largement hostile à l'âge légal de 64 ans.

La réforme des retraites passera-t-elle cet automne ? Et si oui, dans quel état ? Les prochaines semaines seront décisives pour le texte qui a inscrit dans la loi l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans, et qui a été adopté par 49,3 en 2023 contre une mobilisation sociale massive. Bien sûr, le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, n'est pas favorable à un retour à 62 ans, bien au contraire : il a prôné un âge légal de départ à la retraite à 65 ans lorsqu'il a fait campagne pour l'investiture Les Républicains (LR) à l'élection présidentielle de 2022. Et si Emmanuel Macron l'a choisi, c'est notamment parce qu'il savait qu'il protégerait sa maudite réforme, que le chef de l'Etat ne veut voir détricoter en aucune façon.

Un certain nombre de réalités s'imposent toutefois au nouvel occupant de Matignon. La première, et la plus essentielle : avec les voix cumulées des 193 députés du Nouveau Front populaire (NFP) et des 126 du Rassemblement national (RN), deux forces politiques qui prônent un retour à 62 ans, l'Assemblée nationale peut théoriquement adopter une loi d'abrogation. « Je m’engage auprès des Français : d’ici la fin de l’année, d’une manière ou d’une autre, […] L'Assemblée aura abrogé la réforme des retraites”, a déclaré le président insoumis de la commission des finances de l'Assemblée, Eric Coquerel, sur France Info ce lundi matin.

« Respecter le cadre budgétaire »

Loin d'ignorer cette menace, le nouveau Premier ministre a tendu la main aux opposants à la réforme en déclarant vendredi soir sur TF1 qu'il souhaitait « ouvrir le débat sur l’amélioration de cette loi pour les personnes les plus vulnérables. » Une expression destinée en premier lieu aux millions de salariés en difficulté. De fait, les quelques efforts inclus dans ce domaine dans la loi de 2023 ont été singulièrement timides, puisqu'ils se sont limités à améliorer marginalement le compte de prévention professionnelle (C2P), qui permet, sous des conditions strictes, d'acquérir des points pour se reconvertir ou partir jusqu'à deux ans avant l'âge légal. Un Fonds d'investissement pour la prévention a également été ouvert en mars pour financer des actions dans les entreprises.

Michel Barnier veut avoir ces discussions « avec les partenaires sociaux », qui n’avait guère été écouté – du moins du côté des syndicats de salariés – lors de l’élaboration de la réforme de 2023. Mais il a insisté sur le fait que « respecter le cadre budgétaire », ce qui exclut automatiquement la possibilité d'un retour à l'âge légal de 64 ans, même si le système de retraite devrait toujours être déficitaire de 0,4% du PIB en 2030 malgré la réforme, selon le Conseil consultatif des retraites.

Mais cette manière même de cadrer les débats donne lieu à des débats : « Nous devons nous attaquer au problème qui fâche, à savoir celui des 64 ans », a répondu Marylise Léon, la secrétaire générale de la CFDT, sur France Inter deux jours plus tard. Et a posé dans le même temps un préalable : « Si nous disons que nous rouvrons les discussions, au moins nous suspendons la réforme. » Cela impliquerait que l’âge légal de départ à la retraite resterait gelé à 62 ans et demi pendant toute la durée des discussions, alors qu’il doit être porté à 62 ans et trois quarts au 1er janvier 2025. De même, le nombre de trimestres nécessaires pour partir en retraite à taux plein resterait gelé à 169 (42 ans et trois mois), au lieu d’être porté à 170. Il en résulterait mécaniquement une perte de recettes pour le régime.

Mobilisation des syndicats

Mais la proposition de Marylise Léon, syndicat en pointe de la mobilisation de 2023, ressemble aussi à une main tendue, le numéro 1 de la CFDT n'évoquant pas d'abrogation pure et simple. « La CFDT continue de militer pour le retour à la retraite à 62 ans » Elle l'a rappelé quelques jours avant la nomination de Michel Barnier. Dans un communiqué ce lundi, l'Unsa rappelle que telle est également sa position et ajoute que « Si une discussion s'ouvre, alors pour l'UNSA, tous les sujets doivent être abordés y compris le report de l'âge de départ à la retraite. » Après la nomination de Michel Barnier, mais avant son invitation à rouvrir les discussions, FO et la CGT ont réitéré leur volonté de'”abrogation” réforme des retraites. La revendication sera également au coeur d'une journée de mobilisation interprofessionnelle organisée par la CGT, la FSU et Solidaires mardi 1er octobre.

Mais le sort de la réforme va aussi se jouer, et peut-être surtout, sur un autre terrain que ces éventuelles discussions et mobilisations sociales. Le 31 octobre, le RN compte profiter de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour faire entendre sa voix. « le retour de l’âge légal de départ à la retraite à 62 ans et quarante-deux années de cotisation », Selon la cheffe de file de ses députés, Marine Le Pen. Rien n'indique cependant que le coup de grâce sera porté à cette occasion. Ce lundi, Eric Coquerel semblait exclure que le NFP vote en faveur du projet de loi du Front national : « Le Rassemblement national n'a pas été très avancé dans la lutte contre la réforme des retraites, alors leur faire ce cadeau, bonjour. » Il mise plutôt sur des projets de loi venant de la gauche et soumis au vote « autres niches » (insoumis, socialiste, communiste, liot ou écologiste) et des amendements au projet de loi de financement du futur de la sécurité sociale (PLFSS). « C’est la bataille que nous avons l’intention de mener », confie, côté CGT, le secrétaire confédéral en charge du dossier, Denis Gravouil. Selon lui, « la réforme peut être invalidée par un PLFSS, puisqu’elle a été adoptée par un PLFSS correctif. »

Projet de loi ou amendements, tout projet de retour à 62 ans fera l'objet d'une bataille acharnée à l'Assemblée concernant sa recevabilité. En avril 2023, la présidente de la chambre, Yaël Braun-Pivet, avait ainsi empêché l'examen d'une proposition de loi visant à abroger la réforme portée par le groupe Liot. Et en cas d'adoption, le Sénat, majoritairement à droite, constituerait alors un obstacle majeur dans la navette parlementaire. Mais le coup politique serait rude pour le camp macroniste et pour le gouvernement Barnier. Il servirait à rappeler à Emmanuel Macron qu'un an et demi après la promulgation de son texte, la page n'est en rien tournée.

 
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