Lancement d’une nouvelle banque pour ceux qui veulent paraître riches

Lancement d’une nouvelle banque pour ceux qui veulent paraître riches
Lancement
      d’une
      nouvelle
      banque
      pour
      ceux
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      veulent
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[AVIS D’EXPERT] Lancée cet été, la banque « Bourgeois Bohême » permet à ses clients d’afficher de manière unique leur patrimoine, ou un patrimoine qu’ils ne possèdent pas forcément. Décryptage avec notre expert Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseil Score Advisor.

La caractéristique des établissements bancaires qui ciblent les particuliers fortunés est de cultiver une grande discrétion. Rien de tel avec la néobanque lituanienne Bourgeois Bohême, créée par d'anciens salariés de banques privées européennes, qui vient de lever 6,5 millions d'euros cet été pour financer son développement.

Très unique dans son secteur, Bourgeois Bohême ne craint ni la communication tape-à-l’œil ni l’accumulation de clichés – sans grand discernement d’ailleurs, car vous ne trouverez guère sur le site de la néobanque l’affectation « bohème » censée caractériser les « bobos », terme pourtant utilisé pour nommer les (futurs) clients. Ici, on est dans le brillant, le tape-à-l’œil : une carte de crédit avec diamants est même offerte.

Sur le site, les offres, comme les visuels, sont tellement caricaturaux que la néobanque donne l’impression de s’adresser moins aux riches qu’à tous ceux qui aspirent à paraître tels et à vivre comme s’ils l’étaient. Elle promet la participation à des événements distingués, des relations sélectionnées et un accès prioritaire aux aéroports. Les vraiment riches ont-ils besoin de passer par leur banque pour obtenir cela ?

Des services « tape-à-l’œil »

Mais après tout, si aucun revenu minimum n’est réellement fixé, ce ciblage commercial est intéressant. Même si, jusqu’à présent, l’affichage ostentatoire « pour les riches » n’a jamais bien fonctionné dans le secteur bancaire ; HSBC en a notamment fait la décevante expérience en matière d’agences au Royaume-Uni (une agence qui, sur sa façade, invitait les clients « non Premier » à ne pas entrer et à se contenter d’utiliser les distributeurs automatiques situés à l’extérieur).

Le problème est plutôt qu’avec trois niveaux de services distincts et des tarifs relatifs allant de 50 euros par mois à… 40 000 euros par an, Bourgeois Bohême n’offre rien de distinctif et même sensiblement moins que les meilleures néobanques pour la gestion de compte, ou que les banques privées pour la « conciergerie bancaire ». En revanche, la néobanque ajoute au clinquant : objets de paiement connectés de tous types et sur-mesure, plafonds de paiement et de retrait gonflés (on peut retirer jusqu’à 450 000 euros en espèces par an aux distributeurs) et facilité de fixation de limites de dépenses sur les sous-comptes de son chauffeur et de ses « nounous ».

Le snobisme peut-il suffire à faire évoluer une banque ? Il sera intéressant de suivre le chemin de la Bohême bourgeoise. Et ne soyons pas trop durs pour l’instant, la néobanque n’en est qu’à ses débuts. Mais cet exemple est à notre sens particulièrement intéressant dans la mesure où il témoigne de l’épuisement des deux grandes orientations que les banques de détail ont – en vain – suivies ces dernières années.

Une passerelle pour les grandes marques de luxe

La première orientation vise à accompagner les clients dans leurs modes de vie, ce qu’on appelle « au-delà de la banque », dans lequel les banques ont vu une Source de diversification de leurs offres et qui ne fonctionne pas. Certes, aujourd’hui, les banques doivent insérer leurs produits au cœur d’une expérience client étendue aux étapes et aux modes de vie mais en se blottissant auprès de plus gros distributeurs ou de vendeurs spécialisés. L’époque où les banques contrôlaient toute leur chaîne de valeur, de la production à la distribution, est révolue. Les consommateurs n’attendent pas de leur banque qu’elle organise leur mode de vie. C’est pourquoi Bourgeois Bohême se veut davantage une marketplace, une porte d’entrée pour les grandes marques de luxe.

L’autre direction clé, véritable Graal de la banque de détail depuis plusieurs années, c’est la personnalisation de l’expérience client. Elle ne fonctionne pas mieux, même si elle doit être affublée de plusieurs couches d’IA, si elle consiste – comme c’est le plus souvent le cas – à essayer de faire correspondre profils clients et produits. Les banques ont toujours fait cela et cela ne suffit plus. Les fondateurs de Bourgeois Bohême en ont-ils fini avec cela ? Ils n’apportent pas la moindre innovation en termes d’accompagnement, de conseil, de bien-être financier mais proposent simplement d’aider leurs clients à afficher de manière unique et personnelle leur patrimoine, ou un patrimoine qu’ils n’ont pas forcément. Ceci avec une approche complètement décomplexée, dont le succès serait quelque peu désarmant en termes de stratégies bancaires.

Par Guillaume Almeras, fondateur du site de veille et de conseil Score Advisor

 
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