Le naufrage d'un amiral républicain

Le naufrage d'un amiral républicain
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François Darlan et le maréchal Pétain. Image extraite du documentaire « Darlan, le troisième homme de Vichy », de Jérôme Prieur. ECPAD

LCP – LUNDI 9 SEPTEMBRE À 20H30 – DOCUMENTAIRE

Ce n'est pas un hasard si ce documentaire consacré à François Darlan (1881-1942) est dédié à l'historien américain Robert Paxton. Ce dernier avait, dans son ouvrage Vichy France, 1940-1944 (Seuil, 1973), soulignait le rôle fondamental joué par l'amiral dans la politique de collaboration et de persécution des Juifs en France.

Dans la mémoire collective, Darlan reste une figure floue, reléguée dans l’ombre de Pétain et de Laval. Dans les images d’époque, l’amiral apparaît le plus souvent derrière le maréchal, comme effacé. Sa période de pleins pouvoirs comme vice-président du conseil des ministres n’a certes pas duré longtemps (de février 1941 à avril 1942). Mais durant ces quelques mois, celui qui se disait fondamentalement républicain avant la guerre allait faire basculer le régime de Vichy dans la collaboration la plus étroite avec l’Allemagne occupante.

Eclairé par une demi-douzaine d'historiens, enrichi d'archives filmées et sonores (permettant de découvrir la voix stridente de Darlan), ce documentaire de Jérôme Prieur dresse un portrait détaillé de ce personnage opportuniste et analyse, à travers lui, les méthodes de travail du gouvernement de Vichy, composé notamment de jeunes, et souvent brillants, technocrates.

Sale boulot

Né à Nérac (Lot-et-Garonne), fils d'un ancien garde des Sceaux de centre-gauche, François Darlan, amiral d'une marine française bénéficiant encore d'un certain prestige après la débâcle de 1940, entre d'emblée dans le gouvernement de Philippe Pétain, comme ministre de la Marine. Mais ce n'est qu'à la destitution de Pierre Laval, en décembre 1940, que cet homme impénétrable, calme et calculateur se voit conférer les pleins pouvoirs. Le maréchal a 84 ans, l'amiral, officiellement désigné comme son dauphin, 59.

En attendant son tour, il fait le sale boulot. Créateur du Commissariat général aux questions juives, partisan d'une étroite collaboration économique et militaire avec l'Allemagne, Darlan incarne le tournant répressif du régime. Anglophobe, inquiet du possible déclin de l'impérialisme français, il a une vision précise de ce que doit être la place de la France dans la future Europe allemande.

A la mi-mai 1941, le vice-président du conseil est reçu officiellement par Adolf Hitler à Berchtesgaden (Bavière). Quelques mois plus tard, on retrouvera ce même Darlan face au général Dwight D. Eisenhower à Alger, lors du débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord, en novembre 1942 ! Entre ces deux rencontres hautement symboliques, Darlan aurait été relevé de ses fonctions par Pétain, au début de l'année 1942.

Dans une lettre adressée au président Franklin D. Roosevelt, un amiral américain écrit : « Darlan est un véritable opportuniste. Dès qu'il aura reconnu avec précision le char du vainqueur, il montera dessus ! » Le 24 décembre 1942, Fernand Bonnier de La Chapelle, un royaliste de 20 ans, abat l'amiral à Alger. Deux jours plus tard, il est exécuté. Aujourd'hui encore, le mystère demeure sur les commanditaires de l'assassinat de Darlan : résistants, collaborateurs, services secrets britanniques ?

Darlan, le troisième homme de Vichydocumentary by Jérôme Prieur (Fr., 2021, 60 min).

Alain Constant

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