Dans les sous-sols de l’antiterrorisme, l’enfer des militants écologistes

Dans les sous-sols de l’antiterrorisme, l’enfer des militants écologistes
Dans les sous-sols de l’antiterrorisme, l’enfer des militants écologistes

Il est 6 heures du matin, en région parisienne, lundi 8 avril, lorsque Guillaume est réveillé par le bruit de “ coup de bélier »Alors “ l’énorme crash » Porte “ lapidé » d’un de ses voisins. Quelques minutes plus tard, il entend une seconde tentative d’effraction au domicile d’un autre de ses voisins. Après deux erreurs, l’équipe de la Brigade de Recherche et d’Intervention (BIS) arrive enfin devant son appartement. En ouvrant la porte, Guillaume se retrouve nez à nez avec un fusil d’assaut pointé dans sa direction.

“ Au sol, fais demi-tour », lui crient les agents cagoulés. En quelques secondes, le professeur se retrouve face contre terre, les deux mains menottées dans le dos. “ Ils commencent à se déchaîner », il dit. Coups de poing et de pied dans les côtes et le ventre. “ Allez, un dernier », lui aurait crié un agent de la brigade avant de lui donner un coup de gant dans la voûte plantaire. Sur le rapport médical établi au lendemain de sa garde à vue qui Reporterre consulté, le médecin a constaté plusieurs contusions au niveau des côtes et du visage.

“ Étourdi », Guillaume écoute les accusations : association de malfaiteurs, dégradations lors d’une réunion et enlèvement lors d’une action contre une centrale à béton Lafarge près de Rouen, le 10 décembre. Des militants ont envahi le site et vidé des sacs de pigment colorant béton et des barils de sable. Guillaume observe alors la perquisition de son appartement. Son téléphone est scellé et plusieurs photos sont prises. Des autocollants, des livres, des notes, un casque de skate, une écharpe. “ Chaque fois qu’ils trouvaient quelque chose, ils demandaient s’il s’agissait de matériel de manifestation. »il dit.

Profil typique du activiste écologiste radical »

Au même moment, près de Rouen, des policiers de la BIS s’introduisent soudainement dans une maison par erreur, en raison d’un changement d’adresse. France Bleu fait écho à “ traumatisme » de la famille qui en a payé le prix. Une équipe d’intervention du BIS finit par arriver chez Mathilde [*]. “ Des agents armés sont entrés dans la maison où se trouvaient mes deux enfants, âgés de 4 et 8 ans. J’avais l’impression d’être pris en otage »décrit-elle.

Là encore, ses appareils électroniques sont placés sous scellés, et les agents s’intéressent à tout élément qui pourrait “ corroborer le profil de l’écologiste radical qu’ils imaginent ». Une affiche sur l’affaire Tarnac (le sabotage des lignes ferroviaires TGV en 2008), un autre sur la zad de Notre-Dame-des-Landes, des livres du type Comment tout peut s’effondrer de Pablo Servigne et Raphaël Stevens, ou Vous ne dissolvez pas un soulèvement.

Embarqués dans une voiture, les yeux bandés, 8 des 17 interpellés ont été emmenés à grande vitesse vers les locaux de la Sous-Direction Antiterroriste (SDAT), à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Dirigez-vous vers le quatrième sous-sol. Après la fouille, ils sont placés devant un miroir incolore pour “ tapisserie ». “ On nous donne un numéro et on regarde droit devant, comme dans une série américaine », explique Mathilde. Ils sont dirigés vers leur cellule éclairée au néon, sous vidéosurveillance, en isolement complet. “ Je me sentais vraiment comme un terroriste », se souvient Guillaume, qui ne reverra le jour que dans la matinée du jeudi 11 avril, après 74 heures de garde à vue. Depuis sa cellule, il n’entend pas les slogans scandés par certains sympathisants devant les locaux du SDAT : “ Terroriste Lafarge, libérez nos camarades ! »

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Action de militants contre une cimenterie Lafarge à Saint-Herblain (Loire-Atlantique), le 11 décembre 2023.
© AFP / Loïc Venance

Les journées sont rythmées par les perquisitions, les repas et les entretiens avec l’officier de police judiciaire. La première est consacrée au profil personnel et politique des personnes placées en garde à vue. Ils sont interrogés pêle-mêle sur leurs connaissances “ les théories du désarmement ou la fresque climatique », “ d’Extinction Rebellion, Youth for Climate ou Earth Uprisings »sur leur avis concernant l’action menée contre l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air en 2022 (où plusieurs sabotages ont été menés) ou encore la politique gouvernementale en matière d’écologie.

Les auditions suivantes sont consacrées à leur implication supposée dans l’action du 10 décembre, sur le site Lafarge-Holcim à Val-de-Reuil, près de Rouen, ainsi qu’aux éléments recueillis au cours des quatre mois d’enquête et de perquisitions. . “ Ils avaient une photo de moi le jour d’un rassemblement contre la dissolution des soulèvements de la Terre. »rapporte Mathilde.

“ Effrayer toute une génération d’écologistes »

Jeudi 11 avril, neuf des personnes interpellées ont reçu une convocation au tribunal correctionnel d’Évreux pour le 27 juin. Jusque-là, cinq prévenus ont été placés sous contrôle judiciaire avec obligation de se présenter au commissariat toutes les deux semaines, et pour certains d’entre eux un interdiction de paraître dans l’Eure et de prendre contact.

“ Le recours aux moyens antiterroristes est une manière de marquer nos corps et nos esprits, pour effrayer toute une génération d’écologistes »résume Guillaume, qui compte faire un signalement à l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) et contactez le Défenseur des droits.

Mathilde fait partie des huit prévenus libérés sans suite. Après 60 heures “ épuisant et pénible » au sous-sol du SDATelle a été libérée dans la soirée du mercredi 10 avril. “ Ils m’ont relâché, menotté dans le dos et les yeux bandés, dans une rue de Paris, en pleine nuit, sans téléphone. J’avais un sac avec ma culotte dans lequel ils ont prisADN »dit la mère.

L’utilisation de ces moyens “ disproportionné » destiné à “ dissuader et intimider » les militants, selon son avocate, Aïnoha Pascual. “ Je pense que la vraie raison est que le ministère de l’Intérieur en fait une affaire personnelle et envoie ses services faire passer un message : toutes les actions de défense de l’écologie recevront en réponse ce système policier et judiciaire. » Aux yeux des militants interrogés, le message s’adresse sans doute aussi aux industriels : “ Polluez, vous êtes protégé ». “ C’est absurderéagit l’un d’eux. Les agents antiterroristes se mobilisent sur cette affaire qui concerne une entreprise, Lafarge, elle-même soupçonnée d’avoir soutenu des organisations terroristes. »

 
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