Au bord de l’étang de Cousseau, en Gironde, les buffles mettent leurs premiers sabots dans l’eau

jeIls surgissent en chancelant dans le rugissement d’un tracteur, leurs yeux vaguement inquiets flottant parfois au-dessus des flancs du camion à bestiaux. Pas gêné pour un sou malgré un long voyage de nuit depuis les fermes bretonnes où ils ont été acquis. “Il n’y a rien à craindre, c’est un animal paisible”, rassure François Sargos, le conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang de Cousseau, à Lacanau. Le décor girondin où ce groupe de huit buffles d’eau risque un sabot pour la première fois avant de fouler la molinie du pré et de s’amuser placidement dans le marais. Déjà à la maison.

Le débarquement de l’espèce est un événement ce vendredi 11 avril à midi. Le Médoc est la terra incognita pour le buffle d’eau, apparenté à l’espèce asiatique bien connue, voué aux travaux des rizières. Jusqu’à cette semaine, il n’était l’hôte d’aucun espace naturel en Nouvelle-Aquitaine. Dans la réserve nationale du marais d’Orx, au sud des Landes, une autre bête à cornes est abritée depuis près de trente ans, la vache Highland et ses mèches bobtail écossaises. A Cousseau, c’est une locale de la scène qui s’est installée depuis 1990, la vache marine landaise, rustique survivante de l’abattoir grâce à l’intervention miraculeuse du Conservatoire des races d’Aquitaine. Une trentaine de ces héritiers du passé de la région parcourent les six cents hectares de la réserve entre le marais de Talaris, les bords de l’étang et les dunes boisées qui, à l’ouest, tracent leur butte vers l’océan tout proche. .

Le bétail n’a pas été amené là pour être joli sur la carte postale. Ce sont des agents d’entretien. Ou, plus réjouissant, des « ingénieurs naturels » selon Xavier Chevillot, directeur de la Sepanso (Société pour l’étude, la protection et la mise en valeur de la nature du Sud-Ouest), l’association gestionnaire. Sur ce site étendu entre les lacs d’Hourtin et de Carcans, au nord, et celui de Lacanau, au sud, ils broutent les herbes, mariska, pousses ligneuses et autres maigres subsistances des landes et marais pour maintenir le milieu ouvert, en la forme d’un paysage relique de l’époque agropastorale des Landes de Gascogne. Nous parlons d’une époque qui a précédé le drainage des marais et la conquête du pin maritime.

En soutien aux vaches


Les premiers pas de la bétaillère, vendredi 11 avril à midi.

GUILLAUME BONNAUD / SO

Peu attachée au doux confort de l’écurie, la vache marine landaise est en plein air toute l’année et répond à ses besoins sans fourrage ni autre apport extérieur. De juillet à décembre, il broute les espaces ouverts, le museau au soleil et les sabots dans la neige fondante. Dès le début de l’hiver jusqu’aux repousses, il transhume à l’abri de la forêt dunaire où prospèrent chênes verts, pins maritimes centenaires et arbousiers. Elle se contente d’un bol de nourriture plutôt maigre. « Nous avons un troupeau d’une trentaine d’individus et nous ne pouvons pas pousser plus loin, car il n’y a pas assez de ressources dans la forêt, alors qu’il nous faudrait dix fois plus de vaches par beau temps pour entretenir le marais. Les buffles d’eau viendront compléter cela. Ils seront présents toute l’année dans les zones marécageuses et dans les landes et ils nous éviteront de devoir recourir à la fauche mécanique », explique Cyril Forchelet, chargé de mission scientifique à la réserve.

Le grand herbivore, qui mesure jusqu’à trois mètres de long et peut peser 450 kilos, est particulièrement adapté à sa mission en pension complète. Plus encore que les vaches marines, il fréquente le milieu aquatique et se prélasse des heures dans l’eau, la tête immergée. Il a le moral d’un hippopotame, bref, moins l’humeur morose et les charges furieuses. L’hiver sous nos latitudes ne lui fait pas peur, doté d’une bonne couche de gras sous son pelage noir.


Le Scarabaeus laticollis est friand de bouses de moutons et de bovins.

Holger Krisp/Wikipédia cc-BY

Pour l’instant, Sepanso parle prudemment d’une phase de test. Jusqu’à sa validation, il n’y aura pas de reproduction au sein du petit troupeau. Mais on ne décèle pas la moindre inquiétude chez les managers. La coexistence entre vaches marines et buffles d’eau ne devrait pas poser de problème. « Ce sont des espèces qui cohabitent sans se confronter, comme les vaches et les chevaux dans les estives », esquisse François Sargos.

Bientôt de nouveaux bousiers

D’ici quelques semaines, le bétail sera rejoint par des animaux beaucoup moins imposants : bousiers, Scarabaeus laticollis, insectes coprophages dont l’occupation principale consiste à rouler des boules d’excréments pour nourrir leurs larves. Court-circuit. Collecté près de Montpellier, où il est abondant, ce coléoptère a été relâché pour la première fois au printemps 2023 à Cousseau. Aidé par l’association Rewilding Europe, Sepanso réalisera une seconde opération le 7 mai prochain. En espérant que la bestiole se contente d’un environnement autrefois familier. Cette espèce particulière de bousier a disparu des Landes de Gascogne lorsque les troupeaux extensifs ont cédé la place à l’exploitation forestière.

Ces efforts simultanés visent à reconstituer un environnement aussi libre que possible de toute intervention humaine. Nous pouvons le croire. A deux pas d’un des hauts lieux du tourisme balnéaire girondin, la réserve du Cousseau offre un panorama quasi vierge de bâtiments et de bruits de moteurs. Bien loin du contexte dans lequel la réserve a été créée en 1976. Auparavant, on pratiquait le ski nautique sur l’étang. La chasse y était reine. Et le premier gardien qui y prit ses fonctions, Claude Feigné, se souvient qu’il se retrouvait parfois nez à nez avec des militaires qui y étaient stationnés pour les joies des entraînements commandos nocturnes…


Le buffle d’eau peut atteindre 1,70 m au garrot.

GUILLAUME BONNAUD / SO

La réserve Cousseau en pratique

La réserve est ouverte gratuitement toute l’année, du lever au coucher du soleil. L’accès est limité à un chemin piéton qui longe la route D6E1, liaison entre Lacanau-Océan et Carcans-Plage/Maubuisson. L’entrée dispose d’un parking pour vélos. Leur circulation est interdite en intérieur. Des tours d’observation offrent des vues imprenables sur le marais et l’étang. L’étang de Cousseau est un site d’hivernage majeur pour les grues cendrées, qui se comptent par milliers.

 
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