« La Mauritanie est un cas particulier qui doit être traité ainsi »

« La Mauritanie est un cas particulier qui doit être traité ainsi »
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Président de la Fédération africaine des études stratégiques, fondateur et président du Centre marocain des études stratégiques, le politologue Mohamed Benahmmou estime que la relation avec la Mauritanie doit être fondée sur le respect et le principe gagnant-gagnant. Nous ne devons ni sous-estimer ni surestimer le rôle régional de ce pays, a-t-il déclaré.

Plus que par le passé, la Mauritanie apparaît comme au centre du conflit entre le Maroc et l’Algérie. Comment expliquer ce regain d’intérêt pour Nouakchott ?
Il n’y a pas de regain d’intérêt ni de négligence. La Mauritanie a sa place dans la région et son rôle dans le contexte marqué par les tensions entre le Maroc et l’Algérie. C’est un pays qui de ce point de vue, limitrophe du Maroc et de l’Algérie, a son importance et son mot à dire. Nous devons, en tant qu’observateurs, y compris vous les journalistes, respecter ce voisin du sud et son intelligence.

Nous n’avons pas le droit de le sous-estimer ou de le surestimer. L’approche qui devrait régir les relations avec ce pays doit être empreinte de beaucoup de réalisme et de pragmatisme. Lors de l’inauguration du poste frontière entre l’Algérie et la Mauritanie pour une route qui n’existe toujours pas, certains analystes n’ont pas tardé à crier à la trahison de la Mauritanie, la considérant déjà attachée aux thèses algériennes. Ce qui n’est pas vrai. Loin de là.

Elle n’est pas non plus franche dans ses relations avec le Maroc…
Tout d’abord, permettez-moi de poursuivre mon raisonnement. Il reste un point que je dois souligner : il ne faut pas tomber dans le piège de se créer des ennemis à tout moment. Nous avons déjà un voisin à l’Est qui cherche par tous les moyens à nous nuire. SM le Roi, en décidant de réintégrer l’Union africaine en janvier 2017, l’a fait en étant conscient qu’il existe des pays qui reconnaissent la RASD et s’engagent dans des thèses séparatistes. Le Maroc s’est rapproché de ces pays dans son approche africaine. Résultat, depuis le retour du Maroc au sein de l’UA, plusieurs pays ont retiré ou gelé leur reconnaissance de la république chimérique.

De même, combien de pays ont ouvert des représentations diplomatiques au Sahara marocain. La Mauritanie est un cas particulier qu’il faut traiter de la manière suivante : limitrophe des deux grandes puissances du Maghreb, le Maroc et l’Algérie, elle possède également de longues frontières avec le Mali (plus de 2 200 kilomètres), donc des zones à risque. , je dis cela, pour vous expliquer les difficultés que rencontre ce pays à mieux gérer sa sécurité. Il a été victime d’opérations initiées par les groupes séparatistes du Polisario. Ces derniers sont présents en Mauritanie. Du coup, Nouakchott cherche avant tout à ne pas se laisser prendre entre Rabat et Alger.

Mais la Mauritanie a augmenté de manière incompréhensible les droits de douane sur les marchandises marocaines destinées au marché mauritanien. N’est-ce pas un geste hostile ?
J’ai lu dans votre magazine une interview d’un spécialiste mauritanien qui vous expliquait les raisons de cette augmentation. Ce qui ne doit pas s’expliquer uniquement par les considérations techniques et souveraines de la Mauritanie. Certains sont même allés jusqu’à parler de l’hostilité de la Mauritanie à l’égard du Maroc. Ce n’est pas ainsi. Lorsqu’il existe une production locale de certains légumes, les droits de douane à l’importation augmentent. C’est une règle pratiquée partout dans le monde et ce sont des décisions saisonnières.

Les réseaux sociaux ont joué un rôle qui aurait pu nuire aux relations entre les deux pays. Certains avaient écrit ou dit sur les réseaux sociaux ou dans certains sites d’information que l’ouverture du poste frontière algéro-mauritanien vise à contourner le Maroc et je ne sais quoi d’autre. Toutefois, le poste frontière en question n’est relié à aucune route. Lequel du côté algérien serait en construction.

Dans combien de temps sera-t-il terminé ? Personne ne sait. Et même si cette route est opérationnelle, que peut exporter l’Algérie vers la Mauritanie quand on sait que l’Algérie importe tout ce qu’elle consomme en dehors des hydrocarbures ? En revanche, la route Maroc-Mauritanie et le poste frontière d’El Guergarate sont devenus des centres névralgiques pour les deux pays. Il faut donc développer les relations bilatérales sur cet aspect. Et lorsque le port de Dakhla sera opérationnel, il constituera une plateforme qui servira à rapprocher les deux Etats.

Partagez-vous l’idée de certains observateurs selon laquelle la Mauritanie, par la force des choses, est devenue au centre de toutes les dynamiques régionales ?
La Mauritanie est ce qu’elle est. Elle a un rôle à jouer au niveau régional, elle peut être au centre de certains projets ou de certaines dynamiques. Mais il ne faut pas lui donner une position plus importante et ne pas s’attendre à ce qu’il prenne des positions claires sur certaines questions. Sa vulnérabilité joue un grand rôle dans sa logique de prudence.

Qu’entendez-vous par vulnérabilité ?
Le pays est fragile en termes de sécurité. Elle est frontalière, comme je l’ai dit, avec le Maroc et l’Algérie, qui sont en conflit. La Mauritanie doit donc entretenir les meilleures relations possibles avec les deux sans irriter l’un ou l’autre. D’ailleurs, consciente de cette situation, Nouakchott a noué des partenariats avec des pays ennemis pour pouvoir se préserver (les Emirats et l’Iran par exemple…).

Depuis sa création, la Mauritanie a toujours été dans une position inconfortable. Le Maroc est conscient des contraintes auxquelles est confrontée la Mauritanie. Il déploie sa politique envers ce pays en conséquence. Autrement dit, elle construit et consolide ses relations avec la Mauritanie en tenant compte de toutes ces contraintes. Le Maroc n’est pas naïf et la Mauritanie n’est pas non plus un pays intrinsèquement hostile.

Il faut saisir les opportunités de coopération bilatérale et ne pas trop s’attarder sur certains points négatifs. Les décisions souveraines de la Mauritanie doivent être respectées tant que ces décisions ne nuisent pas aux intérêts vitaux du Royaume, tant qu’elles ne touchent pas aux lignes rouges. Le reste, tout le reste peut être résolu par la négociation.

 
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