Stress et colère pour les infirmières recrutées à l’étranger

Stress et colère pour les infirmières recrutées à l’étranger
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Difficultés d’intégration, stress et anxiété, échecs. Un an et demi après l’arrivée des premières cohortes, le programme québécois visant à recruter 1 000 infirmières à l’international connaît des déboires, selon ce qui a été observé Le devoir.

Alors qu’environ 300 de ses étudiants ont réussi l’examen du College of Nursing Mardi – les résultats seront connus d’ici quelques mois -, 737 sont encore en formation ou sur le point de commencer et une cinquantaine ont échoué ou abandonné en cours de route, selon les données du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI).

Lancé à l’automne 2022, le programme, au coût de 65 millions, n’a pas seulement eu pour effet de rassembler des travailleurs partout dans la province : il a aussi généré beaucoup de stress et de déception chez ces futurs proches aidants de notre réseau, dont plusieurs qui disent avoir été « trompés » par Québec.

« Ce n’est pas du tout ce à quoi je m’attendais. Il y a beaucoup de non-dits », déplore Katia, une infirmière africaine toujours dans le programme qui souhaite garder son identité secrète pour ne pas nuire à ses chances. « Ce n’était pas facile du tout. »

Il y a environ un an, cette maman est arrivée seule dans une région du Québec avec quatre enfants, dont un bébé de quelques mois. L’agence humanitaire locale lui a trouvé un appartement, mais elle a dû le meubler, inscrire ses enfants à l’école et trouver une garderie pour son bébé. Tout cela dans les 10 jours précédant le début du cours. « C’est un programme intense. Il faut étudier, il faut s’occuper des enfants… Il y a beaucoup de paramètres à prendre en compte», dit-elle.

Une intervenante, qui reste anonyme pour ne pas nuire à son organisation d’aide aux immigrés, financée par le MIFI, a déclaré : Devoir avoir participé à un atelier avec des étudiants « au bord des larmes » et « très en colère ». « Ce que j’ai vu, c’est une véritable détresse psychologique. Pas seulement un choc culturel», a-t-elle confié.

La marche est trop haute, pense-t-elle. « Les étudiants pensaient venir se perfectionner. Mais ils se retrouvent à faire une technique de trois ans en à peine un an. Ils se sentent incompétents, trompés. »

Problèmes d’argent… et de logement

Mené par le MIFI, les ministères de la Santé et de l’Enseignement supérieur, le programme destiné aux infirmières qualifiées à l’extérieur du Canada paie notamment les équivalences, le coût de la formation allant de 9 à 12 mois, et offre une allocation de 500 $ par semaine aux participantes. recrutés en Afrique francophone. ” Ce n’est pas assez. Avec les 500 $, vous payez votre loyer et c’est tout », a déclaré Katia.

Nourriture, vêtements d’hiver, transport, garderie… Ces dépenses exercent une pression supplémentaire sur le portefeuille. Certains étudiants ont même eu recours aux banques alimentaires.

« Dans notre deuxième cohorte, à Amos, Ville-Marie et La Sarre, ils les ont tous utilisés », confirme Manon Richard, conseillère pédagogique au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue.

Les participants ont été accompagnés, avant et pendant leur séjour, par des agents d’accueil et d’intégration et des organismes partenaires locaux afin qu’ils soient sensibilisés aux enjeux du programme, précise le ministère. Des comités régionaux ont également été créés.

“Même si on les informe du coût de la vie, ça n’empêche pas que ce soit un énorme choc à leur arrivée”, explique M.moi Richard.

Comme ils sont autorisés à le faire un maximum de 20 heures par semaine, la quasi-totalité des étudiants — 860 sur 1 000, selon le ministère — ont travaillé les soirs et les fins de semaine comme préposées aux bénéficiaires pour joindre les deux bouts.

D’après M.moi Richard, le premier défi est la rareté et le coût exorbitant du logement. « Les familles arrivent en grand nombre. Ce n’est pas facile de trouver un appartement pour des familles de quatre, cinq ou six enfants. »

Mame Moussa Sy, directrice générale de la Maison Internationale de la Rive-Sud, ajoute que les propriétaires ne veulent pas louer leur logement à des personnes qui n’ont pas d’antécédents de crédit. “Certains disaient qu’ils ne voulaient pas louer à des gens originaires d’Afrique noire”, ajoute celui dont l’organisation a soutenu près de 40 candidats l’automne dernier.

« Une chose colossale »

Arrivée au Québec seule avec ses cinq enfants, Emelda Tabot faisait partie de la première cohorte du Cégep de Valleyfield, qui a débuté en janvier 2023. « C’était une chose colossale. S’adapter au climat, à tous les changements que nous vivons. C’était, disons… un défi», a expliqué le Camerounais, dans un entretien à Devoir.

Même si son installation s’est « très bien déroulée », c’est lors de sa formation qu’elle a connu les plus grands défis.

Premièrement, comme elle est plus à l’aise en anglais, étudier en français lui a donné du fil à retordre. L’autre défi de taille : devoir apprendre à grande vitesse beaucoup de nouvelles choses qui n’ont rien à voir avec les maladies tropicales soignées dans son hôpital rural. « On n’a pas ça, à la maison, des lits [mécaniques] qui montent lorsqu’on appuie sur un bouton. »

Malgré sa grande motivation, elle dit avoir vécu des moments de découragement. «C’était stressant. Je me suis parfois senti abandonné, mais mon coordinateur m’a dit : « Ne lâche pas, nous y sommes », dit M.moi Tabot, qui a fini par obtenir une bourse pour sa persévérance.

Le devoir obtenu un document compilant toutes les difficultés rencontrées et les solutions préconisées par les cégeps qui ont accueilli les premières cohortes. Les problèmes sont nombreux : difficulté organisationnelle, surcharge de travail, problèmes de gestion du stress, difficulté avec la technologie, retards.

Les cégeps ont réagi par une série de mesures. Ils ont notamment accordé plus de temps pour les examens, proposé des ateliers sur la gestion du stress et même embauché davantage d’enseignants. Cela ne semble pas suffisant. « Même s’ils ont de l’expérience dans leur pays, les étudiants sont très surpris. C’est un parcours trop exigeant pour eux», explique Philippe Beauchemin, agent de mobilisation en Haute-Gaspésie, me voilà !.

Il cite l’exemple d’un étudiant habitant sa région qui peine à tout concilier. « Lorsqu’il revient de sa journée d’étude au cégep, il aide sa conjointe avec les enfants et il se réveille la nuit pour étudier. Cet homme ne dort jamais. »

Peur de l’échec

Katia, pour sa part, se dit stressée par la possibilité d’échouer et d’être exclue du programme. C’est déjà arrivé à trois de ses camarades de classe. « Personnellement, je n’ai pas compris que c’était éliminatoire en cours de route, confie-t-elle. Si vous échouez, vous perdez vraiment tout. Si j’avais su, j’aurais assuré mes arrières. J’avais une carrière chez moi, un certain statut. »

Étant soumis aux règles relatives aux visas d’études, les participants doivent quitter le pays en cas d’échec ou d’abandon de la formation. À moins qu’ils obtiennent un contrat de travail avec un CISSS ou un CIUSSS pour être embauchés comme préposé aux bénéficiaires et qu’ils « fassent ensuite les démarches nécessaires dans le cadre du Programme des travailleurs étrangers temporaires », a indiqué le ministère de l’Immigration. Cela nécessite parfois d’attendre plusieurs mois sans revenus.

Pour Philippe Beauchemin, l’émission devrait revoir les perspectives d’échec. « Nous devons éliminer cette pression sur les étudiants », a-t-il déclaré. Comme ils sont financièrement précaires, cela les amène à travailler davantage et à étudier moins. Il y a quelque chose qui ne va pas. »

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