Entretien. Le Conseil constitutionnel, sauveur de la présidentielle

Entretien. Le Conseil constitutionnel, sauveur de la présidentielle
Entretien. Le Conseil constitutionnel, sauveur de la présidentielle

Entretien

Sept millions de Sénégalais sont appelés dimanche à choisir, entre le candidat au pouvoir et 17 concurrents, un nouveau président avec lequel tourner la page d’un affrontement politique sans fin. Le président Sall, qui avait suscité les éloges en renonçant à briguer un troisième mandat en 2023, a provoqué la surprise en décrétant le report de dernière minute de l’élection présidentielle le 3 février. Les manifestations qui ont suivi ont fait quatre morts.

Alioune Tine est un expert indépendant de l’ONU en matière de droits de l’homme, ancien directeur régional d’Amnesty International et fondateur du groupe de réflexion Afrikajom Center. Il revient sur cet épisode de tensions sociales et politiques.

Comment analysez-vous la crise politique ?

C’est une séquence historique : pour la première fois, le président sortant organise une élection à laquelle il n’est pas candidat et le leader le plus populaire de l’opposition, Ousmane Sonko, ne pourra pas y participer car il est exclu par une condamnation du le système de justice pénale. Cette crise est sans précédent en raison de la quête contrariée d’un troisième mandat de Macky Sall, qui ne s’attendait ni à une telle violence politique dans la résistance des Sénégalais ni à une pression aussi forte de la communauté internationale.

Cette séquence a révélé une forte polarisation de la société face à un régime qui n’a pas hésité à utiliser l’appareil d’État pour réprimer dans le sang (14 victimes en mars 2021, 29 en juin 2023 et 4 en février 2024) une résistance qui, il faut bien l’être, avoué, ne s’est pas déroulé sans violence. Toutes les normes de l’État de droit ont été transgressées. Cependant, face aux bouleversements qui secouent les pays du Sahel, la démocratie sénégalaise, bien que malade, s’est relevée là où d’autres se sont effondrées. La réputation du Sénégal de roseau démocratique qui plie et ne se brise pas est sauvée.

Quelles institutions lui ont permis de résister ?

Le Conseil constitutionnel peut être considéré comme le héros salvateur de l’élection présidentielle. En convoquant le corps électoral, puis en jugeant contraire à la Constitution le projet de loi reportant l’élection présidentielle au 15 décembre 2024, il a permis la poursuite du processus électoral et l’essor d’une démocratie qui commençait à douter d’elle-même. L’armée sénégalaise, républicaine et loyale, a également confirmé que le coup d’État militaire comme moyen de conquérir le pouvoir semble étranger à la culture de l’élite militaire sénégalaise.

Quels sont les enjeux de cette élection ?

Le premier concerne la reconstruction des institutions issues du colonialisme et qui s’essoufflent, notamment la justice et l’administration, qui donnent l’impression d’être un appendice du pouvoir. Les institutions doivent se rapprocher des préoccupations des citoyens : éducation, emploi des jeunes et des femmes. Le deuxième problème est celui des licences de pêche, qui suscitent beaucoup de suspicion en raison du manque de transparence et de la surexploitation des produits de la pêche. Tout cela contraste avec la misère des pêcheurs contraints de se tourner vers l’émigration dans des conditions qui mettent leur vie en danger.

 
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