l’équivalent d’une ville moyenne est au RSA dans le département, « en étant dans le déni, on entretient une cruelle réalité »

l’équivalent d’une ville moyenne est au RSA dans le département, « en étant dans le déni, on entretient une cruelle réalité »
l’équivalent d’une ville moyenne est au RSA dans le département, « en étant dans le déni, on entretient une cruelle réalité »

Dominique Sistach, sociologue et maître de conférences à l’Université de Perpignan, fait le point sur la pauvreté et la précarité dans les Pyrénées-Orientales et particulièrement à Perpignan. Et les résultats ne sont pas brillants.

« En étant dans le déni, on entretient une cruelle réalité », estime Dominique Sistach, sociologue et maître de conférences à l’université de Perpignan. Cette réalité est celle de la pauvreté et de la précarité, et des conséquences constatées et quantifiées sur les Pyrénées-Orientales, la ville centre Perpignan et ses habitants.

Les risques de rupture sociale et le paradoxe de Perpignan

En cinquante ans, entre 1970 et 2020, le département a vu sa population augmenter de 70 % : « On peut dire que les Pyrénées-Orientales sont constituées de migrants français de l’intérieur. Nous avons constaté en étudiant les cartes électorales qu’il y avait un nombre relativement important de personnes nées à Saint-Etienne.» Un constat qui a amené le sociologue à s’interroger sur ce phénomène, et à découvrir qu’il s’agit des enfants de personnes venues en vacances ici dans les années soixante-dix. “Ils se souviennent de leurs vacances et sont venus vivre ici, attirés par le beau temps”, note Dominique Sistach.

Sauf que cette « migration » s’effectue souvent à deux ou seul : “Et quand on n’a pas beaucoup d’argent, pas de famille, pas d’ami pour prêter un bout de canapé en cas de problème, on a beaucoup plus de risques de perdre pied”il déchiffre.

Dans les Pyrénées-Orientales, on retrouve l’équivalent d’une ville moyenne qui est au RSA, soit 23 173 selon les chiffres de 2019. 12% des allocataires Occitanie se trouvent dans les Pyrénées-Orientales.

à cela s’ajoute « le paradoxe de Perpignan ». Une ville socialement attractive, avec un cadre de vie agréable, mais qui souffre économiquement : « C’est une observation étrange. Il existe des quartiers où l’immobilier se vend à 800 € le m². C’est 40 fois moins cher que dans certains quartiers parisiens. Pour avoir une idée, c’est la différence qu’il peut y avoir entre Paris et Marrakech »note Dominique Sistach.

13 239 jeunes de 16 à 26 ans sous les radars

En sociologie, on les appelle NEET. Ce sont des jeunes qui ne sont ni salariés, ni étudiants, ni en formation. « Dans les Pyrénées-Orientales, ils sont 13 239. Ils représentent 28,4% des jeunes de 16 à 26 ans présents dans le département. On ne sait pas où ils sont, on ne les voit pas, ça nous inquiète. Où sont-elles? De quoi vivent-ils ? Travail au noir ? Avec leurs parents?”, demande Dominique Sistach. Au niveau national, cette part est d’environ 13%.

Sans-abri : une augmentation constante et significative

Au-delà des rapports de l’Insee ou du Secours populaire qui dressent de tristes bilans, Dominique Sistach s’appuie sur «sociologie visuelle. Il suffit d’observer autour de soi”. C’est notamment le cas pour comprendre la situation des personnes sans abri vivant actuellement à Perpignan. Le constat est catégorique : ils sont de plus en plus nombreux dans la capitale des Pyrénées-Orientales. « En tout cas, c’est une augmentation constante, +10 à +12 % chaque année. Et ces derniers temps, c’est une population qui devient plus jeune et plus féminine., souligne le sociologue. Une explication chantée par Aznavour : la pauvreté est moins douloureuse au soleil. Dominique Sistah apporte un addendum : le médicament est moins cher, « 20€ le gramme d’héroïne à Thuir ».

L’été dernier, avec un de ses élèves, Dominique Sistach a réalisé une observation dans la ville pour déterminer les trajectoires de ces personnes, et une cartographie des lieux qu’ils fréquentent : « Nous avons observé des gens mendier au feu rouge du cimetière Saint-Martin, ce qui n’était pas un lieu habituel jusque-là. Toujours dans cette zone, j’ai observé huit personnes, quatre de chaque côté, qui mendiaient. poignée à un feu rouge. En centre-ville, on peut également observer ce phénomène, cela se voit à l’œil nu.note-t-il encore.

Les effets de la hausse du coût de la vie pas encore connus

La sociologie est une science du recul et ces constats s’appuient sur les chiffres des années 2020-2021. « On observe à peine les effets du Covid », explique Dominique Sistach. Il est donc difficile de dire pour l’instant quelles conséquences auront sur les Catalans l’augmentation des coûts énergétiques et alimentaires. Mais les résultats ne seront certainement pas brillants : « On a déjà une idée, puisque les épiceries sociales, qui proposent des courses à prix réduit, voire gratuites, inscrivent 10 à 15 % de personnes qu’ils n’avaient jamais vues ».

Quels sont les futurs perspectives?

D’ici 2045-2050, le département risque de perdre en attractivité. La population vieillit, plus de morts que de naissances dans les Pyrénées-Orientales, même si pour l’instant, de nouveaux arrivants compensent ce solde naturel négatif. Sauf que les Pyrénées-Orientales sont confrontées à de nombreux risques, notamment naturels : « Si nous continuons à durcir la situation de l’eau, cela aura un impact encore plus important sur l’agriculture, mais aussi sur le tourisme », souligne Dominique Sistach. Avec les conséquences que ces enjeux auront sur l’économie. On ne peut cependant pas exclure une amélioration : «Peut-être que l’Etat dira ‘stop à la pauvreté dans les P.-O.’, ou qu’un investisseur privé arrivera. Mais il faut que le département soit attractif autrement que par le tourisme de masse.»

Les Pyrénées-Orientales, et Perpignan en particulier, n’ont jamais fait l’objet d’études à ce point : « Nicolas Marty et Nicolas Lebourg, historiens, David Giban, géographe, moi-même, nous travaillons ensemble, nous parvenons à documenter efficacement la ville, et nous en savons de plus en plus sur la pauvreté à Perpignan. Mais nous relativisons nos opinions. nos propres résultats, nous n’avons aucune certitude et ne sommes pas là pour lire l’avenir.

 
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