Faire un film
États-Unis, 1995
Titre original : Faire des Films
Auteur : Sidney Lumet
Traduction : Charles Villalon
Éditeur : Capricci
279 pages
Genre : Manuel professionnel
Date de publication : 6 octobre 2016
Format : 122 mm X 190 mm
Prix : 19 €
3,5/5
Même si « Making a Film » a été écrit il y a près de trente ans, avec une traduction française assez tardive en 2016, le livre de Sidney Lumet garde toute sa pertinence dans le paysage cinématographique actuel. La révolution numérique et l’arrivée des plateformes en ligne ont peut-être eu lieu, mais le processus de réalisation d’un film n’a pas vraiment évolué de fond en comble depuis la période d’activité du réalisateur.Un après-midi de chien.
Plus que jamais, il s’agit d’un effort collectif, dans lequel la solidarité des collaborateurs est aussi importante que l’assurance du réalisateur de savoir ce qu’il souhaite exprimer à travers son long métrage. Cette tâche colossale, du choix du scénario à celui de la stratégie publicitaire, y est détaillée avec un pragmatisme louable, ainsi qu’à travers un nombre important d’exemples, tirés directement et sans filtre de l’illustre filmographie de Sidney Lumet.
Plutôt que de se mettre en avant, avec ses succès indéniables comme Réseau Haut la main sur la télé ou Le verdictl’auteur préfère laisser parler sa passion pour le cinéma et sa détermination infatigable, afin de livrer le meilleur film possible au producteur. A l’image de son discours de remerciement à l’occasion de la remise en 2005 d’un Oscar d’honneur, également tardif, Lumet fait ici preuve d’une certaine modestie et de la sagesse nécessaire pour pouvoir admettre des erreurs sporadiques. tout au long d’une carrière mouvementée.
Mais ce n’est pas vraiment l’auto-évaluation de son œuvre qui importe ici, mais l’explication très instructive des treize grandes étapes qui conduisent à la sortie en salles de tout film. Cette routine étalée sur plusieurs mois de production, le cinéaste la maîtrise comme sa poche. Tout en sachant pertinemment que chaque tournage est différent et que la recette du succès n’appartient à personne, pas même aux géants hollywoodiens d’hier (Walt Disney) et d’aujourd’hui (Steven Spielberg).
Synopsis : Les aspects de la création cinématographique sont multiples. Du choix du scénario et de ses grands thèmes aux fiches d’enquête remises aux spectateurs lors des séances tests, en passant par le casting, les répétitions, l’élaboration des décors et des costumes, le tournage, le montage et la conception de la bande originale y compris la musique, les opportunités sont nombreuses pour faire le mauvais choix et ainsi torpiller le produit final. Fort d’une longue expérience hollywoodienne, le réalisateur américain Sidney Lumet (1924-2011) livre un regard saisissant sur les coulisses du cinéma.
Un chef d’orchestre passionné et passionnant
Le plus adroit et le plus conciliant des collaborateurs : c’est ainsi que Sidney Lumet semble se définir à travers « Making a Film », résolument situé au centre de la tempête créatrice qu’est la production d’un film de cinéma. Son objectif, en tant que capitaine du navire cinématographique, est que tout le monde avance ensemble pour réaliser le même film. Ainsi, la majorité des membres de son équipe reçoivent des éloges au fil des pages. Avec une mention spéciale pour le directeur photo affecté à ses premiers films Boris Kaufman, le compositeur qu’il a initié au cinéma Quincy Jones ou encore le coloriste. En revanche, il existe trois catégories de personnes envers lesquelles le réalisateur fait preuve de mépris à plusieurs reprises : les chauffeurs, les maquilleurs/coiffeurs des stars et les sondeurs d’opinion au moment fatidique des séances tests.
Par ailleurs, sa focalisation acharnée sur le côté commercial du cinéma, qui occupe la dernière partie du livre, basée sur des explications assez techniques mais pas trop fastidieuses sur le mixage, suggère une certaine amertume, là où prévalait auparavant un amour communicatif du Septième. art.
En effet, tout bien considéré, Sidney Lumet est parfaitement conscient de la place qu’il occupe dans l’histoire du cinéma. Il s’attarde sur des films qui lui tiennent à cœur et qui ont à peine rencontré leur public, au point de tomber dans l’oubli, comme son adaptation d’Eugene O’Neill. Long voyage dans la nuit avec Katharine Hepburn ou Daniel avec Timothy Hutton, dont la réputation s’est quelque peu rétablie grâce à sa sortie sur les écrans français l’année dernière. Dans le même -, ses propos restent plutôt parcimonieux face à des échecs incontestables comme Les yeux de Satan.
Cependant, le but de cet ouvrage passionnant n’est pas de faire le tri entre les bons et les mauvais films de Sidney Lumet, mais d’améliorer considérablement la compréhension, tant chez les futurs professionnels du cinéma que chez les spectateurs. philistins, de ce que cela implique de s’atteler à la tâche de réaliser un film, par ailleurs à l’issue incertaine.
Chaque détail compte
L’auteur indique d’emblée que « Making a Film » n’est pas du tout une autobiographie cachée, truffée de détails salaces sur la vie privée de Sidney Lumet et de règlements de comptes avec des acteurs trop capricieux ou des techniciens incompétents. Dès lors, on n’y trouvera plus rien, absolument rien des débuts du réalisateur à la télévision dans les années 1950, avant de faire son entrée fracassante dans l’arène cinématographique avec 12 hommes en colère en 1958.
Cependant, l’ouvrage, qui jouit visiblement d’une popularité durable puisque celui que nous avons emprunté à notre bibliothèque municipale en était à sa septième édition, à peine cinq ans après sa sortie dans les librairies françaises, n’hésite pas à relativiser les méthodes de travail de Lumet par rapport à ce qui a été fait auparavant. Ces brèves leçons d’histoire, ne dépassant jamais une ou deux pages, attestent – s’il en était encore besoin – de la lucidité sans faille de l’auteur.
Quel bilan peut-on alors tirer de cet ouvrage de référence, très simple à lire et sublimement instructif, malgré quelques fautes de frappe et le nom de Sydney Pollack, rayé ici comme un peu partout ? Que l’immense chance de Sidney Lumet, capable de mener une carrière riche de quarante-trois longs métrages, dont certains sont passés à juste titre à la postérité, se répercute plus souvent sur nous, spectateurs parfois trop capricieux pour reconnaître l’ampleur du travail que nous avons accompli. avoir le privilège de consommer sur grand écran.
Alors que chaque étape de la production cinématographique s’apparente à une lutte acharnée pour défendre l’intégrité de l’œuvre et les intentions du réalisateur, il serait peut-être préférable d’être un peu moins condescendant envers les films qui ne sont pas entièrement réussis. Sauf que Lumet, lors de sa tirade finale, est le premier à reconnaître que les films de qualité sont l’affaire d’une minorité, toujours en proie à la corruption par le déluge de films médiocres.
Conclusion
La qualité très variable des films de Sidney Lumet, véritable touche-à-tout qui alternait presque systématiquement entre œuvres magistrales et échecs inexplicables, aurait pu laisser croire que le réalisateur ne savait pas trop ce qu’il faisait pendant le semestre. -année. siècle que dura son illustre carrière. « Making a Film » réfute cette hypothèse avec une fermeté assez appréciable. Au contraire, les explications du réalisateur, aussi révélatrices que divertissantes, ne font qu’accroître notre admiration pour les hommes et les femmes qui osent s’abandonner corps et âme aux sables mouvants de l’industrie cinématographique en général, et pour Sidney Lumet en particulier !