Cette (bonne) idée posée, Harlan Coben doit l’étoffer et c’est là que le problème surgit rapidement. Pour tromper son lecteur – et il y parvient malgré lui – il sème des indices et multiplie les fausses pistes et personnages. À tel point qu’on se retrouve rapidement noyé dans un océan de patronymes dont il est difficile de comprendre les liens. C’est volontaire, bien entendu, puisque la difficulté pour les enquêteurs est de reconstituer ce puzzle macabre. Parce que les cadavres s’entassent…
Harlan Coben : « Je n’aime pas l’idée du bien et du mal, du noir et du blanc »
L’autre bonne idée de l’écrivain est d’impliquer son public dans la construction des meurtres, minutieusement préparés par son tueur en série. Ce dernier, à la première personne, raconte son mode opératoire, ses lieux puis son acte. Glaçant, mais efficace.
Hélas !, on y revient, à force de tout compliquer, Harlan Coben finit par agacer. Les relations amoureuses de Myron – qui a donné naissance à un enfant de son ex-partenaire devenue l’épouse de Greg-la-fausse-mort –, les amantes supposées de ce même Greg, les mères en deuil des amants supposés… Bref, on s’y perd et le plaisir de lire diminue à chaque nouveau faux rebondissement. A tel point qu’à mi-chemin du livre, plutôt que de se réjouir qu’il y ait encore autant de pages que l’on a déjà lu, on commence à se demander par quelle pirouette l’écrivain va échapper au piège qu’il s’est lui-même créé.
Malgré le mur qui se rapproche vers lequel semble se diriger l’humanité hyperconnectée, Henri Loevenbruck garde espoir
Tout ça pour ça
Et là, nouvelle déception : alors que tout semble insoluble – même si, comme nous l’avons dit, avoir un ami milliardaire propriétaire d’un jet privé permet de se sortir de bien des situations – tout s’éclaire en l’espace de quelques chapitres et, en Le cerveau de Myron, tous les rouages s’emboîtent parfaitement. Le lecteur se dit « tout ça pour ça ? ». On s’attendait à une vraie surprise, à un rebondissement magistral et, finalement, il a fallu se contenter d’un énième psychopathe dont les motivations ne sont jamais expliquées.
Michel Bussi : « Napoléon a réprimé dans le sang les révoltes d’esclaves en Guadeloupe »
Les premiers fans de l’écrivain américain ne boudront sans doute pas le plaisir de retrouver Myron Bolitar, héros récurrent dès le début (sa première apparition remonte à 1995 dans Rupture de contratpublié aux Éditions Fleuve Noir), les lecteurs un peu plus exigeants regretteront une intrigue mal ficelée et quelque peu bâclée. Très occupé par les adaptations de ses livres par la plateforme Netflix, le maître du suspense aurait-il oublié de penser littérature avant de penser séries ?
⇒ Méfiez-vous | Thriller | Harlan Coben | Belfond, 384 pp., €23, digital €16