Jil Sander. Un minimalisme résolu, un credo indéfectible. Un désaveu publicitaire, un défi aux tendances. Autant de convictions qui, depuis les années 1960, constituent les fondements de la marque allemande. Ce 3 décembre, Prestel publie un nouveau livre offrant un accès intimiste et inédit à l’histoire de Jil Sander, conçu en étroite collaboration avec la créatrice elle-même.
«Depuis mes débuts en tant que rédactrice d’un magazine de mode jusqu’à la création de mes premières collections, j’ai eu l’opportunité de laisser derrière moi ce qui était devenu insignifiant et sans intérêt et, ce faisant, d’ouvrir de nouveaux espaces de possibles». C’est en ces termes que Jil Sander aborde la préface de l’épais livre qui retrace désormais son parcours. Publié chez Prestel en fin d’année, Jil Sander par Jil Sander n’est ni une biographie ni un livre d’images, c’est un rétrospective complète.
Conçu par Irma Bloom, une créatrice de livres néerlandaise dont les œuvres font partie, entre autres, des collections du MoMA et du Centre Pompidou, avec des textes de la journaliste allemande Ingeborg Harms, ce nouveau livre de 360 pages revient sur Identité de Jil Sander. A travers ses propres yeux, ses propres mots, mais aussi à travers des images d’archives captées en coulisses, captées dans les salles de réunion et immortalisées sur les podiums, c’est toute l’idéologie du créateur qui se révèle, à cœur ouvert.
Jil Sander, chic minimaliste
Qui savait qu’avant de défiler, les mannequins de Jil Sander avaient pour consigne d’adopter une posture détendue et confiante, mais dénuée de tout drame ? “Pas de hanches”» a chuchoté la créatrice allemande à ses modèles, avant d’ajouter à l’entrée des coulisses “Pense à ta mère”. Pas de balancement, mais une foulée droite et sobre, qui laisse la charge dynamique aux vêtements et qui, au fil des années, deviendra une signature. Des anecdotes comme celle-ci, Jil Sander par Jil Sander plein d’eux.
L’ADN de la marque créée dans les années 60 est ici décortiqué et placé à la loupe, celle des experts de la mode. Cette créatrice qui dit être née avec une chemise blanche et pour qui l’opulence est avant tout une question de coupe et de textiles de qualité raconte par exemple comment, au contact d’un tissu, elle imagine immédiatement ses créations, une paume rugueuse donc, après de longues foires aux tissus. En fouillant dans les archives, Irma Bloom, Ingeborg Harms et Jil Sander elle-même établissent ce qui (a) fait la marque, aujourd’hui piloté par Lucie et Luke Meierce que c’est.
Une élégance presque monacale, un travail de légèreté qui rivalise avec les plumages ornithologiques, une dualité entre lumière et ombredans l’idéologie de Jil Sander règnent ce qu’on appelle la facilité et l’apparente simplicité. Ses collaborations avec Uniqlo, sa ligne de beauté, la mise en scène de sa propre image dans les campagnes publicitaires dont elle refuse les lois sédentaires, l’utilisation du bleu Klein en contraste avec la peau nue, la pureté, le mouvement de ses défilés à Hambourg après seulement trois saisons à Paris et toujours, ce minimalisme invincible à l’épreuve de tout, Jil Sander est enfin raconté par Jil Sander.