« Le magazine Schnock, les gens l’ont pris pour une blague »

« Le magazine Schnock, les gens l’ont pris pour une blague »
« Le magazine Schnock, les gens l’ont pris pour une blague »

Paris Match. Comment vous est venue l’idée de ce magazine ?Alister. Il y a 13 ans, j’étais en terrasse avec un journaliste, j’étais chanteur. On s’ennuyait un peu dans nos disciplines respectives et on parlait de l’état de la presse culturelle en France à l’époque. Nous avons constaté que les médias culturels parisiens n’étaient pas à la hauteur. Parallèlement paraît le magazine XXI, un nouveau format, le mook (critique à la croisée du magazine et du livre Note de l’éditeur) comme on disait à l’époque. On a combiné les deux et on a créé Schnock. L’idée était de parler d’artistes français qu’on considérait comme sous-estimés. On pensait à Jean-Pierre Marielle, Jean Yanne, Pierre Richard… Donc, ils étaient dans les premiers numéros qu’on a publiés. Après, il a fallu élargir, évidemment, parce que ça a marché tout de suite. On était tous un peu décontenancés et il a fallu nourrir la bête.

La couverture et le titre tape-à-l’œil peuvent laisser penser qu’il s’agit d’un magazine 100 % humoristique, mais en réalité, il est beaucoup plus profond et diversifié. Est-ce l’une de vos préoccupations ?
C’était un des défis, mais cela reflète notre personnalité, la mienne en particulier. Nous présentons une forme ironique mais derrière elle, en revanche, ça marche. Nous voulions un objet créatif qui ne relève pas du conformisme médiatique habituel de la presse française. Au début, on cherchait des photos pour la couverture mais Erwann Terrier nous a proposé un dessin. Et il a fait les 51 numéros. Puis est venu le titre, qui est une sorte d’insulte anodine. Tout ça faisait un truc léger, mais à l’intérieur, ça ne pouvait pas être une blague. Ce n’est pas un magazine littéraire traditionnel. Dès le début, on a essayé de contacter Alain Delon, par exemple, qui à l’époque était déjà entouré d’une armada de conseillers, d’avocats et de managers. Il y avait une barrière de fer et, rien qu’en se présentant comme le magazine Schnock, les gens prenaient ça pour une blague. On a un peu les mêmes problèmes avec les « divas » (Il rit). Ça peut faire peur, mais à chaque fois, on répète qu’on ne va pas se moquer d’elles et qu’il suffit de nous lire pour comprendre.

Je peux vivre pleinement de l’activité de Schnock sans avoir à vivre à Monte-Carlo.

Alister

Y avait-il vraiment une volonté de s’éloigner de la culture de Saint-Germain-des-Prés pour toucher un public moins urbain ?
Oui, par exemple Pierre Richard avait des millions de billets à l’époque et pourtant d’un point de vue culturel, littéraire et même journalistique il n’a jamais été considéré à sa juste valeur. J’ai toujours pensé que derrière le clown qui se cogne aux portes et tombe par terre, il y avait bien plus. C’est un type intéressant, il suffit de gratter un peu pour s’en rendre compte. On ramène l’art populaire à Saint-Germain-des-Prés, la preuve Schnock est au kiosque des Deux Magots
(Il rit).

Le reste après cette annonce

Pouvez-vous dire aujourd’hui que votre magazine est viable ?
Nous sommes à environ 10 000 exemplaires par numéro, ce qui signifie que nous avons une base de fans de 10 000 personnes. Quand ça ne marche pas, c’est 6 000 et quand ça marche très bien, c’est 15 000.
En revanche, je ne me lance jamais dans des thèmes trop inconsidérés et peu rassembleurs. Aujourd’hui, je peux vivre pleinement de l’activité de Schnock sans vivre à Monte-Carlo.

Nos lecteurs nous demandent de couvrir Dorothée, Garcimore, Bernard Blier…

Alister

Pourquoi avoir choisi Françoise Sagan comme premier personnage littéraire ?
Je ne suis pas un grand fan et j’ai toujours été assez critique à l’égard de sa littérature. Mais j’ai écrit un livre sur les dandys il y a six ans, dont elle faisait partie. Sagan, c’est intéressant, parce que la vague féministe, qu’elle soit radicale ou bourgeoise, s’est infiltrée partout. Sagan est aujourd’hui rétablie car elle était indépendante, bisexuelle, snackeuse, buveuse, cocaïnomane, joueuse, passionnée de voitures… Elle a ce côté-là. encore une fois, complet et toujours chic. En l’occurrence, dans ce numéro je suis bien entourée, je ne me lance pas dans des sujets qui me sont trop étrangers, j’ai demandé à une vraie spécialiste Sophie Delassein de m’épauler.

Avez-vous des retours de vos lecteurs ?
La plupart du temps, nous recevons des lettres manuscrites. Le seul reproche concerne la taille de la police, certains souhaiteraient qu’elle soit écrite plus grande, c’est à peu près la seule chose. Et l’autre remarque, ce sont les suggestions « tu dois faire ceci ou cela, que tu soignes Dorothée, Garcimore, Bernard Blier… ».

Le prochain numéro sera une énième expérience avec un homme politique.

Alister

Comment avez-vous réussi à trouver un éditeur qui vous suive dans cette idée folle ?
Nous avons essayé tous les grands éditeurs comme Robert Laffont, Gallimard… mais à chaque fois nous n’avons pas eu une liberté totale. Avec des suggestions qui ne nous plaisaient pas, en imposant telle ou telle chose, tel ou tel rédacteur en chef. C’est la maison d’édition La Tengo, qui n’avait pas encore grand chose à son catalogue, hormis les thrillers rock’n’roll, qui a eu l’audace de sa jeunesse et nous a donné carte blanche. Chez Schnock, il n’y a pas de publicité à l’intérieur, pas d’affiches, pas de promotion. C’est aussi une des raisons pour lesquelles le projet est économiquement viable depuis treize ans, c’est parce que les gars n’ont pas perdu leur sang-froid et n’ont pas fait des investissements fous.

Un mot sur le prochain numéro ?
Je peux vous donner un indice : le prochain numéro sera aussi une nouvelle expérience avec un homme politique. Maintenant, c’est à vos lecteurs de deviner. Je ne sais pas ce qui se passera dans quelques jours, mais ce sera le numéro de septembre, donc on verra ce qui se passera en France d’ici là. Mais il y aura un homme politique et il n’y en a pas dix de la stature de De Gaulle, Chirac, Mitterrand ou Giscard. Surprise !

 
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