Mater Dolorosa de Jurica Pavičić

Chaque semaine, nous vous invitons à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.

Après les romans marquants Eau rouge et La femme au deuxième étagepuis le recueil de nouvelles Le collectionneur de serpents, Mater Dolorosale quatrième livre traduit en par le Croate Jurica Pavičić, sorti en septembre, confirme le talent de cet écrivain qui, à travers le genre du roman noir, revient sur les cicatrices et les traumatismes que porte son pays. Split, 2022, alors que la saison touristique est terminée et que la ville retourne à la torpeur, le corps d’une jeune fille de dix-sept ans est retrouvé dans une usine désaffectée. Victorija, fille d’un notable local, a été assassinée.

Jurica Pavicic © Duje Klaric

Zvone, un jeune policier consciencieux et sans aspérité apparente, et son supérieur Tomas, qui a déjà officié à l’époque de la Yougoslavie, mèneront l’enquête. Une enquête dans laquelle sera impliquée Inès, vingt-six ans, réceptionniste dans un hôtel dont le propriétaire est son amant. Katja, mère d’Inès et femme de ménage à temps partiel dans une clinique, aimerait être embauchée à l’hôtel, ne pouvant pas compter sur son fils Mario, aussi oisif que paresseux.

Crime et châtiment

On croise encore d’autres destins abîmés dans Mater Dolorosa – notamment le père de Zvone, vétéran de 1991 à 1994, survivant grâce à une pension d’invalidité, mais aussi épouse trompée bien décidée à se venger ou coupable idéale ayant une liaison avec un drogué – qui distille, loin des clichés touristiques attachés à l’Adriatique , une désolation d’une zone commerciale abandonnée. Corruption, insécurité, misère morale, drogue sont ici le quotidien d’une humanité délaissée.

Si le roman de Jurica Pavičić contient son lot de suspense et de rebondissements, ce n’est pas autour de l’identité de l’assassin, révélée assez rapidement, mais plutôt sur la manière dont l’auteur du crime échappera ou non à sa punition. Il y a de forts accents dostoïevskiens dans ces pages servis par un style épuré et puissamment évocateur. Que sommes-nous prêts à faire pour dissimuler nos propres crimes et les exonérer de leurs responsabilités ? Dans un pays comme la Croatie, qui a obtenu son indépendance après des guerres cruelles contre ses voisins serbes et bosniaques, la question n’est pas innocente.

Christian Authier

> Un livre pour le week-end



Mater Dolorosa • Agullo

 
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