[Critique] Les Guerriers de l’Hiver, Olivier Norek

[Critique] Les Guerriers de l’Hiver, Olivier Norek
[Critique] Les Guerriers de l’Hiver, Olivier Norek

Caractéristiques

  • Titre : Guerriers de l’hiver
  • Auteur : Olivier Norek
  • Éditeur : Michel Lafon
  • Date de sortie en librairie : 29 août 2024
  • Format numérique disponible : oui
  • Nom des pages : 448
  • Prix : 21,95 €
  • Acheter : Cliquez ici
  • Note : 8/10 par 1 critique

Loin du sien Trilogie 93 et son genre favori, le thriller, Olivier Norek nous invite cette année dans un pays lointain, à la fois géographique et temporel, et nous propose son tout premier roman historique, Guerriers de l’hiverpublié aux éditions Michel Lafon.

Au cœur de la Guerre d’Hiver

Ce tout nouveau roman nous entraîne dans l’univers figé de la Guerre d’Hiver, commençant le 30 novembre 1939 et se terminant quelques mois plus tard, en mars 1940. Ce conflit opposait la Finlande, alors toute jeune nation, à l’Union Soviétique qui reste assez méconnue. , malgré son importance stratégique considérable à la lumière de la Seconde Guerre mondiale, et sa résonance particulière dans le contexte actuel de guerre russo-ukrainienne. Olivier Norek raconte cette partie négligée de l’histoire, avec minutie et rigueur, en s’intéressant notamment au sort de Simo Häyhä, tireur d’élite finlandais devenu héros national, et surnommé « la Mort Blanche » pour ses dons de tireur d’élite hors du commun.

Tel un enquêteur de terrain, l’auteur est resté plus de 100 jours en Finlande durant l’hiver, pour tenter de comprendre les conditions de vie de ces soldats, et force est de constater que son travail minutieux et exhaustif est époustouflant. Le roman développe la guerre sous tous ses aspects : la stratégie militaire, les armes utilisées, le choix vestimentaire… Tout nous est raconté dans les moindres détails, avec un souci constant d’exactitude, au sein d’un récit fourmillant d’anecdotes. informatif, ponctué d’expressions en finnois, et se terminant par des annexes où l’on retrouve des cartes, des photographies, des citations, et une bibliographie très fournie. Dans un avertissement au lecteur, Norek précise que même les dialogues proviennent le plus souvent d’archives ou de témoignages de militaires ou d’historiens. L’écriture est immersive et nerveuse, et on se retrouve plongé au cœur de l’action, sous les tirs des fusils et sous l’explosion des cocktails Molotov, avec un réalisme choquant.

Une histoire fluide et addictive à valeur d’avertissement

Bien que n’ayant absolument rien à voir avec un thriller ou un roman policier, Guerriers de l’hiver porte les traces de la plume précise et addictive d’Olivier Norek. Les chapitres sont plutôt courts, comme un tourne-pageet l’auteur prend toujours la peine de préciser le lieu et les protagonistes de chaque nouveau volet, afin d’en faciliter la lecture et d’être toujours compréhensible et didactique. L’auteur crée une atmosphère de tension, à la fois angoissante et tragique, et le récit reste toujours accessible, malgré son sujet dense et difficile. Bien sûr, le roman est long, mais il ne devient pas ennuyeux. Ses près de 450 pages retranscrivent le poids de ce conflit, ces longs mois passés à résister et à tenter de repousser un ennemi invincible.

Olivier Norek écrit pour nous faire réfléchir sur l’absurdité de la guerre, notre implication dans les conflits mondiaux contemporains, le sens du mot résistance et le paradoxe de la figure du héros. Il s’interroge sur la différence entre savoir tuer, pouvoir tuer et devoir tuer, et étudie les différents comportements possibles face à tant de violence et de brutalité. Il en profite également pour dénoncer par analogie la lâcheté et l’inaction des puissances européennes, et lance un avertissement sur les conflits potentiels à venir, à l’intérieur ou à l’extérieur de notre territoire.

Une écriture sensible en quête d’empathie

Dans Guerriers de l’hiverOlivier Norek pousse encore plus loin ses talents d’écrivain. Plus descriptive, à la recherche du mot juste et de la formule percutante, la plume perd en efficacité, mais gagne en richesse et en poésie. Certaines scènes sont mémorables, parfois macabres, comme ce tableau d’horreur représentant les assaillants russes et leurs chevaux figés dans la glace, lors de l’attaque du golfe de Finlande gelé. Tantôt émouvante, tantôt humoristique, notamment lorsqu’elle relate l’absurdité de certaines erreurs tactiques russes, le récit rejette le pathos et l’épopée un peu faciles, et tente d’humaniser l’Histoire, de la rendre plus tangible et plus proche de nous.

Pour ce faire, Norek crée une gamme très étendue de personnages, et prend le temps de les construire. Ils sont tous reconnaissables malgré leur nombre, à l’instar du célèbre capitaine Aarne Juutilainen, surnommé « L’Horreur du Maroc », dont on se souviendra des frasques et du caractère terrible. Les compagnons d’armes de Simo, originaires du même village de Rautjärvi, sont des protagonistes, certes secondaires mais essentiels, qui rappellent au lecteur que, derrière chaque fait d’armes se cache un homme, avec son passé et ses attaches. Cependant, et ce sera le seul véritable bémol de ce très beau roman, il manque à ces guerriers de l’hiver une caractérisation plus approfondie, qui leur permettrait de susciter davantage d’empathie. L’auteur dresse en effet le portrait d’hommes tellement idéalisé – le fait de les décrire comme un père, un frère ou un ami ne fait pas disparaître leur statut déclaré de héros national – qu’il en devient paradoxalement plus difficile à comprendre. ‘attachez-y.

Avec Guerriers de l’hiverOlivier Norek se renouvelle donc en proposant à son lecteur une épopée intense et romantique. Exigeant, précis et incroyablement documenté, le roman se situe néanmoins à hauteur humaine et rend accessible un pan de l’histoire souvent oublié, dont l’écho avec l’actualité internationale donne des frissons.

 
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