LLa pratique de la lecture diminue, nous dit-on chaque année. Les jeunes préféreraient le loisir hypnotique des réseaux sociaux (cinq heures et neuf minutes passées sur un écran pour les 16-19 ans, hors école et devoirs), mais les actifs auraient également du mal : 89% des 25-34 ans et 87 % des 35-49 ans déclarant manquer de temps pour lire (1). Pourtant, qui parcourt la France de salons du livre en festivals constatera que le livre, vecteurs de plaisir et d’émancipation, n’a pas encore perdu son formidable pouvoir d’attraction.
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Aussi, le Centre National du Livre (CNL), fer de lance de la défense de la lecture, a décidé de renforcer la présence du livre là où l’on passe le plus clair de son temps : au travail. Notamment en accompagnant les entreprises dans la création de bibliothèques et de clubs de lecture ou en invitant des écrivains, à travers une « charte du livre et de la lecture en entreprise ».
A LIRE AUSSI Régine Hatchondo : « Lire est aussi important que manger et bouger »Lancé le 12 mars dernier, celui-ci vient d’être signé par Enedis, après Air France et le groupe La Poste, et ce ne serait que le début d’un véritable engouement. Alors qu’ont à se dire le monde du livre et celui du travail ? Pour le savoir, nous avons réuni la présidente du CNL, Régine Hatchondo, et la présidente du directoire d’Enedis, Marianne Laigneau.
Le point : Le CNL a lancé une charte pour promouvoir la lecture dans le monde de l’entreprise. Pourquoi ce dernier en a-t-il besoin ?
Régine Hatchondo: L’idée est simple : la lecture favorise le développement individuel et collectif. Pourtant, l’entreprise est l’un des derniers lieux où l’on retrouve des hommes et des femmes de tous horizons, de tous horizons, de toutes générations, avec des expériences et des histoires différentes. C’est aussi un endroit où l’on passe beaucoup de temps… Encourager la lecture au travail fait prendre conscience aux salariés de l’importance du livre dans la vie de chacun, de son influence dans les relations avec les autres ; ils favorisent la création de liens et d’espaces ouverts d’échange et de réflexion. Notre société en a besoin.
Marianne Laigneau, vous avez signé cette charte. L’entreprise n’est-elle pas pourtant, à première vue, un lieu peu propice à la lecture, qui impose une détente, un rapport au temps différent, a priori très éloigné du monde professionnel ?
Marianne Laigneau: L’entreprise est souvent perçue comme un lieu de production, axé sur la création conjointe de richesse économique, par opposition à la lecture, qui serait un plaisir solitaire et désintéressé, lié à l’enrichissement individuel. Mais, en réalité, c’est aussi un lieu de mots : c’est à travers eux que l’on crée du sens et que l’on structure les projets collectifs. Peu de gens le savent, mais chez Enedis, où travaillent 40 000 salariés, nous avons littéralement mis des mots sur notre projet d’entreprise : non pas dans des diapositives PowerPoint, mais avec des mots. Qui sommes-nous ? A quoi sommes-nous ? Nous avons construit et partagé notre projet avec l’ensemble de nos collaborateurs sous forme d’une story.
Et, depuis 2016, un prix littéraire interne récompense ceux d’entre eux qui souhaitent écrire, dans différentes catégories : roman, poésie, essai ou bande dessinée. Ce sont leurs collègues qui composent le jury, lisent les textes et désignent les lauréats. Cette approche favorise la création littéraire et la découverte de talents cachés, ainsi que le dialogue entre les équipes.
Les collaborateurs prennent un réel plaisir à échanger leurs impressions sur ce qu’ils lisent et à se laisser surprendre par la créativité de leurs collègues ! Cette initiative, outre le plaisir qu’elle procure, est aussi un excellent moyen de développer la confiance au sein de l’entreprise, la confiance en soi et dans les autres, car on se donne beaucoup par écrit.
Comment cela se traduit-il dans la vie quotidienne des salariés ? Y a-t-il du temps alloué à l’écriture ?
ML : Non, c’est pendant leur temps libre qu’ils participent, et cela montre bien l’importance que cela prend pour eux. Nous menons une activité industrielle très intense, mais l’humain doit rester au centre de notre projet. La lecture contribue à cet équilibre en apportant une dimension de développement personnel. La dynamique du prix du livre Enedis permet de découvrir des talents cachés dans nos équipes, et nous avons favorisé la création de « bibliothèques spontanées » : les salariés apportent des livres pour les partager avec leurs collègues. C’est précieux pour la cohésion : partager un livre, c’est partager une vision du monde, une expérience de vie.
RH : Avec cette charte, l’idée est d’inciter les entreprises à organiser des événements autour du livre, comme des clubs de lecture, des rencontres avec des auteurs ou encore la création de bibliothèques. De nombreuses entreprises, comme La Poste, Air France, l’UEM et désormais Enedis, l’ont signé. Ils ont compris que la lecture est un levier simple mais très puissant pour contribuer au développement personnel et culturel de chacun, contrairement à d’autres pratiques culturelles qui nécessitent une organisation plus lourde. Un livre, vous le glissez dans votre sac, vous le lisez dans le transport ou lors d’une pause. C’est ce qui fait la force de ce projet : il s’adapte à tous les contextes.
ML : Il est important de se rappeler que la lecture a un effet calmant. Certains salariés me disent qu’ils lisent pendant leur pause déjeuner, et que cela leur permet de se ressourcer avant de reprendre leur journée. C’est un moment de calme et de réflexion, où l’on renoue avec nos émotions et nos idées, ce qui est précieux dans un environnement parfois stressant.
RH : J’aime beaucoup l’idée des « moments calmes », souvent mise en œuvre dans les écoles. Pourquoi ne pas imaginer cela sur le lieu de travail ? Un quart d’heure de lecture pourrait être institué. Après tout, dans certaines entreprises, on commence désormais les réunions par des temps de méditation… Mais lire permet aussi de reposer son esprit et de se recentrer.
Avec le télétravail et malgré la digitalisation croissante, le livre aurait-il un avenir dans l’économie moderne ?
RH : Je dirais même que son rôle est encore plus pertinent aujourd’hui. Le télétravail a ses avantages mais a tendance à isoler les salariés. La lecture, qu’elle soit partagée dans le cadre de clubs de lecture – réels ou virtuels – ou à travers de simples discussions informelles autour d’une œuvre, recrée des liens au sein d’équipes géographiquement dispersées. La lecture demande des efforts, mais c’est un effort gratifiant. Nous travaillons également actuellement sur un projet destiné à faciliter la lecture à distance, en proposant des rencontres avec des auteurs par visioconférence, par exemple.
ML : Oui, ce sont toujours, même à distance, des moments de communication privilégiés. La lecture a beaucoup à offrir dans un monde de plus en plus numérique. L’entreprise est aujourd’hui, aux côtés de la famille et de l’école, la dernière grande communauté à laquelle on demande beaucoup, notamment pour résoudre les problèmes de solitude, de harcèlement, de dépression et de gestion des émotions. Mais il peut aussi devenir Source d’inspiration, d’échange, d’enrichissement personnel, de reconnaissance de chacun et de création.
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Enedis est implanté sur tous les territoires où nous fournissons de l’énergie. Lorsque je voyage, je ne manque jamais de prendre un quart d’heure avec les équipes pour aller me promener dans le lieu où nous sommes, voir un bel endroit, une cathédrale, une place, un paysage… La vie et l’entreprise ne sont pas séparées. mondes. La lecture contribue à cette prise de conscience et à ce plaisir de vivre, y compris le temps que l’on passe au travail.
(1) Selon le baromètre CNL « Les Français et la lecture » 2023.