Charlotte McConaghy chuchote avec les loups

Charlotte McConaghy chuchote avec les loups
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Charlotte McConaghy, en septembre 2023. EMMA DANIELS

« Je pleure encore pour la beauté du monde » (Once There Were Wolves), de Charlotte McConaghy, traduit de l’anglais (Australie) par Marie Chabin, Gaïa, 368 p., 22,90 €, numérique 17 €.

D’emblée, la brutalité des premiers mots saisit le lecteur. « Nous avions huit ans le jour où mon père m’a coupé en deux, de la gorge au bas du ventre. » Cet incipit condense à lui seul une partie de l’intrigue. Ici il sera question des corps, des pères, de la violence des hommes. Et bien plus.

La biologiste Inti Flynn et son équipe arrivent dans le parc naturel des Cairngorms en Écosse pour mener un programme de réintroduction du loup, difficilement approuvé par les éleveurs de moutons locaux. La cohabitation s’annonce tumultueuse. D’autant qu’Inti n’est pas du genre à rogner sur les raccourcis. Sa rudesse presque misanthrope cache plus d’un secret. Sa sœur jumelle, Aggie, d’abord, vivant recluse dans leur refuge, brisée par un vieux traumatisme. L’étrange condition neurologique dont elle souffre donc : une synesthésie visuo-tactile. Son cerveau recrée les expériences sensorielles des créatures qu’elle rencontre, humaines ou animales, notamment les chevaux, les chiens et les loups des environs : « Quand je vois, je ressens, et pendant quelques instants je suis les autres, eux et moi ne faisons qu’un et leur douleur ou leur plaisir est le mien. » Cadeau autant que malédiction, Inti comprend ce fameux jour d’enfance où son père écorche un lapin sous ses yeux – lui infligeant, sans le savoir, la même souffrance physique.

lande désolée

Après avoir remarqué Migration (JC Lattès, 2021), qui parlait des sternes arctiques et du déclin de la biodiversité, l’Australienne Charlotte McConaghy, 35 ans, poursuit son exploration des écosystèmes menacés. Comme la Canadienne Gabrielle Filteau-Chiba, elle fait partie de cette génération d’auteurs engagés, à travers leurs écrits, pour la défense de l’environnement. Car malgré leur beauté, les Highlands écossaises sont à bout de souffle. En éliminant les loups, les hommes ont permis aux cerfs de prospérer, ce qui empêche les arbres de repousser. Par leur faute, la forêt, essentielle à la lutte contre le réchauffement climatique, a disparu, laissant place à une lande désolée.

Pour raconter le travail des biologistes, le romancier s’est inspiré du parc naturel de Yellowstone aux États-Unis. Il y a trente ans, la réintroduction du loup a permis de redonner vie aux bois de saules et de trembles ravagés par la prolifération des wapitis. Mais Charlotte McConaghy ne limite pas son récit à une déclaration écologiste, même subtilement mesurée. Avec un sens aigu de la narration, elle y entremêle une intrigue policière captivante. Lorsqu’Inti découvre le corps mutilé d’un berger, elle l’enterre immédiatement, craignant que les habitants n’en accusent les loups. Mais le véritable meurtrier est toujours à l’affût.

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