Les inondations qui ont frappé la Suisse laissent des traces durables et mobilisent des efforts considérables de reconstruction. Cela s’étend sur plusieurs années et représente toujours un défi complexe mêlant enjeux environnementaux, économiques et sociaux.
En 2007, les habitants de Laufon ont été confrontés à une crue dévastatrice de la Birse, la rivière qui traverse cette commune de Bâle-Campagne. Les habitants se sont retrouvés avec de l’eau jusqu’à la poitrine. La première pierre du projet de réaménagement du fleuve a été posée la semaine dernière, 18 ans après la catastrophe.
Ce projet majeur vise à mieux protéger la population contre les futures inondations. « D’une part, le réaménagement de la Birse passe par la rénovation et la transformation de quatre ponts et passerelles. C’est l’un des principaux défis», explique Andrea Tschopp, porte-parole du département des travaux publics de Bâle. Campagne. Mais avant même le début des travaux, il a fallu convaincre de nombreux propriétaires fonciers de céder une partie de leurs terres. « Ce seul aspect a nécessité 200 contrats pour régler ces transferts. Et notre chef de projet a eu des discussions personnelles avec toutes les personnes impliquées.
Il s’agit de protéger la population.
Les travaux, prévus pour durer quatre ans, coûteront plus de 60 millions de francs, dont un tiers financé par la Confédération. Mais est-ce un investissement justifié pour une inondation qui se produit en moyenne tous les 30 ans ? “On peut se poser la question, mais il s’agit quand même de protéger la population”, répond Andrea Tschopp.
Le projet vise également à restaurer le milieu naturel et à améliorer la qualité de vie des habitants : « Nous allons redonner à la Birse son espace d’origine : c’est un investissement pour la nature. Nous créerons également davantage d’espaces verts à proximité de la vieille ville, et rapprocherons ainsi le logement, le travail et les loisirs », explique le porte-parole.
Des défis à relever dans toute la Suisse
Interrogé dans La Matinale, Joël Varidel, chef de section à la Direction générale vaudoise de l’environnement, souligne de son côté que l’urbanisation aggrave les risques d’inondation: «Nous avons construit de plus en plus près des cours d’eau, nous les avons aussi canalisés, donc nous avons réduit leur espace. Évidemment, cela a créé des situations d’inondation dans lesquelles nous avons dû intervenir par la suite pour protéger les habitations.
Nous essayons plutôt de travailler sur des mesures en amont des villes, où nous prévoyons des décharges ou des herses qui retiennent une partie du transport, l’ensemble des matériaux transportés.
La protection des territoires urbains s’avère souvent délicate, comme en témoigne en juin 2024 la crue centennale qui a vu l’eau envahir les rues et les magasins de Morges.
-« Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre en matière d’élargissements ou d’aménagements. Nous essayons plutôt de travailler sur des mesures en amont des villes, où nous prévoyons des décharges ou des herses qui retiennent une partie du transport, tous les matériaux transportés par les crues ou encore des troncs d’arbres”, explique Joël Varidel.
« Nous avons alors « plus que de l’eau » à gérer dans les villes. On surélève alors un peu le haut des berges ou, exceptionnellement, on abaisse le niveau du lit », ajoute-t-il.
Une mise en œuvre longue et complexe
Le canton de Vaud mène actuellement cinq projets de protection, comme à Aigle, où des travaux sont en cours depuis 2018 pour sécuriser la Grande Eau.
Mais les délais restent longs : entre la planification et la mise en œuvre, il faut au moins 5 à 10 ans. Brienz, dans le canton de Berne, en est un exemple frappant. Après une inondation en août dernier, qui a pratiquement coupé le village en deux, il est prévu de détourner la rivière Milibach, mais les travaux ne débuteront pas avant 2028. En attendant, certains habitants n’ont toujours pas pu regagner leurs logements.
En Valais, la priorité reste aux travaux d’urgence pour rétablir le niveau de protection avant les intempéries. La situation est encore plus critique au Tessin, dans des zones escarpées et reculées comme la vallée de Lavizzara, où les dégâts sont considérables. Faute de ressources, seules des mesures temporaires ont été mises en place. A Bavona, la vallée voisine, les masses rocheuses déplacées par le mauvais temps ne sont même pas encore dégagées.
Les inondations en Suisse rappellent que la reconstruction est un processus à long terme, qui nécessite des investissements colossaux et une planification minutieuse. Chaque région doit trouver des solutions adaptées à ses contraintes géographiques et économiques pour prévenir de futures catastrophes.
Célia Bertholet