Plus de cinquante ans après la création du Front national, le parti d’extrême droite de Marine Le Pen, devenu le Rassemblement national, est passé de la marginalité à la banalisation des urnes, devenant ainsi le premier parti de France.
Vingt jours après la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, il est aux portes du pouvoir après avoir recueilli dimanche environ 34% des voix au premier tour des élections législatives anticipées.
– Les débuts –
Le « Front national pour l’unité française », parti issu de groupes nationalistes dont Ordre Nouveau, est créé le 5 octobre 1972. Après un score inférieur à 1% à l’élection présidentielle de 1974, son président Jean-Marie Le Pen choisit la lutte contre l’immigration comme priorité.
En 1983, première grande victoire électorale : Jean-Pierre Stirbois, secrétaire général du FN, obtient 16,7 % au premier tour des élections municipales à Dreux (Eure-et-Loir) et s’allie à la droite au second.
Trois ans plus tard, la représentation proportionnelle amène 35 députés FN à l’Assemblée nationale.
Lors de l’élection présidentielle de 1988, M. Le Pen grimpe à 14,37 % des voix, mais le retour à la majorité uninominale ne lui laisse qu’un seul député.
– Le détail” –
En septembre 1987, Jean-Marie Le Pen qualifiait les chambres à gaz nazies de « détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ». Il a été condamné en 1991. D’autres propos stigmatisant les homosexuels, les immigrés ou les Roms, servent, selon lui, la progression du FN.
De 1992 à 1998, le parti prend les villes de Toulon (Var), Marignane (Bouches-du-Rhône) et Orange (Vaucluse). Lors de l’élection présidentielle de 1995, M. Le Pen avait obtenu 15,15 %. Le 1er mai, en marge d’un défilé du FN, un Marocain est mort dans la Seine poussé par des skinheads.
– Séisme de 2002 –
Coup de tonnerre en 2002 : M. Le Pen se qualifie pour le second tour de l’élection présidentielle face à Jacques Chirac avec 16,86 % des voix. Sa fille Marine devient vice-présidente du parti.
Pour sa dernière élection présidentielle, celle de 2007, Jean-Marie Le Pen a obtenu 10,44 %, son pire score depuis 1988. Le FN a également chuté aux élections européennes de 2009 (4,17 %).
À la tête du parti depuis janvier 2011, Marine Le Pen, avec une stratégie de « normalisation » mettant en avant les enjeux sociaux, s’est hissée à 17,9 % à l’élection présidentielle de 2012.
Marion Maréchal, sa nièce, devient députée.
Après avoir remporté onze mairies en 2014, le FN a remporté une victoire historique aux élections européennes (25%), loin devant l’UMP et le PS.
– Père et fille, rien ne va plus –
Aux élections cantonales de l’année suivante, le FN était en tête dans 43 départements. Mais M. Le Pen réitère ses propos sur les chambres à gaz. A 87 ans, il est exclu du parti.
En avril 2017, après un débat qu’elle reconnaît « raté », Marine Le Pen perd l’élection présidentielle face à Emmanuel Macron. Aux élections législatives, le FN a obtenu huit députés.
Fin juin, Marine Le Pen a été mise en examen dans une enquête sur les assistants parlementaires des eurodéputés du FN. Un procès est prévu à l’automne 2024.
– Le FN devient RN –
Réélue à sa tête en 2018, Marine Le Pen veut symboliser la « transformation » du FN en « parti de gouvernement » et d’alliances : il devient le Rassemblement national (RN).
Nouvelle première place aux élections européennes de 2019, avec 23,3% des voix.
En septembre 2021, Marine Le Pen a cédé les rênes à Jordan Bardella pour se concentrer sur l’élection présidentielle. Son rival d’extrême droite, Eric Zemmour, lui a pris Marion Maréchal.
– 89 députés –
L’élection présidentielle de 2022 marque un nouvel échec face à Emmanuel Macron. Pourtant, avec 41,5% des voix, l’extrême droite n’est jamais passée aussi près du pouvoir sous la Ve République. Aux législatives qui ont suivi, la percée a été historique, le RN devenant, avec 89 élus, le premier groupe d’opposition.
– Partition historique et dissolution choc –
Le 9 juin, la liste de Jordan Bardella a triomphé aux élections européennes avec 31,36% des voix, soit plus du double du score de la liste macroniste. Dans la foulée, Emmanuel Macron dissout l’Assemblée.
« Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance lors des prochaines élections législatives », affirme Marine Le Pen. Jordan Bardella devient favori à Matignon mais il prévient qu’il n’acceptera de devenir Premier ministre que s’il parvient à disposer de la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Etonnement à droite : Eric Ciotti, président des Républicains (LR) s’associe au RN. Son parti tente de l’évincer et implose.
Des candidats communs RN-LR sont annoncés dans 70 circonscriptions. Marion Maréchal appelle à voter pour eux, consacrant ainsi sa rupture avec Eric Zemmour.