Après le cancer du sein, la reconstruction mammaire progresse

Après le cancer du sein, la reconstruction mammaire progresse
Après le cancer du sein, la reconstruction mammaire progresse

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« Notre rêve est de recréer un sein de femme en laboratoire »

Une majorité de femmes optent pour des prothèses après une mastectomie. Yves Harder, directeur du service de chirurgie reconstructive au CHUV, évoque d’autres options.

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Bref:
  • Chaque année, environ 6’500 femmes en Suisse déclarent avoir un cancer du sein.
  • Le CHUV réalise environ 200 reconstructions mammaires par an selon diverses techniques.
  • Une mastectomie immédiate avec reconstruction est souvent proposée aux patientes.
  • La reconstruction mammaire est prise en charge en Suisse après un diagnostic de cancer.

Chaque année en Suisse, près de 6 500 femmes déclarent avoir un cancer du sein. La maladie touche une femme sur huit. Les événements organisés lors de « Octobre Rose » ont sensibilisé l’opinion publique à cette problématique, rappelant notamment que le taux de guérison ne cesse d’augmenter – atteignant plus de 95 % pour les formes les moins avancées. De plus en plus de femmes, y compris de jeunes femmes, vivront donc longtemps après une mastectomie.

C’est pourquoi la reconstruction mammaire est systématiquement abordée dans le parcours patient. Au CHUV, le service de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique réalise environ 200 interventions de reconstruction mammaire par an, avec des technologies en constante évolution. Son chef de département, le professeur Yves Harder, en explique les principes.

Quelles patientes sont concernées par la reconstruction mammaire ?

Environ 30 % des femmes touchées par un cancer du sein ne pourront pas conserver leur sein et subiront une mastectomie totale. Aujourd’hui, de manière générale, il s’agit d’enlever la glande mammaire, ainsi que le mamelon et les ganglions lymphatiques si nécessaire, et de conserver la poche cutanée.

C’est pourquoi une reconstruction est proposée immédiatement, en même temps que la mastectomie, pour combler cette poche. L’opération est la même pour les femmes qui ne sont pas malades, mais qui risquent de l’être à l’avenir pour des raisons génétiques, et qui subissent une mastectomie préventive.

N’est-il pas étrange de perdre son sein et de le faire reconstruire immédiatement, sans transition ?

C’est ce que pensent les spécialistes depuis longtemps : que la femme devait rester sans seins pendant un certain temps pour pouvoir faire son deuil. En effet, des études récentes montrent que la reconstruction immédiate, encore plus si elle est réalisée avec les propres tissus de la patiente, est très appréciée et aide beaucoup à s’accepter.

Plusieurs méthodes existent : celle avec prothèses, et celle dite du « lambeau ». Pouvez-vous nous expliquer les principes ?

Au CHUV, quelque 60 % des patients choisissent les prothèses, et 40 % optent pour le lambeau, c’est-à-dire du tissu adipeux vascularisé, prélevé là où il est en excès, notamment le plus souvent au niveau de l’estomac.

Mais chaque solution doit être personnalisée en fonction de chaque patient, et les deux peuvent être complémentaires. La prothèse est attractive car elle s’installe en une seule opération, mais il faut savoir qu’avec le temps elle peut migrer, durcir ou se fissurer. Il est donc probable qu’il faudra le remplacer. Ce n’est pas anecdotique : au bout de cinq à sept ans, le taux d’échec peut atteindre 60 %.

Peut-on vraiment avoir confiance dans ces prothèses, après le scandale survenu dans les années 2010 ?

J’espère que tout cela est fini. Une seule entreprise américaine très reconnue produit le silicone utilisé dans la fabrication des prothèses dans le monde entier. Et il y a eu beaucoup d’améliorations dans le domaine.

Certains patients ont leurs prothèses qui glissent lorsqu’ils lèvent le bras. Bizarre, non ?

Cela peut notamment se produire avec les prothèses qui ont une surface lisse, car elles n’adhèrent pas aux tissus adjacents. C’est un peu inconfortable certes, mais les prothèses les plus rugueuses peuvent aussi bouger et présenter un risque minime de développer un lymphome associé, elles sont donc progressivement retirées du marché ou sous observation.

Quels sont les avantages de la reconstruction avec vos propres tissus ?

C’est plus naturel et plus durable : même si l’opération primaire est plus complexe et plus longue, et nécessite souvent de petites retouches, la reconstruction durera toute une vie.

Comment ça marche ?

Je prélève des tissus sur le ventre, les cuisses ou les fesses, et je les transpose après avoir raccordé les vaisseaux. Ces seins sont chauds, plus sensibles et plus doux qu’une prothèse, et si vous grossissez, ils grossissent aussi. En fonction de la quantité retirée, la cicatrice sur le ventre sera assez longue – comme une grosse césarienne. Mais vous aurez aussi un ventre plus plat.

Et le mamelon ?

Le mamelon d’origine est généralement conservé, si la maladie le permet. Sinon, nous le reconstruisons généralement avec la peau du sein reconstruit, puis nous le tatouons.

La patiente perd donc toute sa sensibilité au niveau de la poitrine ?

C’est une question de plus en plus prise en compte. Déjà, lors de la mastectomie, on peut essayer de préserver les nerfs qui vont au mamelon. Par la suite, lors de la reconstruction du lambeau, on peut également relier les nerfs de ces tissus au niveau de l’estomac, à ceux le long d’une côte. Ce ne sera pas aussi sensible qu’avant, mais c’est une nette amélioration. Et de nouvelles innovations venues des États-Unis permettront également d’améliorer encore cette situation.

Quelle est la taille des cicatrices ?

Cela dépend de la taille initiale du sein à reconstruire et également de la nécessité ou non de remonter le sein. Si tel est le cas, il y aura toujours une cicatrice autour de l’aréole, sinon on arrive à limiter les cicatrices entre l’aréole et le pli sous le sein.

Les femmes doivent-elles parfois payer de leur poche ?

En Suisse, nous sommes privilégiés, car dès le diagnostic de cancer posé, la reconstruction est entièrement prise en charge, quelle que soit l’option choisie et quelle que soit la situation.

nombre d’interventions pour finaliser une reconstruction. Après quelques années, si la prothèse doit être changée ou si la femme change d’avis, cela est également remboursé. Il en va de même pour réduire ou augmenter la taille du deuxième sein, afin d’harmoniser la poitrine dans le cas où il n’y aurait eu qu’une seule mastectomie.

Des progrès sont-ils à espérer ?

Nous sommes désormais capables de reconstruire des seins plus naturels et plus sensibles. Mais notre rêve est de recréer le sein d’une femme en laboratoire, à partir de ses propres cellules. Nous sommes déjà en mesure de lancer le processus, mais le succès ne sera pas immédiat, car il faudra ensuite pouvoir greffer ce sein sur la patiente et relier tous les vaisseaux. Soyons honnêtes : cela prendra encore du temps.

La reconstruction mammaire est-elle obligatoire ?

Certainement pas! Petit à petit, en Suisse également, on commence à parler du « thorax plat » et de son esthétique. La tendance est importante dans les pays anglo-saxons, et ici de plus en plus de femmes songent à vivre avec une poitrine plate. Cette option doit être proposée parmi les possibilités après une mastectomie. A nous, médecins, de nous adapter aux souhaits des patients.

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Marie Maurice est journaliste société à la section vaudoise. Active sur le terrain depuis près de 15 ans et spécialisée dans l’enquête, elle a cofondé le média spécialisé Gotham City, réalisé plusieurs documentaires et écrit deux livres. Plus d’informations @mariemaurisse

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