à quoi peut-on s’attendre si Donald Trump est élu, analyse avec le diplomate Gérard Araud

à quoi peut-on s’attendre si Donald Trump est élu, analyse avec le diplomate Gérard Araud
à quoi peut-on s’attendre si Donald Trump est élu, analyse avec le diplomate Gérard Araud

Gérard Araud était ambassadeur de aux États-Unis lorsque Donald Trump a été élu en 2016. Que peut-on attendre si le candidat républicain l’emporte à nouveau ? Entretien.

« Un monde s’effondre sous nos yeux », écriviez-vous, alors ambassadeur de France aux États-Unis, en 2016, après l’élection de Donald Trump. Faut-il s’attendre à un tel bouleversement s’il faut attendre le 5 novembre ?

En 2016, il y a eu Trump et le Brexit, c’est la révélation du populisme à travers le monde occidental. C’était mon interprétation, peut-être que je n’aurais pas dû écrire ce tweet, en même temps, tous les événements l’ont confirmé : le populisme est là, partout, et il est resté. Si Trump est élu, cela nous prouvera encore une fois que c’est bien le cas.

Mais on a tendance à imaginer un second mandat de Trump sur la base du premier, alors qu’il risque d’être pire. Parce que Trump est plus dur, plus confiant et qu’il s’est radicalisé, il est vindicatif, convaincu qu’on lui a volé l’élection de 2020. Il voudra se venger.

Pourtant, lorsqu’il est arrivé au pouvoir, il ne connaissait rien ni personne et a donc été obligé de s’entourer de conservateurs classiques partis depuis. Trump veut cette fois s’entourer de gens qui pensent comme lui et ne cherchera pas à le contenir.

C’est d’ailleurs imprévisible. Il pourrait très bien mener une politique complètement à l’opposé de son premier mandat. On risque d’avoir des surprises

Comment sa victoire redistribuerait-elle les cartes au niveau international ? Première question : a-t-il les moyens de contraindre Zelensky à une négociation sous forme de capitulation ?

Oui, les Russes avancent sur le terrain, les Ukrainiens sont fatigués. Je ne vois pas comment les Ukrainiens et les Européens pourraient résister à un accord russo-américain. Il a déclaré qu’il résoudrait le problème dans les 24 heures et cesserait de soutenir Kiev. Parviendra-t-il à un accord avec les Russes aux dépens des Ukrainiens ? Mais Poutine pourrait aussi vouloir tout le gâteau, et pas seulement la part que Trump lui donnera.

La deuxième question est celle de la défense européenne. La crédibilité de l’OTAN repose sur la garantie américaine qui sera affaiblie ou disparaîtra. Poutine se demandera peut-être un matin si Trump entrera en guerre pour défendre l’Estonie, la réponse est non. Aurions-nous l’énergie, la force, l’unité pour lui venir en aide ?

Le troisième sujet est le commerce. Trump veut imposer des droits de douane. Et des patrons de la tech comme Elon Musk et Peter Thiel lui diront que les Européens ont adopté des lois (numérique, intelligence artificielle, etc.) contre les entreprises américaines et qu’il faut donc les punir pour qu’elles abandonnent. Nous risquons d’avoir des droits de douane punitifs et une guerre commerciale.

Or les grandes entreprises françaises ont besoin du marché américain.

L’Europe est en train de devenir une périphérie du monde, car le principal sujet des relations internationales des vingt à trente prochaines années sera la Chine contre les États-Unis. Vue des États-Unis, l’Europe régulée se rapproche, vieillit, devient une maison de retraite et une colonie de vacances.

Au Moyen-Orient, Netanyahou serait-il renforcé ?

Trump était le président américain le plus pro-israélien de l’histoire, ce qui n’est pas peu dire. Il transféra même son ambassadeur à Jérusalem.

On peut se demander aujourd’hui si Netanyahu ne va pas obtenir de Trump ce qu’il n’a pas pu obtenir de Biden, c’est-à-dire une opération militaire visant le nucléaire iranien. C’est ça le danger. Les Israéliens mettront le sujet sur la table. Mais dans tous les défauts de Trump, il n’y a pas de bellicisme, il ne fait pas la guerre.

La perspective déjà très incertaine d’un cessez-le-feu et d’une solution politique à long terme va-t-elle devenir encore plus lointaine ?

Ni Kamala Harris ni Donald Trump ne tordreont le bras à Benjamin Netanyahu. Il n’y a pas de solution au problème palestinien. C’est fini. Il est impossible de créer un État palestinien sur le terrain avec des colons israéliens. Le drame est là. Il est consommé.

L’économie américaine s’est relativement bien comportée sous Biden, mais l’inflation fait des ravages. Quel serait l’effet Trump ? Les républicains ont les faveurs des investisseurs.

L’économie se porte très bien sous Trump. Il y avait 3,5% de croissance, 3% de chômage et les salaires les plus bas commençaient à augmenter. Sans Covid, il a été réélu.

Le déficit n’a pas d’importance pour lui, il l’a augmenté. Il y aura des réductions d’impôts. Comme l’économie se porte bien, il devrait y avoir une croissance forte, mais inflationniste sous l’effet du protectionnisme, le prix des droits de douane se répercute sur le consommateur.

Le Trump climato-sceptique pourrait-il dans le même temps ralentir les efforts entrepris par la communauté internationale sur le front environnemental ?

La question de l’environnement n’existe pas pour lui ! Il considère qu’il n’y a pas de réchauffement. Il nommera Elon Musk pour démanteler davantage toutes les réglementations, les administrations, l’agenda climatique sera piétiné.

Une autre question importante est celle de l’immigration. Peut-on s’attendre à une agressivité sans précédent dans ce domaine s’il est élu ?

Oui. Kamala Harris peut encore gagner, mais si elle perd les élections, cela pourrait être sur l’économie, mais aussi sur l’immigration. Tout le monde considère que la politique de Joe Biden a été un échec dans ce domaine.

L’éventuel retour de Trump, ses liens avec les dictatures, pourraient-ils aussi poser la question d’un déclin de la démocratie ?

C’est l’un des arguments des démocrates et ils ont fondamentalement raison. L’homme adore les dictateurs, il n’a aucun respect pour les institutions. Je suis également sûr qu’il ouvrira une enquête sur les élections de 2020. Peut-être tentera-t-il même de poursuivre Joe Biden lui-même.

En fait, cela peut éroder les droits, mais à l’intérieur du pays, des contre-pouvoirs restent en jeu. Les États fédérés, dont la moitié sont démocratiques, disposent de pouvoirs et d’une justice véritablement indépendante.

Pourrait-on encore assister à un déclin des nouveaux droits sociétaux après l’avortement ?

L’administration fédérale, sous la direction des démocrates, a introduit un certain nombre de réglementations sur l’égalité des sexes et les droits des homosexuels. Cela peut complètement faire disparaître ces lois.

Et il y aura sans doute une offensive : dans de nombreuses universités, elles ont introduit une législation wokiste pour garantir la diversité parmi les professeurs et les étudiants. Avec des cours également axés sur ce sujet. Il pourrait en effet tenter de faire reculer les universités sur ce point.

Sa victoire aurait-elle un impact sur les poursuites judiciaires à son encontre ?

Il y a aujourd’hui quatre procès majeurs. Deux sont fédéraux : l’un en Floride sur les documents qu’il a pris à la Banche House, l’autre à Washington pour l’affaire du 6 janvier. En tant que président des États-Unis, il peut se pardonner et ces deux procès fédéraux disparaîtront.

Mais il reste soumis à deux procès, le premier (le silence acheté de l’actrice porno Stormy Daniels, NDLR) a déjà eu lieu à New York, le juge doit prononcer la sentence. L’autre aura lieu en Géorgie, sur les tentatives de truquage des élections de 2020. J’imagine qu’il demandera à la Cour suprême de reconnaître son immunité pendant son mandat.

 
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