Contre « l’État islamique en RDC », les Texans et les flyers

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Caleb Weiss, de l’organisation américaine Bridgeway Foundation, lance des tracts au-dessus de la dense forêt équatoriale de l’est du Congo destinés à convaincre les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF) affiliées à l’État islamique (EI), le 8 mai 2024. ALEXIS HUGUET / AFP

Emmêlé dans un tas de sangles et son gilet pare-balles, Caleb Weiss ouvre la porte de l’hélicoptère et s’assoit sur le bord. Sous ses pieds, à perte de vue, une forêt compacte et impénétrable. La tension monte dans la cabane : nous sommes à portée de tir des rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF).

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L’appareil effleure la canopée, décrit des cercles au-dessus des rivières Ituri et Semuliki, où ces combattants, qui ont prêté allégeance à l’organisation État islamique en 2019, ont installé leurs camps. Pendant près d’une heure, Caleb Weiss, un Américain tatoué qui travaille pour l’organisation américaine Bridgeway Foundation, a lancé des milliers de tracts appelant les rebelles à se rendre.

Depuis les forêts du nord-est de la République démocratique du Congo (RDC) – dont une partie est située dans le parc des Virunga – les ADF lancent depuis une dizaine d’années des raids meurtriers sur les villages et les routes aux frontières des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri. piller et terroriser la population.

” Rentrer chez soi “

Ces plusieurs centaines de miliciens, selon les Nations Unies, sont responsables de la mort de milliers de civils, le plus souvent tués de manière extrêmement brutale. Ils opèrent sur le territoire congolais et, dans une moindre mesure, en Ouganda, d’où sont originaires la plupart des dirigeants du groupe.

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Le groupe État islamique (EI), qui le considère comme son « province d’Afrique centrale » (Iscap, acronyme anglais), a revendiqué une centaine d’attentats depuis le début de l’année. Le nombre de ces revendications est en nette augmentation, mais en deçà de ce qui a été enregistré par les forces de sécurité congolaises et les acteurs de la société civile de la région. Rien qu’en avril, plus d’une centaine de personnes ont été tuées et des dizaines enlevées.

Depuis fin 2021, l’armée ougandaise a déployé des milliers de soldats dans la zone. Ils sont censés collaborer avec les Forces armées de la RDC (FARDC) à la neutralisation des ADF, dans le cadre d’une opération conjointe baptisée « Shujaa » (“les courageux”en swahili).

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Des tracts de l'organisation américaine Bridgeway Foundation destinés à convaincre les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l'État islamique (EI), de déserter, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), le 8 mai 2024.

Des tracts de l’organisation américaine Bridgeway Foundation destinés à convaincre les rebelles des Forces démocratiques alliées (ADF), affiliées à l’État islamique (EI), de déserter, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), le 8 mai 2024. ALEXIS HUGUET / AFP

Mais, selon plusieurs sources sécuritaires interrogées par l’AFP, le niveau de confiance entre les deux armées est proche de zéro. Les Ougandais mènent des opérations et installent des bases sans prévenir leurs hôtes. Cela a entraîné à plusieurs reprises, selon les mêmes sources, des pertes de militaires et des blessés du côté des FARDC.

Prix ​​sur têtes

Sur les petits cartons colorés disséminés du ciel par M. Weiss dans les territoires de Beni, Irumu et Mambasa, sont imprimés au recto des portraits souriants d’anciens membres des ADF. « déradicalisé » et réinséré dans la vie civile. Au dos, une carte de la région indique des points de rendez-vous pour ceux qui voudraient s’évader. ” rentrer chez soi “ et leur promet un « aide de l’État ».

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Ces coûteuses opérations aériennes ont été lancées début avril par la Bridgeway Foundation, basée au Texas, qui dit travailler à « l’élimination et la prévention des atrocités de masse dans le monde ». Elle est le bras “philanthropique” d’un fonds d’investissement, Bridgeway Capital Management, qui lui reverse une partie de ses bénéfices pour mener à bien ses actions.

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L’une des boîtes est différente des autres et la Bridgeway Foundation ne souhaite pas qu’elle soit photographiée, « sinon, les gens penseront que nous travaillons pour le gouvernement américain »précise M. Weiss.

Sur celui-ci sont imprimés la banderole étoilée, un numéro de téléphone et une promesse de 5 millions de dollars (4,6 millions d’euros). « pour toutes informations sur le leader des ADF-MTM/ISIS-RDC Seka Musa Baluku »à côté de deux portraits.

Depuis l’inscription en 2021 des ADF sur la liste des organisations affiliées à l’EI par les États-Unis, sa tête est mise à prix. La Bridgeway Foundation s’est engagée à le traquer ainsi que d’autres dirigeants du groupe, en étroite collaboration avec les renseignements militaires ougandais et congolais.

Enlèvement d’enfant

Dans la salle d’opération de l’hôpital de Béni, une radio diffuse de la rumba congolaise à faible volume. Les blessés se succèdent sous les instruments de l’équipe chirurgicale du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et du ministère congolais de la Santé.

Dans une pièce voisine, un garçon de 13 ans est alité, la poitrine et le ventre recouverts de bandages. Tout autour de lui, des hommes, également blessés, pour la plupart victimes des récentes attaques des ADF. L’équipe de l’AFP en visite à l’hôpital début mai n’a pas été autorisée à s’entretenir avec le jeune patient : c’est « un combattant des ADF »explique l’équipe médicale, qui semble craindre que les rebelles ne viennent un jour le reprendre de force.

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Dans une vidéo tournée quelques jours plus tôt, le même garçon, allongé au sol, avec un pansement ensanglanté sur le côté droit, est interrogé par des militaires congolais qui le filment avec leur téléphone portable. Il a du mal à respirer, semble incapable de bouger.

Il raconte son enlèvement dans un village à des dizaines de kilomètres plus au sud, puis le “entrainement militaire” et l’endoctrinement par les dirigeants des ADF. « Et le petit qui est mort, vous le connaissez ? »lui demande un des soldats, en faisant référence à un jeune “combattant” tué au cours de la même opération. “Non, nous avons fini ensemble, mais je ne le connais pas”répond le garçon blessé d’une voix rauque. « Nous allions vers le camp [des ADF] quand nous vous avons dépassé et que vous nous avez tiré dessus. »

Le Monde avec l’AFP

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