« En Afrique, la chaleur affecte déjà gravement le bien-être des populations et leur survie économique »

« En Afrique, la chaleur affecte déjà gravement le bien-être des populations et leur survie économique »
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A À Kayes, ville du sud-ouest du Mali, le mercure est monté à 48,5°C le 3 avril. Du jamais vu dans le pays. La veille, à 5 000 kilomètres plus à l’est, au Soudan du Sud, les écoles venaient de rouvrir après deux semaines d’interruption forcée en raison de températures insupportables, avec des pointes à 45°C. À Kinshasa, la capitale de la République démocratique du Congo, les dernières semaines se sont également déroulées dans une ambiance étouffante. “La chaleur ressemble à une publicité d’enfer”» grinçait mi-mars sur X un des habitants de la mégalopole.

Depuis février, la météo s’est dégradée dans une grande partie de l’Afrique. Le phénomène météorologique El Niño y est pour beaucoup, mais ce n’est pas la seule cause. La canicule exceptionnelle survenue au Sahel et dans le Golfe de Guinée « Cela n’aurait pas été possible sans le changement climatique provoqué par l’homme »rappelaient les scientifiques du réseau World Weather Attribution, dans une étude publiée le 18 avril. Quelques mois plus tôt, ce collectif s’inquiétait du fait que « Des vagues de chaleur dans toutes les régions d’Afrique subsaharienne [soient] considérablement sous-estimé »conduire jusque « faible sensibilisation » dangers associés.

Contrairement aux incendies, aux tempêtes ou aux inondations, la chaleur ne laisse pas de traces visibles de destruction sur son passage. Pourtant, en Afrique, ce « tueur silencieux » affecte déjà gravement le bien-être des populations et leur survie économique. D’abord parce que le continent se réchauffe plus vite que la moyenne mondiale. Ensuite parce qu’il y a un manque criant de ressources pour s’adapter.

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Les plus pauvres sont évidemment les plus exposés. Ceux qui vivent dans des conditions de surpeuplement, avec un toit de tôle ondulée au-dessus de la tête et sans accès régulier à l’électricité. En 2016, une enquête menée par des scientifiques américains à Nairobi révélait que les températures étaient jusqu’à 5,5°C plus élevées dans les bidonvilles de la capitale kenyane qu’au siège de l’agence météorologique nationale. Pourtant, plus de la moitié des citadins africains sont concentrés dans ces quartiers informels où il est difficile même de faire fonctionner un ventilateur.

« Le stress thermique »

Les agriculteurs, les vendeurs sur les marchés, les ouvriers ou les chauffeurs de taxi-moto, etc., les travailleurs qui travaillent dehors toute la journée sont également mis à rude épreuve. Ce que les spécialistes appellent « stress thermique » leur coûte cher en productivité. En 2019, une étude publiée par l’Organisation mondiale du travail estimait le nombre d’heures de travail perdues à cause de la chaleur en Afrique de l’Ouest à près de 7 % d’ici 2030. De quoi réduire significativement les maigres revenus de ces « métiers » difficiles et précaires qui, là encore, concernent la majorité de la population active du continent.

La production agricole n’est pas épargnée. En Côte d’Ivoire, fin avril, les planteurs s’inquiètent de constater que les fèves de cacao ne poussent pas comme d’habitude. Un peu partout, les canicules réduisent les rendements et fragilisent le bétail, fragilisant un secteur qui représente jusqu’à 60 % du produit intérieur brut de certains pays.

La hausse des températures constitue peut-être un fardeau de plus en plus lourd, mais elle reste encore mal documentée sur le continent. En 2020, des chercheurs de l’université d’Oxford (Royaume-Uni) ont constaté qu’en un siècle, seules deux vagues de chaleur en Afrique avaient été enregistrées dans la base de données internationale EM-DAT, dédiée aux phénomènes météorologiques extrêmes. , contre plus de 80 pour l’Europe en quarante ans.

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« L’Afrique est perçue comme un continent chaud et ensoleillé », remarquait le scientifique sénégalais Amadou Thierno Gaye, interrogé en juillet 2023 par l’agence Bloomberg, “Les gens pensent que nous y sommes tellement habitués”. Mais les ménages africains souffrent autant, sinon plus, des températures excessives que le reste de la planète. Et le temps presse pour que ce fléau soit davantage pris en compte afin de mieux s’en protéger.

Marie de Vergès

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