Contexte
Utilisation prolongée (≥ 1 an) et à forte dose de six progestatifs – acétates de cyprotérone (≥ 25 mg/jour), chlormadinone (5-10 mg/jour), nomégestrol (3,75-5 mg/jour), médroxyprogestérone (150 mg/1 ml), médrogestre (5 mg) et promégestone (0,5 mg) – augmente considérablement le risque de lésions intracrâniennes. méningiome. Ce risque n’a pas été évalué spécifiquement avec l’utilisation de contraception orale contenant les progestatifs désogestrel (75 μg seul) et lévonorgestrel (30 μg seul ou à 50, 100, 125, 150 μg en association avec l’éthinylestradiol). Ces deux progestatifs contraceptifs oraux sont très largement utilisés en France avec plus de 3,6 millions de femmes concernées en janvier 2022.
Objectif
Évaluer en vie réelle le risque de méningiome intracrânien lié à l’utilisation de contraceptifs oraux progestatifs : désogestrel (75 µg, pilule progestative) et lévonorgestrel (pilule progestative à 30 µg, ou contenu dans une pilule associée à l’éthinylestradiol à 50 -150 µg).
Méthode
Une étude cas-témoins a été menée à partir des informations du Système National de Données de Santé (SNDS). Nous avons analysé tous les cas de femmes ayant subi une intervention chirurgicale pour un méningiome intracrânien entre le 1er janvier 2020 et le 31 décembre 2023.
Pour chaque cas, la date index était la date d’entrée dans le séjour hospitalier relatif à l’intervention neurochirurgicale. De plus, les femmes qui ont eu une grossesse dans les trois ans précédant la date de référence ont été exclues de l’étude. Dix femmes témoins qui n’avaient pas été opérées d’un méningiome avant la date d’indexation ont été associées au hasard à chaque cas, en fonction de l’année de naissance et du département de résidence, en utilisant l’approche d’échantillonnage par ensemble de risques.
L’exposition a été définie par au moins une livraison au cours de l’année glissante précédant la date d’indexation (« exposition actuelle ») de désogestrel 75 μg (pilule progestative), de lévonorgestrel 30 μg seul (pilule progestative) ou sous forme combinée. (50 à 150 μg, pilule œstrogène-progestative).
À l’aide de modèles de régression logistique conditionnelle, nous avons calculé, pour chaque progestatif d’intérêt, l’odds ratio (OR) estimant l’association entre une exposition antérieure au progestatif et le risque de méningiome intracrânien. Nous avons séparé, dans une modalité distincte, toute exposition antérieure (jusqu’à six ans auparavant) et/ou exposition simultanée à la médrogestole, à la promégestone, à l’acétate de cyprotérone, à la chlormadinone, au nomégestrol et/ou à la médroxyprogestérone, afin d’éviter un biais de confusion lié à l’utilisation d’un progestatif avec un risque connu et démontré de méningiome. Nous avons également calculé la fraction de cas imputables de méningiomes opérés dans la population pour chaque progestatif, estimée à partir du RO obtenu en cas de signification. Nous avons estimé le nombre de patients nécessaires traités pour observer un cas de méningiome opéré.
Enfin, des analyses de sensibilité ont été réalisées : stratification par âge (5 classes d’âge :
Résultats
Au total, 8 391 femmes ayant subi une intervention chirurgicale pour un méningiome ont été incluses dans l’étude, appariées à 83 910 femmes témoins.
Parmi les 8 391 cas, 287 (3,4 %) ont utilisé du désogestrel 75 μg au cours de l’année précédente, 157 (1,9 %) ont utilisé du lévonorgestrel sous forme combinée (50, 100, 125 ou 150 μg en association avec de l’éthinylestradiol), et 17 (0,2 %) du lévonorgestrel. seul (30 µg).
Un risque accru de méningiome intracrânien a été observé pour l’exposition actuelle au désogestrel 75 μg (OR de 1,25 [intervalle de confiance à 95% 1,10-1,42]). Le risque apparaît après cinq ans d’utilisation (OR de 1,70 [1,39-2,08]) et augmente avec la durée. De 5 à 6 ans d’utilisation, le OR est de 1,51 [1,17-1,94] et au delà de 7 ans d’utilisation, c’est 2,09 [1,51-2,90]). Si le désogestrel 75 µg est arrêté pendant plus d’un an, le risque accru de méningiome disparaît (OR = 0,83 [0,63-1,09].
En revanche, l’exposition au lévonorgestrel, qu’il soit sous forme combinée ou seule, n’était pas significativement associée à un risque accru de chirurgie du méningiome intracrânien (respectivement : OR combiné de 0,92 [0,77-1,09]OU seulement 1,44 [0,87-2,40]), quels que soient les - de pose.
Pour le désogestrel, il existait un excès de risque de méningiome opéré plus important en cas de localisation méningiomateuse multiple (OR de 1,89). [1,13-3,16]), localisation au niveau intermédiaire de la base du crâne (OR de 1,90 [1,47-2,46]), et localisation au niveau antérieur de la base du crâne (OR de 1,50 [1,17-1,93]). Le risque accru de méningiome chez les cas exposés au désogestrel a été retrouvé à partir de 45 ans (45-54 ans, OR de 1,42 [1,20-1,69]) ; ≥ 55 ans, OR de 1,54 [0,73-3,24]).
Par ailleurs, le risque de méningiome associé à l’exposition au désogestrel 75 µg au cours de l’année précédente était augmenté en cas d’exposition à au moins un des six progestatifs connus à risque de méningiome (acétates de cyprotérone, chlormadinone, nomégestrol, médroxyprogestérone et médrogestérone). et promegestone) au cours des 6 années précédentes (OR = 3,30 [2,64-4,11]). L’excès de risque persistait également en cas d’exposition au désogestrel au cours de l’année glissante précédente (A-1) et à au moins un des six progestatifs à risque entre A-2 et A-6 avant la date index et sans exposition dans l’année. A-1 (OR = 2,47 [1,88-3,25]).
La fraction des cas imputables aux méningiomes exposés au désogestrel dans la population était de 0,7% de l’ensemble des cas, soit 59 cas de méningiomes opérés imputables à l’exposition au désogestrel au cours de la période 2020-2023 (pour 1,3 million d’utilisatrices de désogestrel dans un mois donné environ) . Nous avons estimé qu’il faudrait traiter 67 287 femmes avec du désogestrel 75 µg pour observer un cas de femme opérée d’un méningiome. En cas d’exposition au désogestrel pendant plus de 5 ans, 17 331 femmes traitées sont nécessaires pour observer un cas de méningiome opéré.
Conclusions
Cette étude nationale a retrouvé un risque de méningiome intracrânien opéré associé à une utilisation prolongée, continue et continue de la pilule progestative désogestrel 75 μg au-delà de cinq ans. Ce risque significatif reste très faible (soit 67 000 utilisatrices pour un cas de méningiome opéré) par rapport à celui observé pour les six progestatifs déjà connus comme étant à risque de méningiome. Ce risque concerne particulièrement les femmes de plus de 45 ans et augmente avec la durée d’utilisation du désogestrel. Un risque est également observé en cas d’utilisation de désogestrel 75 µg suite à l’utilisation d’un autre progestatif à risque, notamment le nomégestrol et les acétates de chlormadinone. En revanche, les résultats concernant le lévonorgestrel oral seul 30 µg ou associé à des œstrogènes (50-150 µg) sont rassurants et en faveur de l’absence de risque de méningiome.