L’association entre la bronchopathie chronique obstructive (MPOC) et les maladies cardiovasculaires est connue depuis assez longtemps. A tabagisme égal, un patient souffrant de BPCO présente plus de comorbidités cardiovasculaires qu’un sujet n’ayant pas développé de BPCO. On parle de risque cardiopulmonaire. « La physiopathologie de cette association reste mal comprise. C’est probablement complexe mais il y a fort à parier que l’inflammation chronique associée à la BPCO y joue un rôle. » explique le Professeur Maeva Zysman (CHU de Bordeaux). Plus récemment, nous avons remarqué que les événements cardiovasculaires étaient particulièrement accrus dans l’année suivant une exacerbation de BPCO. Plusieurs études l’ont confirmé en 2024.
Un pic en 30 jours
Ces études montrent qu’après une exacerbation, les patients présentent davantage d’événements cardiovasculaires l’année suivante. Ces événements sont particulièrement fréquents dans les 30 jours suivant une exacerbation, encore plus dans la semaine qui suit. « Et cette augmentation des événements cardiovasculaires se retrouve non seulement après des exacerbations sévères nécessitant une hospitalisation mais également après des exacerbations modérées prises en charge à domicile avec des corticoïdes et/ou des antibiotiques. » insiste le spécialiste.
Beaucoup de ces événements – décompensations d’insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, fibrillation auriculaire, accidents vasculaires cérébraux, accidents ischémiques transitoires, ischémie des membres inférieurs, etc. – sont graves.
Des données françaises basées sur l’analyse PMSI ont montré que 10 % des événements cardiovasculaires post-exacerbation de BPCO nécessitant une hospitalisation entraînent le décès (1).
Ces mêmes données françaises montrent également que plus l’exacerbation de la BPCO est sévère, plus le risque d’événements cardiovasculaires est élevé. Les patients ayant subi une exacerbation de BCPO et traités dans un service médical présentaient un risque deux fois plus élevé d’événements cardiovasculaires ultérieurs. Quand ceux dont l’exacerbation a nécessité une hospitalisation en réanimation ou en soins intensifs avaient un risque d’événements cardiovasculaires ultérieurs multiplié par sept. De plus, cette augmentation du risque semble relativement indépendante du contexte. On la retrouve quels que soient le sexe et l’âge, même si les hommes plus âgés sont particulièrement touchés.
Pensez au « risque cardio-pulmonaire » et au dépistage
La prise de conscience croissante de ce « risque cardio-pulmonaire » a conduit cette année les cardiologues à inclure la BPCO dans l’estimation du risque cardiovasculaire d’un individu. Cette année, la nouvelle définition de Q-RISK version 4, publiée dans Nature Medicine (2) a en effet intégré sept nouveaux facteurs, dont la présence de BPCO. De ce fait, ce nouveau score prédit le risque d’événements cardiovasculaires à dix ans bien mieux que l’ancien dans les cohortes de validation.
« De leur côté, pneumologues et cardiologues réfléchissent ensemble à des examens utiles pour détecter un problème cardiaque chez un patient atteint de BPCO et, à l’inverse, pour détecter un problème pulmonaire chez un patient atteint d’une maladie cardiovasculaire. » explique le professeur Zysman. Les experts français et canadiens devraient publier prochainement leurs recommandations. « L’idée est d’initier des examens cliniques de base de bon sens. À savoir, vérifier systématiquement l’hypertension, la dyslipidémie, le diabète chez un patient atteint de BPCO et réaliser un ECG. Et pensez réciproquement à faire de la spirométrie sur un patient cardiaque. Sans hésiter, si nécessaire, à orienter votre patient vers un cardiologue et/ou un pneumologue, » conclut-elle.
D’après un entretien avec le Professeur Maeva Zysman (CHU de Bordeaux)
(1) M. Zysman et al. Exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive et d’événements cardiovasculaires : analyses descriptives des données PMSI. Rév Mal Respir News 2024;16:27
(2) J Hippisley-Cox et coll. Développement et validation d’un nouvel algorithme pour une meilleure prédiction du risque cardiovasculaire. Médecine naturelle 2024 ; 30:1440-7