À l’âge des choix et de l’autonomie, celui où l’on vit le monde des adultes, la maladie a soudainement remis en question la stabilité de la vie de Tim. A seulement 21 ans, ce jeune Strasbourgeois a vu apparaître dans sa vision une tache logée dans un seul œil, à l’endroit précis où il visait. Initialement modeste, cette tâche s’étend, rongeant ses repères visuels et son quotidien. Les rendez-vous avec des spécialistes ont lieu entre février et mai 2019.
“En arrivant à Strasbourg, j’ai commencé à comprendre que c’était plutôt sérieux quand j’avais quatre ophtalmologistes et trois neurologues rien que pour moi”
En transit entre Haguenau et Strasbourg, c’est dans cette dernière ville qu’il apprend son diagnostic. La maladie a un nom : neuropathie optique héréditaire de Leber ; une maladie très rare, considérée comme mystérieuse par les spécialistes. Dans sa famille, il n’y avait aucune trace d’une telle maladie. Cependant, Tim ne s’effondre pas. A cette époque, il est encore capable de se rendre seul à ses rendez-vous, de conduire et termine son année sans difficulté.
La neuropathie optique héréditaire de Leber, ou NOHL, est une maladie génétique rare qui entraîne une perte de vision rapide et importante, souvent chez les jeunes hommes âgés de 20 à 30 ans. Elle affecte le nerf optique, essentiel à la transmission des informations visuelles de l’œil au cerveau. Cette pathologie est liée à une mutation de l’ADN des mitochondries, les « plantes énergétiques » de nos cellules, et se transmet exclusivement par la mère. Cependant, tout le monde ne développe pas la maladie, même s’il est porteur de cette mutation. Les symptômes débutent souvent soudainement, avec une perte de la vision centrale, tandis que la vision périphérique reste partiellement fonctionnelle, permettant le mouvement. La maladie se stabilise alors, et des cas de guérison spontanée, bien que rares, ont été observés. Il n’existe à ce jour aucun traitement curatif officiel.
La chute dans l’inconnu
“J’ai continué à faire comme si tout allait très bien”
Après un été riche en voyages, en concours pour la poursuite d’études et en examens de médecine, l’étudiant retourne en école de commerce — à l’EM Strasbourg — en septembre 2019. Tout semble encore possible. « Surbooké, j’étais aussi dans une frustration assez étrange, puisque je ne savais pas trop à quoi m’attendre. Mais je n’ai pas mis mon avenir de côté.il se confie sur cette période chargée. Tim ne repart pas vaincu. Avec le recul, il éprouve peut-être une forme de déni.
Tim commence son année normalement, mais perd vite la vue : « J’ai à peine eu le temps de connaître les lieux, de bien comprendre l’école. Un peu plus tard, mon deuxième œil a été touché. Plonger si soudainement dans le monde de la déficience visuelle nécessite une adaptation remarquable, mais c’est la force du soutien qui peut tout changer. Cette transition se fait dans l’urgence et dans la douleur, mais Tim peut compter sur le soutien de son école, qui organise ses examens sous forme d’entretiens individuels avec des professeurs. L’entourage de Tim l’accompagne et le soutient dans l’acceptation de sa maladie, un geste pour lequel il lui restera à jamais reconnaissant.
«Je n’avais aucun arrangement à ce moment-là. Ce n’est pas le cas : « on perd la vue et puis virer de bord, on connaît le braille, on nous donne un nouvel ordinateur, on connaît la synthèse vocale, etc. »
Le défi de l’expatriation avec un handicap
Au milieu des difficultés, le jeune homme choisit de s’accrocher à ses rêves. L’un d’eux est d’étudier un an à l’étranger, l’un des avantages qu’offre son école. Il s’envole pour Montréal en août 2022, après avoir surmonté un labyrinthe administratif avec l’aide de sa sœur. Une fois sur place, HEC Montréal l’accueille à bras ouverts, débloque un budget pour l’aménagement et met tout en œuvre pour le soutenir. Tim n’oubliera jamais la gentillesse de son interlocuteur, le responsable des changes internationaux : “Elle est venue chez moi pour faire les premiers voyages ensemble.”
« La responsable handicap m’a dit : ‘Tu ne te rends pas compte que j’ai des élèves qui sont dans des situations bien moins difficiles que toi et qui n’osent même pas mettre les pieds à l’école.’ Ils n’ont pas du tout cette vie-là. »
Dans cette nouvelle vie, Tim se redéfinit. À Montréal, il découvre un environnement académique prônant la collaboration et créant des liens avec ses colocataires français. Malgré les obstacles, il refuse de se mettre de côté, que ce soit en classe ou dans les montagnes québécoises. Randonnées, road trips à Vancouver, Miami ou Boston, soirées entre amis, il profite de cette année plus que n’importe quel étudiant.
Un traitement porteur d’espoir grâce au Téléthon
Fin 2019, Tim a reçu un traitement expérimental développé par Gensight et financé par le Téléthon qui a amélioré sa vision centrale. Cette remise change la donne un an après son injection, vers octobre 2020. «Je peux lire des panneaux, voir des visages… Sans cela, je ne pense pas que j’aurais osé partir à l’étranger.» Mais l’incertitude persiste et l’amélioration pourrait ne pas être stable. La maladie va-t-elle revenir ? Cette question hante certains de ses choix de vie, lui faisant naître une certaine peur de l’engagement.
Le jeune homme reste lucide sur ses limites. « Je ne me mets pas de barrières, mais chaque nouvelle étape est une épreuve. Tout reste fragile. Cette mentalité pousse Tim à envisager l’avenir avec prudence. Professionnellement, il oscille entre profiter de son diplôme de commerce ou se lancer dans une reconversion vers la physiothérapie, métier qu’il estime plus adapté à ses capacités en cas de rechute. Il choisit cependant de ne plus construire son avenir sur la peur de ce qu’il pourrait perdre, et explique avoir abandonné cette perspective pour vivre davantage le moment présent. Il conserve alors la possibilité de reprendre des études plus tard, si son état de santé ou ses aspirations évoluent.
« Avant, j’adorais faire du shopping, maintenant beaucoup moins. Maintenant, je peux passer cinq minutes dans la section féminine sans m’en rendre compte et ne m’en rendre compte qu’après.»
Les difficultés quotidiennes de la déficience visuelle
Les difficultés liées à ce handicap visuel s’étendent au-delà de la perte de vision. Chaque tâche quotidienne, même la plus triviale, devient un défi. « Faire du shopping est une épreuve en soi. Identifier des produits, s’orienter dans un magasin que je ne connais pas, tout cela peut prendre des heures. Ses mouvements nécessitent une concentration constante, car son cerveau ne peut plus s’appuyer sur l’intuition naturelle de la vue pour éviter un obstacle. Il parle également de la frustration de devoir dépendre des autres pour des activités qu’il exerçait auparavant de manière indépendante. Ces difficultés techniques s’accompagnent d’un poids psychologique profond : le besoin de demander de l’aide, l’effort constant d’anticiper les imprévus, et l’impression, parfois, de ralentir son entourage.
Derrière ses exploits, comme le marathon dont il vient de rentrer, se cache une réalité quotidienne exigeante. Chaque tâche, de faire des courses à simplement traverser une rue, nécessite une énergie mentale colossale. Le handicap est autant un combat qu’une révélation. Il admet : « Ce n’est pas parce que j’ai réussi en Islande que je réussirai en Italie. Chaque expérience me pousse à me dépasser, mais tout reste fragile.
Malgré sa maladie, voyager pour s’évader
Pour Tim, voyager représente un espace de liberté où il s’autorise à penser à autre chose. Depuis son séjour linguistique aux Etats-Unis à l’âge de 17 ans, son amour du voyage a pris une nouvelle dimension. Il évoque avec enthousiasme les road trips dans le vaste Québec, les randonnées au milieu de ses forêts enneigées et les errances à Vancouver, au Monténégro, à New York, en Islande ou encore au Mexique. Chaque escapade est pour lui une façon de se prouver que tout est encore possible. « J’ai fait le cliché avec ma meilleure amie d’arriver à l’aéroport avec une valise sans savoir où on allait. C’était un peu bête, on l’a fait pendant la période Covid. Nous nous sommes retrouvés en Serbie, 10 jours à Belgrade. C’était parfait. confie-t-il en souriant.
Il raconte aussi avec humour les heures passées à organiser ses affaires ou à explorer les rayons des magasins qui lui échappent parfois. Son principal conseil à ceux qui, comme lui, aimeraient voyager : commencer doucement et bien s’entourer. « Il faut partir avec des personnes de confiance, qui comprennent vos besoins, et surtout bien préparer chaque étape du voyage. »
Douleur psychologique plus que physique
« La maladie et mon amélioration m’ont laissé une vision juste suffisante pour que cela ne soit pas perceptible. Juste assez pour que je sois indépendant dans les tâches quotidiennes. Mais pas pour partir à l’étranger. Juste assez aussi pour ne pas vraiment voir la beauté de la vie sans faire un effort. Tout est un effort, il n’y a jamais un moment où on se lève et se dit qu’on va bien.
“C’est clair, je n’ai rien ressenti avec la perte de la vue, mais c’est une maladie très dure psychologiquement et en terme de perte de confiance en soi.” Son parcours est jalonné d’incertitudes, mais le nouveau visage du Téléthon 2024 n’hésite pas à prévoir de nouveaux voyages, des projets professionnels, et conserve ses centres d’intérêt. Tout est possible, tant négatif que positif.
Nous ne réalisons ce que nous perdons que lorsque nous l’avons vraiment perdu. Mais nous pouvons aussi choisir de voir tout ce que nous pouvons encore faire. Son témoignage est celui d’un jeune homme qui refuse de se laisser définir par sa maladie, préférant écrire une histoire où chaque étape est autant un combat qu’une victoire.
Tim parle souvent de son “chance dans la malchance”résumant bien la dualité de son expérience. Bien que confronté à une maladie rare, il a eu l’opportunité de bénéficier d’un essai clinique qui a transformé son quotidien. Il attribue en partie cette opportunité au Téléthon, qu’il considère comme un « héros de l’ombre »avoir financé son traitement sans qu’il en soit au courant au départ. Ce sentiment de gratitude cohabite avec une certaine lucidité : tout n’est pas redevenu comme sa vie d’avant, mais cette amélioration est une avancée précieuse et une Source d’espoir pour lui et pour tant d’autres. Cela lui a permis de commencer une troisième vie.
Tim pour le Téléthon 2024
Tim est l’un des 5 ambassadeurs du Téléthon 2024. Il partage son histoire et souligne l’impact essentiel de la recherche médicale et la générosité des donateurs. Elle porte un message d’espoir en montrant que ces avancées profitent non seulement aux patients souffrant de maladies rares, mais aussi à la recherche sur des pathologies plus répandues. Depuis qu’il est devenu ambassadeur, il dit avoir brisé une sorte de coquille d’insensibilité affectant de nombreux sujets. Cette expérience humaine l’a façonné, le rendant plus empathique et résolument tourné vers l’avenir.
Le rôle d’ambassadeur fait de lui un lien vivant entre chercheurs, donneurs et patients, tout en sensibilisant le public aux besoins financiers et humains urgents pour continuer à faire avancer la recherche. Grâce aux dons, des personnes comme Tim ont la chance de reprendre le plein contrôle de leur vie grâce aux traitements mis en œuvre par les experts de Généthon. Les particuliers et les entreprises peuvent faire un don à l’association AFM-Téléthon qui finance le laboratoire Généthon. Pour faire un don ponctuel ou régulier, cliquez ici.
“J’aime beaucoup l’expression héros de l’ombre, car c’est ce que représente pour moi le Téléthon : une association de bienfaisance qui a financé mon traitement sans que je m’en rende compte.”