La 44e édition de Montpellier Danse a été lancée ce week-end simultanément dans trois univers différents

La 44e édition de Montpellier Danse a été lancée ce week-end simultanément dans trois univers différents
La 44e édition de Montpellier Danse a été lancée ce week-end simultanément dans trois univers différents

La 44e édition du festival Montpellier Danse, qui se poursuit jusqu’au 6 juillet, a été lancée ce week-end avec trois superbes créations dans autant d’univers différents.

“Si vous trouvez ce monde mauvais, vous devriez en voir quelques autres.” Le titre du discours mythique prononcé par Philip K. Dick, l’auteur visionnaire de science-fiction, à Metz en 1977, a trouvé ce week-end une triple résonance artistique à Montpellier. La 44e édition de Montpellier Danse s’est ouverte, chose exceptionnelle pour un festival, avec trois créations, dont deux premières mondiales, le même jour. Trois mondes bien autres, très fermes, très ailleurs, imaginés par Robyn Orlin, Wayne McGregor et Saburo Teshigawara.

Un coin abandonné de l’Afrique du Sud

Pour Comment peut-on fleurir dans le désert de sel, donné au théâtre Grammont, Robyn Orlin s’est associé aux talents de uKhoiKhoid, fantastique duo de musiciens de Johannesburg, et du Garage Dance Ensemble, compagnie fondée par Alfred Hinkl et Jon Linden à Okiep, ancienne ville minière du Cap. Nord. Dans ce coin de l’Afrique du Sud, l’afrikaans est principalement parlé, et les indigènes aiment être appelés Métis ; un terme qui désigne des populations d’ethnies mixtes, en l’occurrence issues des cultures Nama et indienne. Mais la série ne parle pas des origines des Coloreds, mais de leur aujourd’hui et de leur présent.

Tandis que le multi-instrumentiste virtuose Yogin Sullaphen et l’incroyable chanteuse Anelisa Stuurman (Nina Hagen rencontre Angelique Kidjo !) créent, par auto-échantillonnage, des mélodies puissantes et incantatoires, cinq danseurs évoluent sur la scène nue mais entourée de caméras discrètes. Autant vidéographiques que scéniques, les peintures qu’ils composent, tantôt symboliques, tantôt narratives, souvent psychédéliques, parlent de la misère et de la débrouillardise, de la frustration et de la violence, du chagrin et de la résilience, d’un peuple abandonné. Dans ce monde aride, oublié, démuni, il n’est riche que de lui-même, de sa culture métissée, de son humour coloré. Et la danse ? C’est l’incarnation, c’est la vibration, c’est l’exultation, c’est l’épanouissement.

De l’espace aux abysses

Changement complet d’univers avec Deepstaria, présenté à l’opéra Berlioz. Le chorégraphe britannique Wayne McGregor s’est appuyé sur les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle, d’imagerie acoustique et de musique animée pour sa création qui évoque à la fois les confins cosmiques et sous-marins. Ce « voyage » mental et expérimental commence du côté abstrait de l’espace : en sous-vêtements noirs, les neuf danseurs de la compagnie progressent devant un monolithe de Vantablack, un matériau qui ne reflète pratiquement pas la lumière, et sur un plateau en plastique noir qui reflète le corps. Nous sommes quelque part entre 2001, l’Odyssée de l’espace par Kubrick et Sous la peau par Glazer. Tout en rafales de stridences magnétiques et de pulsations bruyantes, la musique spatialisée ajoute encore à l’impression de science-fiction.

D’une beauté sculpturale, les danseurs démontrent, en solo ou en duo, une technique extraterrestre et un vocabulaire d’une richesse tout aussi surnaturelle. Dans les ensembles en revanche, leur champ lexical semble se concentrer sur la vétusté académique de l’harmonie, on s’ennuie donc un peu mais c’est toujours le cas à un moment ou à un autre lors des longs voyages. Deepstaria progresse ainsi, tel un saut HALO aux dimensions sidérales, dans une plongée esthétique vertigineuse dans les profondeurs de l’océan. Désormais vêtus de robes courtes translucides évoquant la plasticité grise des méduses, les danseurs rivalisent une nouvelle fois de gestes ondulants au rosso profond d’apnées horrifiantes. La perfection n’est pas de ce monde mais est-elle celle de Wayne McGregor ? Cependant, dans l’espace infini comme dans les profondeurs marines, il fait un peu froid.

Expressions existentielles

Le monde de Saburo Teshigawara n’est plus forcément chaud, mais sans doute émouvant. Avec Voix du désert, donné au théâtre Agora, le maître japonais semble vouloir donner corps (au pluriel) aux contradictions qui déchirent les âmes des hommes. Dans une scénographie ultra raffinée, sol noir, lumière pure, et sur des musiques ici climatiques, là baroques, il se déplace souvent avec une extrême lenteur qui contredit des attaques d’éclairs, une vitesse époustouflante, quand sa partenaire Rihoko Sato se déplace dans un flow clair avec des gestes de bras. La danse atteint une équivalence chorégraphique, celle du cinéma muet expressionniste. L’exaspération des gestes et des expressions bouscule l’émotion et approfondit les questions existentielles. Nous avons visité d’autres mondes, mais ils étaient humains après tout.

 
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