Et si, grâce à l’IA, les virus tueurs de bactéries étaient la solution ?

Et si, grâce à l’IA, les virus tueurs de bactéries étaient la solution ?
Et si, grâce à l’IA, les virus tueurs de bactéries étaient la solution ?

L’ESSENTIEL

  • La phagothérapie consiste à utiliser des virus appelés bactériophages pour lutter contre les infections bactériennes.
  • Des chercheurs français ont développé une IA capable de déterminer le cocktail de bactériophages le plus efficace contre une bactérie.
  • L’IA a pu prédire correctement l’efficacité des bactériophages contre la bactérie E. coli dans 85 % des cas.

La phagothérapie consiste à utiliser des virus « tueurs de bactéries » appelés bactériophages pour combattre les infections bactériennes. Ce type de traitement fut progressivement abandonné avec l’arrivée des antibiotiques dans les années 1930. Mais maintenant que la résistance aux antibiotiques complique le traitement des patients – et entraîne la mort dans les cas les plus graves – les chercheurs observent à nouveau de près les bactériophages.

Et des scientifiques de l’Institut Pasteur, de l’Inserm, de l’AP-HP et de l’Université Paris Cité ont développé un nouvel outil capable de choisir le meilleur cocktail de bactériophages pour un patient donné. Ce modèle, basé sur l’IA, a été présenté en détail dans la revue Microbiologie naturelle à partir du 31 octobre 2024.

Résistance aux antibiotiques : une base de données pour identifier les phages les plus efficaces contre E.coli

Pour améliorer l’efficacité de la phagothérapie, l’équipe de chercheurs français a commencé par étudier de plus près les interactions bactéries-phages pour savoir s’il était possible de prédire l’efficacité d’un bactériophage sur une souche bactérienne. Ils ont ainsi créé une base de données regroupant 403 souches de bactéries Escherichia coli et 96 bactériophages. « Nous avons mis les phages en contact avec les bactéries en culture et observé quelles bactéries étaient tuées. Nous avons étudié 350 000 interactions et réussi à identifier, au niveau du génome de la bactérie, les caractéristiques susceptibles de prédire l’efficacité des phages. »a expliqué Aude Bernheim, auteure principale de l’étude et responsable du laboratoire Diversité moléculaire des microbes à l’Institut Pasteur, dans un communiqué.

« Contrairement à ce que l’on pensait initialement, ce sont les récepteurs à la surface des bactéries et non leurs mécanismes de défense qui déterminent en premier lieu la capacité des bactériophages à pouvoir infecter ou non les bactéries, et qui prédisent leur efficacité »a poursuivi son co-premier auteur, Florian Tesson.

Phages/bactéries : un cocktail sur mesure avec une IA efficace à plus de 80 %

Après cette première étape, les scientifiques ont utilisé les informations recueillies pour développer un programme d’intelligence artificielle dont l’objectif est d’évaluer quel virus est le plus efficace contre une bactérie E. coli donnée. Pour le déterminer, l’IA s’appuie sur l’analyse du génome des pathogènes, et plus particulièrement des régions impliquées dans le codage des récepteurs membranaires des bactéries. Ces dernières sont en fait les « portes d’entrée » des phages.

Lors des tests, le modèle développé a pu prédire correctement l’efficacité des bactériophages contre la bactérie E. coli dans la base de données dans 85 % des cas. «C’est un résultat qui dépasse nos attentes»a confié Aude Bernheim.

Les tests se sont ensuite poursuivis avec une nouvelle collection de souches bactériennes d’E. coli responsables de pneumonies. L’IA a sélectionné, pour chacun d’eux, un « cocktail » sur mesure de trois bactériophages. Ces derniers ont réussi à détruire les bactéries ciblées dans 90 % des cas.

Pour les chercheurs, ces résultats très prometteurs montrent que leur outil «facilement utilisé dans les laboratoires de biologie hospitaliers» ouvre « la voie dans les années à venir vers une sélection personnalisée et rapide de traitements bactériophages en cas de diagnostic d’infection bactérienne à Escherichia coli hautement résistante aux antibiotiques ». Cette IA pourrait ainsi contribuer à réduire les risques de résistance aux antibiotiques et ses 35 000 décès annuels en Europe.

« Nous devons encore tester le comportement des phages dans différents environnements, mais la preuve de concept est terminée. Nous espérons pouvoir l’étendre à d’autres bactéries pathogènes, car notre IA a été conçue pour s’adapter facilement à d’autres cas, et proposer à l’avenir des traitements de phagothérapie personnalisés. »a toutefois précisé le chercheur.

 
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