Jodie Devos, une soprano magique et rayonnante emportée à 35 ans

Jodie Devos, une soprano magique et rayonnante emportée à 35 ans
Jodie Devos, une soprano magique et rayonnante emportée à 35 ans

Sa voix légère de soprano, sa diction limpide et sa rigueur ont fait d’elle une interprète exceptionnelle d’Offenbach, mais aussi du romantisme français. Le monde lyrique pleure sa mort subite et prématurée.

Avec Jodie Devos, le répertoire de l’opéra-comique perd l’un de ses militants les plus ardents et les plus rigoureux. Photo Marco Borggreve

Par Sophie Bourdais

Publié le 17 juin 2024 à 15h47

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Ldes éclairs tombant dans un ciel sans nuages. Suscitant étonnement, révolte et chagrin. Dimanche 16 juin, on apprenait à travers un communiqué attristé d’Intermezzo, l’agence qui la représentait, que la soprano belge Jodie Devos venait de décéder à l’âge de 35 ans, emportée par un cancer du sein dont on apprenait l’existence en même temps que l’issue fatale. Son remplacement pour la production de L’Olympiade, d’Antonio Vivaldi, annoncé mi-mai, aurait dû nous alerter : le Théâtre des Champs-Élysées l’a dit “souffrance”, cependant, quelques semaines avant la première (prévue ce jeudi 20 juin), il ne pouvait s’agir d’un rhume ou d’un mal de gorge. Mais Jodie Devos était si jeune, si joyeuse, si vivante ! On voulait croire immortelle cette artiste attachante, pleine de bonne humeur et de santé vocale, qui illuminait toutes les scènes sur lesquelles elle se produisait depuis une dizaine d’années.

Née le 10 octobre 1988 à Libramont, en Belgique wallonne, formée à Namur et à Londres, et récompensée en 2014 par un deuxième prix et un prix du public au Concours Reine-Elisabeth, Jodie Devos intègre immédiatement l’Académie de l’Opéra Comique, en Paris. Depuis, elle a beaucoup chanté en France, pour notre plus grande joie. Elle possédait l’une des plus belles voix de soprano légère qu’on puisse entendre sur les scènes d’opéra, un art consommé de la vocalisation, une diction limpide et une personnalité aussi exquise que son instrument.

Interprétée à ses débuts dans des petits rôles, elle les défendit avec tant d’enthousiasme qu’ils eurent autant d’impact, à la fin des premières, que les personnages principaux. Comment résister à sa douce Alice dans LE le comte Ory, par Rossini, merveille d’ingéniosité, son page Arthur en La nonne sanglante, de Gounod, un petit miracle de grâce et de fraîcheur, sa tendre Rosa en Le timbre d’argent, de Saint-Saëns? Le romantisme français lui allait comme un gant et était même devenu une de ses marques de fabrique. Elle n’en a pas fait une exclusivité, son répertoire allant du Ramiste baroque (Zoroastre, Les Indes galantes) au contemporain, comme en témoigne la création mondiale à la Monnaie de Bruxelles deOn purge bébé !, par son compatriote Philippe Boesmans, où elle était brillante en mère obsédée par les selles de sa progéniture. Elle chantait tout aussi volontiers Mozart, la Suzanne mutine dans Les Noces de Figaro ou Reine de la nuit ombragée La flûte magique, puis envoyant ses aigus aigus comme autant de flèches.

C’est pourtant le répertoire de l’opéra-comique, et notamment celui de Jacques Offenbach, qui perd l’un de ses militants les plus ardents et les plus rigoureux. En plus d’un magnifique disque, Coloration d’Offenbach (Alpha Classics), on n’oubliera pas son insolente et drôle Gabrielle dans La vie parisienne, au Théâtre des Champs-Élysées, ni sa poupée Olympia aussi pyrotechnique que malicieuse dans Les Contes d’Hoffmann, à l’Opéra Bastille.

A l’aise sur toutes les scènes, grandes ou petites, Jodie Devos était aussi dans des registres plus sombres, que ce soit celui de la mélancolique Princesse Elsbeth dans Fantaisie (Offenbach toujours), d’Ophélie dans le Hamlet d’Ambroise Thomas, ou le rôle-titre du Lakmé de Léo Delibes ; elle a ensuite troqué les méfaits contre des sommets d’expressivité. En novembre 2023, elle nous serrait le cœur, Salle Favart, avec la plainte d’Elsbeth, contrainte à un mariage sans amour : « Ah ! Qui peut lire dans son cœur ? / Quel est le mari que j’attends malheureusement ? / Pour commencer il faut en rire, / Il est toujours temps de pleurer ! » Aujourd’hui, on pleure pour de vrai.

ÉCOUTEZ JODIE DEVOS
Il était une fois…, avec la mezzo-soprano Caroline Meng et le Quatuor Giardini, Alpha Classics.
Coloration d’Offenbach, avec le Münchner Rundfunkorchester dirigé par Laurent Campellone, Alpha Classics.
Et l’amour a dit…, avec le pianiste Nicolas Krüger, Alpha Classics.
Bijoux perdusavec le Brussels Philharmonic sous la direction de Pierre Bleuse, Alpha Classics.

 
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