Le monument de Lodève ne reprend pas les symboles guerriers visibles partout. L’artiste rend moins hommage à la patrie qu’il n’évoque les souffrances causées par la guerre.
Comme dans la plupart des communes françaises, le traumatisme fut grand à la fin de la guerre de 1914-1918. Pour commémorer ces milliers de morts pour la France, des élus, parfois eux-mêmes revenant du front, ont commandé un monument. A Lodève, c’est le maire Joseph Railhac qui a commandé un monument au sculpteur Paul Dardé.
Les Lodévois n’en verront la couleur que onze ans plus tard : le monument sera inauguré en 1930, ne présentant pas les symboles guerriers habituels visibles dans la plupart des villes et villages français. Paul Dardé, né à Olmet en 1888, est mobilisé pendant la Grande Guerre. Son rôle de brancardier l’envoie récupérer les corps des blessés sur le champ de bataille, une expérience traumatisante qui le marquera à vie. Dardé tente de s’enfuir et de fuir la guerre, ce qui aurait pu lui valoir d’être fusillé pour désertion, il sera finalement interné dans un service psychiatrique de Montpellier.
Seven war memorials in Hérault
Cet artiste autodidacte au caractère bien trempé fut sauvé de la folie grâce à sa pratique artistique : son Grand Faune reçut le Grand Prix national des arts en 1920 et lui apporta une renommée internationale. Il choisit cependant de retourner dans sa région natale et ouvre son nouvel atelier à Soubès.
Dardé créera sept mémoriaux aux morts dans l’Hérault, celui de Clermont-l’Hérault dont la femme nue veillant sur le soldat couché fera scandale, mais il crée aussi ceux de Soubès, Saint-Maurice-de-Navacelles, Bousquet d’ Orb et Lunel et un dans l’Aude à Limoux. Des monuments qui glorifient moins la patrie qu’ils n’évoquent les souffrances et la brutalité de la guerre.
Paul Dardé a cependant connu un effondrement financier ; tous ses biens, y compris les outils, ont été vendus aux enchères. Il meurt à Lodève dans une relative pauvreté en 1963. Le musée de Lodève acquiert le patrimoine de son atelier et possède 2 800 dessins et 567 sculptures, dont le Grand Faune, superbement exposés. Et pour ceux qui souhaitent voir son autoportrait, l’artiste s’est représenté (à droite dos à l’œuvre) dans le mur qui sert d’enceinte à l’ensemble monumental.
